Intervention de François Kalaydjian

Réunion du jeudi 6 juin 2019 à 9h00
Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

François Kalaydjian, directeur « Économie et veille » de l'Institut français des pétroles Énergies nouvelles :

En captant du CO2 sur un reformeur de gaz naturel, si on valorise le CO2 à 50 euros la tonne – il est aujourd'hui sur le marché à 25 euros la tonne –, on augmente le coût d'un demi-euro par kilo d'hydrogène, soit 2,50 euros le kilo. La cible de réduction du coût de l'hydrogène électrolytique avoisine donc 2 euros le kilo, soit une division par deux du coût actuel de production d'hydrogène électrolytique. Cela peut difficilement s'envisager par une simple amélioration des performances des électrolyseurs, malgré une économie d'échelle en passant à de grandes puissances des électrolyseurs.

Il peut être intéressant d'introduire l'hydrogène électrolytique dans l'activité de raffinage afin de contribuer à décarboner cette industrie. L'hydrogène est utilisé depuis des décennies par certaines raffineries pour purifier les produits. L'apport d'hydrogène permet de désoufrer les produits pétroliers afin de se conformer aux normes en vigueur. La production actuelle d'hydrogène utilisé comme produit de purification des produits pétroliers peut engendrer le tiers des émissions de CO2 émises par une raffinerie.

Introduire de l'hydrogène électrolytique est un bon moyen de décarboner une raffinerie. Mais pour fonctionner, une raffinerie doit dégager des marges. La marge minimum est de l'ordre de 2,20 dollars par baril produit. En partant d'une marge de 4 dollars par baril, conserver une telle marge conduit à envisager un coût de production d'hydrogène électrolytique d'environ 2 euros le kilo.

On a beaucoup parlé de flexibilité du réseau. Elle sera fortement demandée lorsque la part variable des énergies renouvelable deviendra importante, mais pas dans l'immédiat, puisqu'en 2035, 50 % de notre électricité seront encore nucléaires, donc pilotables. Les problématiques de flexibilité du réseau se poseront au-delà de cette date.

L'hydrogène électrolytique peut décarboner le transport, qui représente aujourd'hui 30 % des émissions de CO2, notamment le transport lourd, lequel, par l'énergie qu'il demande, n'est pas facilement accessible aux batteries. Tout segment du transport lourd, notamment le fret routier et le ferroviaire, nécessitant des énergies considérables que ne peuvent pas fournir des batteries est accessible à l'utilisation de l'hydrogène à partir d'une production d'électricité par alimentation de piles à combustible.

Pour l'électrification du transport, il faut concevoir le rendement de l'électrolyse et le rendement d'une pile à combustible, soit moins de 50 % de rendement global, alors que l'utilisation directe de l'électricité dans une batterie offre un rendement de 90 %.

Si l'hydrogène électrolytique semble un vecteur intéressant pour le transport lourd, pour le transport léger, notamment les véhicules, il faut examiner la compétitivité de la filière hydrogène par rapport aux filières batteries qui se développent. Les voitures à hydrogène devront atteindre des niveaux de performance technico-économiques intéressants en comparaison des véhicules à batteries.

Si l'on reprend l'exercice de scénarisation d'électrification du parc automobile français à l'horizon 2040, pour se conformer à l'interdiction de la vente des véhicules thermiques à émissions de gaz à effet de serre à horizon 2040, que nous avons fait en début d'année pour l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), il apparaît que la pénétration sur le marché des voitures à hydrogène nécessite un certain nombre de facteurs. Je pense notamment à la réduction du prix des véhicules à hydrogène, qui dépasse aujourd'hui 60 000 euros, à une aide à l'achat et un coût de distribution de l'hydrogène à 3 euros le kilo. Cela nous ramène, tant pour la question du raffinage que pour la question du transport à une réduction significative du coût de production de l'hydrogène.

En conclusion, le développement des usages de l'hydrogène est lié à des enjeux de coûts, de puissance disponible des électrolyseurs et à un horizon de temps au-delà de 2030-2035. Pour améliorer les performances des électrolyseurs, il convient de soutenir publiquement la recherche technologique. En outre, le coût d'accès à l'électricité devrait faire l'objet d'une réglementation. Je n'ai pas évoqué les questions de sécurité. Il n'existe pas de réglementation explicite sur l'autorisation de stationner des voitures à hydrogène dans les parkings souterrains.

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