Intervention de Patrick d'Hugues

Réunion du mardi 18 juin 2019 à 17h00
Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Patrick d'Hugues, Bureau de recherches géologiques et minières :

Vous avez évoqué, dès le début, le projet Surfer, pour savoir où nous en étions. Il existe beaucoup d'études sur l'empreinte matière associée à la transition énergétique. Nous avons mentionné l'étude de l'Alliance nationale Ancre et un certain nombre d'autres études. L'Académie des Sciences a publié très récemment un rapport sur les enjeux de l'empreinte matières/métaux sur la transition énergétique.

Le projet Surfer cherche également à répondre à ces questions, mais en allant un peu plus loin puisque l'un des objectifs est de faire une base de données sur l'ensemble des technologies, pour évaluer le poids en métaux de chacune d'entre elles. C'est un travail de fourmi assez poussé. Ce projet est conduit en collaboration avec l'ADEME et avec une équipe du CNRS qui s'appelle ISTerre. Les technologies évoluent en permanence. L'accès aux données pour avoir des certitudes sur les chiffres est donc un premier challenge.

En quoi Surfer se démarque des autres études réalisées jusqu'à maintenant ? Elle intègre les impacts directs et indirects de la transition énergétique. Les impacts directs concernent l'installation des différentes technologies sur le territoire, qui sont porteuses d'un certain nombre d'impacts en tant que tels. S'agissant des impacts indirects, nous essayons de remonter dans la chaîne de valeur, de manière à étudier l'impact sur le territoire de la technologie en tant que telle, mais également de tous les éléments qui ont permis de fabriquer et d'obtenir cette technologie. Sans les étudier dans leur intégralité, nous négligeons une partie des impacts associés au développement. Ce sont des analyses de cycle de vie. Nous pouvons remonter la chaîne de valeur jusqu'à l'activité minière qui a permis de produire les métaux qui sont ensuite introduits dans les différents outils et technologies utilisés. Cet aspect est très important. Dès lors que vous ne produisez pas de métaux sur votre territoire, vous assumez l'idée de déporter une partie des impacts, associés à votre mode de vie, ailleurs. Le projet Surfer cherche à évaluer ces impacts. Nous étudions les impacts sur l'énergie, les impacts sur l'eau, les impacts sur le sol et les impacts sur les matières premières. Je souhaitais vraiment insister sur ce travail de fond qui est en cours. Nous avons bon espoir d'avoir des premiers résultats en début d'année prochaine et nous les communiquerons.

En parallèle, je pense important de mentionner également une étude qui est menée actuellement, à la demande du MTES et de Madame Brune Poirson, qui a le même objectif d'évaluer les impacts géopolitiques, environnementaux et économiques associés au déploiement des énergies renouvelables. Nous sommes lancés dans cette étude avec deux directions du MTES – le commissariat général au développement durable (CGDD) et la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature (DGALN) – et avec nos collègues du CEA qui travaillent essentiellement sur la partie technologique. L'objectif de cette étude est d'identifier les impacts directs et surtout indirects, associés à la transition énergétique.

À la demande du MTES, nous étudions également le potentiel de recyclage. En quoi le recyclage peut nourrir ces filières avec des métaux matériaux ? Comme nous l'avons vu dans la présentation de Madame Rousseau, il existe un potentiel extrêmement fort de recyclage pour un certain nombre de métaux. Beaucoup d'entre eux sont peu ou non recyclés aujourd'hui. Pour autant, en termes de quantité, il ne faut surtout pas mettre en compétition réelle l'approvisionnement primaire, c'est-à-dire les mines, et le recyclage, dans le sens où nous savons par avance que le recyclage ne suffira pas à nourrir les besoins. Surtout, je pense que le moteur principal du recyclage est tout simplement l'aberration d'avoir fait tous ces efforts pour mettre des métaux et des matériaux dans des objets et de les mettre ensuite dans des centres de stockage pour déchets. Il est évident que le premier moteur est d'abord d'éviter de jeter et de remettre dans le circuit. Il faut intégrer l'idée que par définition, le recyclage n'est pas vertueux. C'est une activité industrielle comme une autre, qui a des impacts qu'il faut mesurer et optimiser.

Le deuxième aspect très important tient à la chaîne de valeur. À l'image de la position de la Chine sur la chaîne de valeur, si vous avez le matériau, vous pouvez fabriquer les éléments qui permettront ensuite de fabriquer l'éolienne. Par la maîtrise de la matière, vous remontez la chaîne de valeur et vous êtes omniprésent sur une filière.

Pour que les technologies de recyclage soient efficaces et rentables, il faut d'abord que les produits rentrent dans les usines de recyclage. Il faut les collecter. Il faut une masse suffisamment importante qui permette de lancer une activité de recyclage industrielle. L'idée n'est pas forcément de remonter jusqu'aux métaux. Il faut aussi trouver des acteurs qui vont récupérer ces matériaux pour en faire quelque chose. Se pose à nouveau une question de filière. Pour développer le recyclage, il faut aussi développer les filières, en amont pour collecter suffisamment de déchets et en aval pour trouver des exutoires à ces produits qui sont issus du recyclage.

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