Madame Charvier, votre question sur l'identité européenne de la culture rejoint un peu celle de M. Anglade : comment faire émerger une identité européenne et un sentiment d'appartenance à l'Union ? Il faut tout d'abord accepter et accueillir la diversité car l'unité naîtra de cette diversité. Les dispositifs déjà évoqués accompagneront cette dynamique : Erasmus de la culture, Pass Culture, année européenne du patrimoine, dispositifs de soutien à la traduction. À l'heure où l'Europe est confrontée à des défis qui questionnent les politiques et le projet européens, j'ai à coeur d'agir afin de redonner à nos concitoyens ce goût de l'Europe.
Je suis convaincue que la culture est l'un des principaux leviers de réappropriation du projet européen. Au niveau européen, je suis mobilisée pour protéger les créateurs, en défendant la politique de quotas dans le cadre de la révision de la directive SMA. Les citoyens européens doivent avoir accès aux créations européennes : sans quota, c'est comme si les Européens ne croyaient pas à leurs propres créations ! Il était très important de se mobiliser et, lors du Conseil des ministres du 23 mai dernier, nous avons obtenu que le quota des services de vidéo à la demande soit porté à 30 %.
La rencontre conviviale et informelle que j'ai organisée avec certain nombre de ministres européens de la culture, à la faveur de la foire du livre de Francfort, était également une manière de promouvoir une Europe de la culture incarnée auprès des citoyens. Nous nous sommes accordés, à cette occasion, sur un certain nombre de projets en matière de traduction, sur l'importance de marquer cette année européenne du patrimoine, sur le Pass Culture européen. En conséquence, j'ai demandé à la présidence estonienne de consacrer un point d'information du conseil des ministres du 21 novembre prochain au thème « Refonder l'Europe par la culture », afin de présenter les conclusions de cette réunion.
Madame Le Grip, vous m'interrogez sur la stabilisation de l'axe franco-allemand. Nos relations sont excellentes. Nous sommes, ensemble, force de propositions au niveau communautaire, même si nous attendons actuellement la nomination de mon alter ego. Avec mon homologue Monika Grütter, il était important d'organiser cette réunion à Francfort, afin d'illustrer l'esprit de notre relation, faites de projets très concrets et extraordinaires, comme cette remarquable réussite qu'est Arte.
Lors du conseil des ministres franco-allemand du 13 juillet dernier, je me félicite que la chancelière et notre Président se soient accordés sur une feuille de route ambitieuse pour la culture. Nous travaillons au quotidien pour mettre en oeuvre ces objectifs partagés : mobilisation commune pour la protection du patrimoine, mobilité des professionnels de la culture, défense et promotion de la diversité du paysage audiovisuel européen. Je ne peux que me féliciter que la chancelière et notre président aient pu s'engager ensemble pour la préservation de la diversité culturelle et pour lancer le projet Erasmus de la culture. Le mois dernier, lors de l'inauguration de la foire de Francfort, ils ont affirmé de façon très claire et très solennelle, dans des discours forts, la volonté d'une meilleure prise en compte des politiques culturelles, en particulier la défense du droit d'auteur, et on retrouve la même proximité dans leurs positions sur les principaux dossiers communautaires.
Pour ce qui est du droit d'auteur, nous travaillons en commun à la préservation des droits des auteurs de manuels scolaires et à la création d'un droit voisin pour les éditeurs de presse, mais nous n'avons pas encore de position commune sur deux autres sujets prioritaires : partage de la valeur et territorialité des droits dans le cadre de la diffusion de programmes audiovisuels en rattrapage, deux points sur lesquels nous allons devoir avancer.
Le soutien de l'Allemagne à la directive SMA a été très important lors du dernier Conseil des ministres de la culture, et c'est grâce à lui que le Conseil a adopté le relèvement à 30 % du quota d'oeuvres européennes sur les services de médias audiovisuels à la demande, ainsi que les mesures de protection des mineurs et des publics sur les plateformes de partage de vidéos. Cependant, le combat n'est pas encore gagné, car la directive doit maintenant être négociée avec le Parlement européen, et nous devons veiller à ce que l'Allemagne reste à nos côtés.
Pour conclure sur ce point, nous partageons également la même position que nos voisins d'outre-Rhin sur la proposition de règlement sur le géoblocage, le nécessaire respect du droit d'auteur et l'importance de la territorialité de ce droit dans le financement des contenus culturels. Tels sont les principales positions de l'axe franco-allemand en matière de politique culturelle.
M. Bournazel m'a demandé si, après l'adoption de la directive SMA, des concertations seraient lancées en 2018 en vue de sa transposition dans une nouvelle loi sur l'audiovisuel. Si l'adoption de la directive dans le cadre du Conseil des ministres de la culture a constitué un grand succès diplomatique – en 2013, personne ne pouvait imaginer que nous parviendrions à ce résultat –, il nous reste, avant de passer à la transposition en droit français, à convaincre le Parlement européen d'accepter le texte du Conseil. J'ai fait en sorte que les professionnels concernés soient associés à l'élaboration de la loi ayant pour objet de transposer la directive SMA en 2018. Cette concertation est déjà en cours : mes services organisent régulièrement des réunions avec les syndicats et les associations concernés, afin d'échanger sur les positions défendues par la France dans les enceintes communautaires sur la directive SMA. Par ailleurs, nous sommes en contact informel avec l'ensemble des acteurs, estimant que nous devons maintenir en permanence des relations avec eux, car c'est bien en multipliant les prises de contact, comme nous l'avons fait à Francfort, que nous parviendrons à la transposition de la directive.
Madame Petit, on ne peut que se féliciter que le crowdfunding porte porte sur des montants importants. Nous devons réfléchir aux moyens d'encourager cette pratique, et je pense que le programme Europe Créative peut être l'une des façons d'accompagner ce dispositif innovant en lequel nous croyons beaucoup.
Mme Manin m'a interrogée sur la multiculturalité des territoires éloignés, notamment des départements et territoires d'outre-mer, et sur les moyens de préserver et valoriser la diversité de notre culture européenne, qui représente un symbole extrêmement fort. Comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire ici même, reprenant une distinction établie par Édouard Glissant, il faut défendre la mondialité, et non la mondialisation. La mondialité, c'est le respect de toutes les identités culturelles qui, ensemble, sont plus fortes, et c'est de la richesse des différences que naît l'union – je rappelle une nouvelle fois la devise de l'Union européenne : « Unie dans la diversité ».