M. Gérard m'a interrogée au sujet du patrimoine des outre-mer. À ce sujet, je me félicite une fois de plus que la France soit, aux côtés de l'Allemagne, à l'initiative de l'année européenne du patrimoine, au moment où l'Europe a de plus en plus besoin de réaffirmer son unité. Comme le Président de la République l'a rappelé à plusieurs reprises, notamment à Athènes en septembre, le patrimoine est l'un des socles communs de la civilisation européenne, et c'est en partant de ce principe que nous avons engagé une réflexion sur les patrimoines européens remarquables.
J'ai souhaité que, cette année, la labellisation des événements des journées du patrimoine soit déconcentrée auprès des directions régionales des affaires culturelles (DRAC), afin que la culture et le patrimoine soient au plus près des citoyens et des territoires. Les DRAC labelliseront ainsi des projets à l'échelle de leurs territoires – donc au niveau local, régional, interrégional ou transnational –, et je suis très attachée à ce que les régions ultramarines puissent également participer à cette dynamique. Les DRAC pourront valoriser des projets menés en collaboration avec les pays voisins, afin de permettre la mise en réseau de collections des musées – je pense aux collections des musées amazoniens de la Guyane, du Suriname et du Brésil, ou au projet de redynamiser l'Association des musées de l'Océan indien, à savoir ceux de la Réunion, de l'île Maurice, de Madagascar, des Seychelles, des Comores et de Mayotte.
Je souhaite que l'on donne ainsi la possibilité à nos concitoyens de comprendre la dimension européenne du patrimoine. À cet égard, l'action du Centre des monuments nationaux, qui présente l'histoire et les valeurs communes de l'Europe sur l'ensemble du réseau des monuments nationaux, est remarquable. Je voudrais également mieux faire connaître le label du patrimoine européen, et que les initiatives françaises essaiment dans d'autres pays : je pense notamment aux Rendez-vous aux jardins, très belle manifestation dont la seizième édition aura lieu début juin 2018 dans les jardins de France, mais aussi à l'étranger – je crois que cinq pays y prennent part –, ou encore à l'opération La classe, l'oeuvre ! destinée aux scolaires et se tenant dans le cadre de la Nuit européenne des musées. Ces initiatives françaises sont souvent très suivies en dehors de nos frontières, notamment grâce à internet, et font l'objet de reprises.
La résolution sur le droit d'auteur adoptée par la Commission européenne est un sujet important, que je connais bien. La proposition de directive prévoit la création d'une exception, afin de permettre aux chercheurs de l'Union européenne d'utiliser plus facilement les technologies dites de text and data mining – en français, fouille de textes et données – pour analyser de gros volumes de données. Les contours de cette exception vont au-delà de ce que la loi pour une République numérique a reconnu et, dans le cadre des discussions au niveau communautaire, je m'attache à ce que l'exception reflète au mieux l'équilibre retenu dans la législation française, qui peut être exemplaire à ce niveau.
La radio numérique évoquée par Mme Bannier n'est pas un sujet européen, mais national, avec une implication forte du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA).
Vous savez, monsieur Bourlanges, que je suis très attachée à l'exception culturelle. La garantie de protection de l'exception culturelle dans les négociations commerciales internationales est une vraie nécessité, qui mérite toute notre attention, car c'est d'elle que dépend le futur de la diversité culturelle en Europe. Elle permet aussi d'entrer avec succès dans l'ère numérique en créant de l'activité et des emplois, et je veillerai à ce que les services culturels voient leur spécificité reconnue, afin que les accords négociés par l'Union européenne continuent d'exclure totalement les services audiovisuels, dans le respect du principe de neutralité technologique, à l'instar de l'accord conclu avec le Canada. Cette exclusion, qui a été maintenue après une très forte mobilisation dans le mandat de négociation du partenariat transatlantique de commerce et d'investissement – le TAFTA – est essentielle et revêt un caractère structurant pour la diversité culturelle.
Cette position que je défends fermement, notamment dans les négociations en cours avec le Japon, permet de maintenir les moyens d'une véritable politique culturelle, notamment les quotas et les dispositifs de soutien, mais également de préserver notre capacité à faire évoluer nos politiques dans le secteur culturel et audiovisuel. Enfin, contrairement aux services audiovisuels, certains services culturels comme le secteur de l'édition – considérés depuis 1994 par l'Organisation mondiale du commerce (OMC) comme des services fournis aux entreprises, et non comme des services culturels – ont été libéralisés à l'occasion de l'adhésion de l'Union européenne à l'OMC en 1994. Toutefois, cette libéralisation a été assortie de réserves nationales, qui préservent les politiques de protection, de soutien et de promotion de ces secteurs. Nous devons continuer à faire preuve de vigilance en la matière.
M. Anato m'a interrogée sur le prix unique du livre au niveau européen. Je rappelle que le prix unique du livre a été l'une des grandes lois adoptées par la France en 1981. Cette mesure a permis le maintien d'un écosystème du livre dynamique, ainsi que de la diversité éditoriale et de la reconnaissance des auteurs. De nombreux pays souhaitant évoluer dans la même direction viennent vers nous pour que nous les accompagnions dans cette voie, l'exemple français leur montrant qu'une telle disposition permet le maintien de la diversité économique et de la création. Nous conseillons actuellement la Belgique, la Grèce et la Croatie. Nous soutenons également l'extension de cette loi au livre numérique. Je pourrais évoquer encore de nombreux points à ce sujet, notamment celui de l'interopérabilité du livre : nous nous battons pour que l'Europe empêche que les GAFA ne contraignent les lecteurs à acheter des fichiers de livres numériques dédiés, c'est-à-dire uniquement compatibles avec leur liseuse.
Madame Meunier, vous avez évoqué la problématique des médias russes et chinois qui cherchent à se développer en Afrique. J'ai aussi constaté le phénomène au Mexique, mais il est vrai qu'il constitue un problème particulier sur le continent africain. Si internet est porteur de possibilités nouvelles pour la diffusion de la culture, il peut aussi receler de véritables dangers, notamment en ce qu'il permet la diffusion de contenus anonymes et la propagation de fake news. Je rappelle que la loi sur la presse, qui réprime la diffamation et la diffusion des fausses informations, est applicable à internet, et je récuse donc l'idée selon laquelle internet serait une zone de non-droit.
Les poursuites à l'encontre des auteurs de fausses informations ne peuvent toutefois suffire : il faut aussi responsabiliser les plateformes qui permettent la propagation de ces informations à grande échelle, et cela ne peut se faire qu'au niveau européen. Cela constitue un axe de travail essentiel au sein de la Commission, et, de ce point de vue, avoir obtenu l'inclusion des plateformes de partage de vidéos au sein de la directive SMA constitue une première avancée. Une communication sur les contenus illégaux en ligne a également été adoptée par la Commission en septembre 2017, définissant des lignes directrices communes à l'échelle de l'Union européenne pour assurer l'efficacité du retrait des contenus problématiques par les plateformes en ligne. Par ailleurs, le calendrier de travail de la Commission européenne indique qu'une initiative non législative sera proposée au cours du premier semestre 2018.
Pour conclure sur ce point, je veux insister sur l'importance de la francophonie et du maintien des médias français en Afrique, qu'il s'agisse de l'AFP ou de France Médias Monde. L'Afrique est aujourd'hui au centre de l'attention de nombreux pays, et la présence croissante de la Chine dans le continent africain doit nous inciter à la plus grande vigilance, et à redoubler nos efforts en faveur de la francophonie et des médias qui la véhiculent.