Intervention de François Kalaydjian

Réunion du jeudi 6 juin 2019 à 9h00
Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

François Kalaydjian, directeur « Économie et veille » de l'Institut français des pétroles Énergies nouvelles :

Monsieur le président, Madame la rapporteure, l'hydrogène doit être examiné dans le contexte de la transition énergétique et de l'objectif de neutralité carbone que s'est assignée la France à l'horizon 2050. La neutralité carbone engage la France à réduire drastiquement ses émissions de CO2 par un facteur d'au moins cinq. Cet objectif très ambitieux réclame une multiplicité de solutions complémentaires les unes des autres, dont notamment l'hydrogène.

Atteindre cette neutralité engage à décarboner l'industrie, le transport, responsable à lui seul de 30 % des émissions de CO2 de la France, et à apporter des services au réseau d'électricité qui va connaître, dans les décennies à venir, une part croissante d'énergies renouvelables variables, c'est-à-dire non pilotables, de nature à induire des problèmes de flexibilité de notre réseau.

L'hydrogène aujourd'hui existe et est utilisé sans attendre l'acte II mais dès l'acte I. Quelque 70 millions de tonnes d'hydrogène sont produites et consommées chaque année. Il est aujourd'hui produit à 4 % par électrolyse de l'eau et à 96 % à partir d'énergies fossiles, principalement par la conversion du gaz naturel.

Parmi les grands secteurs industriels consommateurs d'hydrogène figure notamment le raffinage, pour la production d'ammoniaque utilisé pour les engrais et le méthanol. L'hydrogène est donc utilisé, bien connu. Le marché devrait être croissant dans ses usages actuels et passer de 70 millions de tonnes aujourd'hui à près de 80 millions de tonnes d'ici à 2022.

Afin de développer les nouveaux besoins et les nouveaux services qui apparaissent avec les objectifs de décarbonation et de services apportés au réseau électrique, l'hydrogène doit être non carboné, car on n'aurait aucun gain à l'utilisation d'un hydrogène carboné. La conversion du gaz naturel, aujourd'hui majoritairement utilisé pour produire de l'hydrogène, émet 10 tonnes de CO2 par tonne d'hydrogène produite. En maintenant ce mode de production, on ne réduirait donc pas les émissions de CO2 par l'utilisation d'hydrogène. L'hydrogène décarboné peut être produit soit en captant le CO2 lors de la conversion du gaz naturel, ce qui est tout à fait envisageable et peu onéreux, soit par électrolyse de l'eau, pour autant que l'électricité apportée soit non carbonée. Or en France, notre électricité figure déjà parmi les moins carbonées au monde. Dans d'autre pays, cette électricité serait principalement fournie par des énergies renouvelables.

Pour envisager le développement de l'hydrogène non carboné dans notre mix énergétique, il faut remplir certaines conditions, en termes de coûts de production, de coûts de fonctionnement des électrolyseurs, d'augmentation de leur rendement et de leur montée en puissance.

Pour réduire les coûts de production d'hydrogène non carboné par électrolyse, il y a aussi une problématique de coût d'accès à l'électricité. Pour remplacer l'énergie apportée par les énergies fossiles par de l'électricité, il faut prévoir des électrolyseurs de plusieurs centaines de mégawatts. Il faut donc penser gigawatts. Il y a une problématique d'augmentation de puissance des électrolyseurs.

En outre, le coût de production de l'hydrogène par électrolyse de l'eau fait appel à des technologies variées dont les rendements sont au maximum de l'ordre de 60 à 70 %. Il faut accroître ces rendements. De nouvelles technologies, utilisant notamment des électrolytes solides peuvent émerger. Elles sont à l'échelle du kilowatt et je rappelle qu'il faut passer à l'échelle du gigawatt.

La durée de vie des électrolyseurs est actuellement d'une quinzaine d'années. Pour un électrolyseur d'un gigawatt, il faut concevoir une rentabilité à un horizon de temps acceptable pour l'industrie, c'est-à-dire augmenter sa durée de vie au-delà de quinze ans. Il faut donc travailler sur la fiabilité, la durée de vie, le rendement et l'augmentation de puissance des électrolyseurs.

Plus de la moitié du coût de l'hydrogène produit par électrolyse provient du coût de l'électricité. Si on concevait l'alimentation d'un électrolyseur de façon standard, le coût serait supérieur à 50 euros le mégawattheure. Pour abaisser considérablement le coût de production d'hydrogène électrolytique, il faut prévoir un traitement du coût de l'électricité équivalent à ce qu'on envisage pour les industries électro-intensives, c'est-à-dire un accès à l'électricité non taxé.

Il y a donc un ensemble de conditions à remplir, puisque le coût de production d'hydrogène électrolytique est de 4 à 6 euros le kilo, quand la production d'hydrogène par reformage de gaz naturel est d'environ 1,50 euro le kilo.

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