Au nom du groupe La République en Marche, je remercie les députés du groupe UDI Agir et Indépendants pour la teneur de leur proposition. Je crois que nous avons tous été choqués par les montants des dernières transactions estivales dans le milieu du football.
Le présent texte vise à instaurer une taxe de 5 % au-delà d'un montant qui, vous l'avez précisé, n'est pas encore défini, sur les transferts de sportifs professionnels. Le produit de cette taxe – qui entrerait en vigueur à partir du 1er août 2018 – serait reversé au CNDS qui le reverserait à son tour aux clubs sportifs amateurs. L'objectif de la proposition de loi est tout à fait louable ; toutefois, passée cette première impression, vient le doute quant à son application en l'état. En effet, en en examinant les aspects économiques, juridiques, financiers et techniques, ce premier élan fait place au principe de réalité.
La proposition de loi, en l'état, pourrait avoir plus d'inconvénients que d'avantages à ne considérer que son seul objectif : réguler les transferts dans le sport. Si nous devons penser la régulation de ce marché – aujourd'hui dans le football, demain dans d'autres sports –, il apparaît très difficile, dangereux même, d'établir une taxe au seul niveau national alors même que l'économie du sport – en l'espèce, j'y insiste, du football – est essentiellement européenne, et même internationale. D'un point de vue économique, cette taxe pénaliserait fortement les clubs français et renforcerait leur déséquilibre concurrentiel vis-à-vis des clubs des principaux pays européens, sans qu'on puisse vraiment espérer l'extension du dispositif au-delà de nos frontières. L'ensemble des acteurs du secteur sportif que j'ai contactés et que nous avons aussi, pour partie, auditionnés, ne demande pas cette mesure. Ils y sont même tous opposés si elle s'applique au seul niveau national.
D'un point de vue juridique, nous pouvons ajouter qu'il s'agit, c'est la moindre des choses, de prendre en compte la législation actuelle, en l'occurrence le droit européen de la concurrence, qui encadre les mécanismes de régulation dans le sport. La rupture d'égalité ici proposée entre les pays, entre les clubs, reviendrait à fausser la concurrence au sein de l'Union européenne à nos dépens. Par ailleurs, je tiens à rappeler qu'un mécanisme de solidarité existe déjà entre les clubs professionnels et les clubs amateurs : lorsqu'un joueur d'un club amateur est appelé à jouer dans un club qui évolue en championnat professionnel, le club ayant formé le joueur entre sa douzième et sa vingt-troisième année touche une indemnité. Dans le football, 5 % du montant du transfert est réparti entre les deux clubs acheteur et vendeur, et cela à chaque transfert du joueur.
Pour la première fois depuis 2013, la France a enregistré un solde positif à l'issue du « mercato » estival de 2017. La taxe envisagée porterait un coup à la compétitivité des clubs français, notamment des moins riches. Elle ne toucherait en outre qu'un nombre très réduit de sportifs : en 2017, sur 139 transferts franco-français, seuls quatre ont dépassé un montant de 10 millions d'euros. Nous sommes donc là dans une toute petite niche.
J'entends bien, à la suite des transferts extraordinaires de joueurs comme Neymar et Mbappé, la volonté de légiférer. Cependant, légiférer au niveau national, établir une sorte de « taxe Neymar » pour quelques-uns, et cela au mépris de la réglementation européenne, ne répondrait pas aux problèmes légitimement soulevés. Nous devons reprendre l'idée initiale et faire preuve de pédagogie au niveau européen. Je préfère donc nous prenions un peu de temps, loin des passions, pour réfléchir sereinement et construire collectivement une réponse adaptée, conformément à ce que doit être le travail parlementaire.