Monsieur le président, notre association, Morvent en colère, souhaite témoigner des tensions que les projets éoliens entraînent dans nos villages et nos territoires entre les habitants, qui aboutissent à des fractures sociales profondes.
Dans notre commune, par exemple, trois conseillers municipaux ont démissionné. Des amis, des familles se déchirent. Comment pouvons-nous en arriver à de telles situations ?
Nous n'avons appris l'existence du projet Saint-Léger-Vauban, qui prévoit six éoliennes de 240 mètres, qu'au bout de 18 mois ; d'où l'appellation de notre association, Morvent en colère. Notre association compte 250 adhérents sur 687 habitants, et 35 % de la population sont totalement opposés au projet.
Suite à votre invitation, monsieur le président, nous nous sommes interrogés sur la motivation des personnes qui sont favorables ou défavorables à l'éolien. Il s'agit en réalité d'un problème multifactoriel et d'une démarche empirique.
L'association a organisé plus de 50 réunions publiques, ces trois dernières années, réunissant 5 000 habitants. De réunions durant lesquelles nous avons récupéré de nombreux témoignages et de nombreuses interrogations. En tant que scientifiques, nous avons souhaité vous présenter les raisons des prises de position de chacun, malheureusement, nous n'avons pas été en capacité de trouver une réponse scientifiquement validée.
Notre présentation sera donc particulière. Nous allons nous contenter d'exposer quelques messages et questions qui nous sont posées et sur lesquelles nous n'avons pas de réponses.
Premièrement, les éoliennes n'ayant aucun impact positif sur l'écologie, et ne répondant pas à la transition énergétique, pourquoi continuer à en installer ? Le bilan énergétique des éoliennes est largement contesté. Alors pourquoi avoir choisi les éoliennes parmi les énergies renouvelables (EnR) ?
Deuxièmement, la contribution nationale. Si chacun comprend que la France s'est engagée à implanter des éoliennes – tout le monde connaît les chiffres –, personne ne comprend pourquoi de nombreux départements, à fin 2017, n'en ont pas installé. Comment a été choisie la répartition, puisque nous constatons aucune corrélation évidente avec la carte des vents ? Y a-t-il des passe-droits ?
Troisièmement, la construction des éoliennes n'est pas soumise à la réglementation locale. De fait, personne ne comprend pourquoi, nous disposons de plans locaux d'urbanisme (PLU), des schémas de cohérence territoriale (SCoT), etc. Alors que la construction de bâtiments agricoles ou industriels est soumise à de nombreuses contraintes, on se permet d'implanter des éoliennes de 240 mètres.
Quatrièmement, les personnes ne comprennent pas non plus pourquoi le permis de construire est délivré par le préfet, alors que ce n'est pas la règle dans nos communes.
Cinquièmement, la suppression du double degré de juridiction dans le contentieux a été le coup de grâce pour les associations. Pourquoi avez-vous voté une telle disposition ? Le fait de devoir déposer le mémoire de réplique 60 jours après le mémoire en défense est perçu comme une façon de ne pas donner de temps de réponse.
Sixième point, pourquoi des procédures d'exception ? Avec deux éléments qui fâchent tout le monde. D'une part, l'arrêté du 21 août 2011, par lequel le niveau sonore autorisé a été changé, en raison des éoliennes. Un niveau sonore qui a réduit les distances d'impact. D'autre part, la distance perçue : pourquoi sommes-nous à 500 mètres, contrairement aux autres pays, alors que les éoliennes font, non plus 70 mètres de haut, mais 240 mètres ? Pourquoi ces lois d'exception n'ont pas été actualisées ?
Septième point : le comportement du promoteur. Le promoteur a l'avantage ou l'inconvénient d'exciter énormément nos habitants. Il fait voter au conseil municipal une autorisation d'étude qu'il mène dans le plus grand secret, et la plupart des élus ont l'impression d'avoir été floués.
Il fait également signer une promesse de bail emphytéotique aux propriétaires terriens. Si ces baux sont bien connus dans nos territoires, ils visent à embellir les biens, avant d'être récupérés par les propriétaires ; ce type de bail n'est donc pas adapté. Pourquoi les promoteurs n'achètent-ils par le terrain – comme les personnes qui souhaitent construire une usine, par exemple ? Que cela cache-t-il ?
Pourquoi proposer une location qui est cent fois supérieure au prix moyen agricole ? Le promoteur essaie-t-il d'acheter la population ? Cela crée des conflits insupportables. Par ailleurs, il propose une participation réduite au projet ; une participation dans laquelle nous serons floués, le projet étant limité dans le temps – aucune valeur rémunératrice par rapport à la réalité de la rémunération.
Une atmosphère de suspicion s'est installée, qui engendre des mouvements sociaux importants : une chapelle est restaurée, un bout de route est construit, une rue est électrifiée… Le promoteur est-il en train de nous acheter ?
Huitième point : la santé des citoyens. Les problèmes étant avérés, pourquoi les éoliennes sont-elles encore autorisées ? Pourquoi le promoteur a-t-il toujours une façon de présenter les choses et obtient-il des dérogations lui permettant de continuer ? Les chercheurs et l'Académie de médecine alertent sur les dangers ; pourquoi ne pas appliquer le principe de précaution ?
Neuvièmement, la biodiversité. Comment parler d'écologie alors que des arbres sont abattus pour implanter des éoliennes et que des tonnes de béton sont réparties dans la nature ? Tout le monde constate que les éoliennes rompent l'écosystème local, or le promoteur obtient toujours des dérogations sur des éléments clés en la matière.
J'insisterai sur le paysage, que d'aucuns considèrent comme un élément peu important. Mais nous y tenons à notre paysage, c'est affectif, c'est comme une maison de famille, nous l'aimons. J'y suis né, j'y ai mes racines. Le paysage est comme un visage, la beauté passe par l'harmonie ; or les éoliennes sont comme une verrue.