Intervention de Yves Lederer

Réunion du jeudi 6 juin 2019 à 11h00
Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Yves Lederer, président du groupe Coriance :

Monsieur le président, merci de nous avoir conviés à participer à cette commission d'enquête.

Coriance est un groupe spécialisé dans les délégations de service public de chauffage et de froid urbain – principalement de chauffage -, et un grand nombre des réseaux de chaleur que nous exploitons sont alimentés par des énergies renouvelables et par de la cogénération.

J'établirai d'emblée une distinction entre les systèmes de cogénération, comme vous l'avez fait. Nous faisons fonctionner vingt installations avec des cogénérations gaz, turbines ou moteurs, installations qui produisent de l'électricité et dont on récupère la chaleur lors du refroidissement afin d'alimenter nos réseaux de chaleur. Nous exploitons une cogénération biomasse, à Pierrelatte, dans la Drôme. Nous avons par ailleurs des chaufferies biomasse, qu'il convient de distinguer de la cogénération biomasse de Pierrelatte, où nous produisons, à partir de bois, de l'électricité qui est vendue à EDF et où nous récupérons de la chaleur pour alimenter autour de la ville des serres, le site industriel Georges-Besse II de l'ex-Areva, la ferme aux crocodiles, le site touristique de la Drôme et la ville de Pierrelatte.

Jusqu'alors, la cogénération gaz fonctionnait avec un système dit d'obligation d'achat qui prévoyait, moyennant certaines conditions techniques, par des contrats d'une durée de douze ans, un prix de vente d'électricité par EDF permettant aux réseaux de chaleur de bénéficier d'une recette électrique, donc de conférer une compétitivité certaine à la vente de chaleur. C'est un premier vrai sujet pour l'avenir proche, dans la mesure où ces contrats d'obligation d'achat dits C13 concernent des cogénérations d'une puissance jusqu'à 12 mégawatts électriques. Toutefois le contrat C16 qui correspond aux contrats en cours va jusqu'à un mégawatt, ce qui, pour un réseau de chaleur, est très petit. Certains C13 sont encore en cours, mais pour ceux arrivant à échéance, rien n'est prévu pour succéder à ce dispositif, en sorte que les recettes électriques dont bénéficient les délégations de service public concernées vont s'éteindre, avec des conséquences potentielles. Nous-mêmes et beaucoup de nos confrères avons beaucoup de contrats à l'intérieur desquels le contrat C13 de vente d'électricité s'arrête avant la fin de la délégation le service public. Or le prix de revient du mégawattheure chaleur provenant d'une installation de cogénération est d'environ 5 euros le mégawattheure, tarif imbattable puisque tout autre mode de production ne bénéficie pas de recettes associées, en l'occurrence, les ventes d'électricité.

Voir arriver l'arrêt de ces cogénérations est pour nous un sujet de préoccupation majeur, pour nous-mêmes, en tant que délégataires de service public, mais aussi pour nos délégants concernés. Dans certains contrats récents, l'arrêt du C13 est anticipé, mais les contrats plus anciens prévoyaient un renouvellement du C13. Si le C13 s'arrête, l'impact sur les prix de vente de chaleur dans les nombreux cas concernés représentera une hausse de 10 à 15 %, ce qui n'ira pas sans poser de problème, nous seulement au regard du prix de chauffage et d'eau chaude sanitaire, mais aussi parce que nos réseaux de chaleur alimentent en grande partie des quartiers populaires, des bailleurs sociaux, des copropriétés parfois en difficulté.

Nous appelons de nos vœux de prévoir au moins un dispositif d'amortissement pour la fin de la cogénération. Nous sommes prêts à discuter quels types d'amortissements pourraient être mis en place, d'autant que souvent, ces cogénérations gaz, qui ont l'inconvénient de fonctionner à partir d'une énergie fossile, sont associées à des énergies renouvelables. C'est le cas à Fresnes de la géothermie et de la cogénération gaz et aux Mureaux de la biomasse et de la cogénération gaz. À notre sens, l'association énergies renouvelables majoritaires et cogénération gaz est très pertinente, parce qu'elle permet, d'une part, de développer de l'énergie renouvelable, et, d'autre part, d'être économiquement compétitive face aux énergies purement fossiles.

Nous avons déjà connu des exemples de démantèlements d'outils industriels qui fonctionnaient. Un système d'amortisseur, voire de poursuite de l'utilisation de ces outils, pourrait être envisagé. Nous savons que le système d'obligation d'achat conduit à un prix de vente de l'électricité majoré pour EDF. Ce prix pourrait être réduit, mais l'annulation totale et brutale poserait des problèmes dans le cadre de ces délégations de service public. Le nouveau contrat mis en place, le C16, n'est pas adapté aux dispositifs de réseaux de chaleur classiques.

La cogénération biomasse fait l'objet d'un dispositif différent qui utilise une énergie renouvelable. Il existe deux dispositifs favorisant la cogénération biomasse. Il y a, d'une part, un dispositif d'obligation d'achat, garantissant un prix de vente de l'électricité à EDF, comme pour la cogénération gaz. D'autre part, il existait des appels à projet par la commission de régulation de l'énergie (CRE) de construction et d'exploitation d'exploitations de cogénération biomasse. Pour celle de Pierrelatte, nous avons conclu un contrat d'obligation d'achat sur vingt ans pendant lesquels EDF s'engage à nous racheter l'électricité à un prix donné. Contrairement aux cogénérations gaz qui ne fonctionnent que cinq mois par an, l'hiver, de novembre à mars, puis s'arrêtent, l'obligation d'achat de la cogénération biomasse est valable toute l'année, vingt-quatre heures sur vingt-quatre.

En outre, les appels à projet de la CRE concernaient des cogénérations biomasses d'une puissance relativement importantes nécessitant un puits de chaleur conséquent associé. De ce fait, cela ne pouvait concerner que des sites ayant besoin de quantités de chaleur très importantes. En outre, dans la mesure où nous répondons à des appels d'offres de délégations de service public, il fallait que l'appel à projet tombe au moment d'un appel d'offres, ce qui était complexe à gérer. Compte tenu de ces deux contraintes, nous avons répondu une fois dans la vie de notre groupe à un appel à projet de la CRE, lequel n'a d'ailleurs pas été couronné de succès. Ce dispositif n'était pas favorable à une implantation sur des réseaux de chaleur classiques.

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