Intervention de Philippe Vigier

Réunion du mercredi 29 novembre 2017 à 9h35
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Vigier, rapporteur :

Or, la cohésion n'appartient ni aux uns ni aux autres ; elle est une exigence collective. Là encore, il est urgent d'aller vite. Pour venir d'une famille très active dans votre département des Pyrénées-Atlantiques, vous savez à quel point tout cela prend du temps. Interrogez les élus plus anciens : ils vous diront qu'il faut aller vite.

Vous avez rappelé le rôle du commissariat général à l'égalité des territoires : j'ai en effet insisté sur le fait que chacun devait participer à la mutualisation des moyens. Mon territoire fait l'objet d'un contrat de restructuration des sites de défense – les élus d'un territoire où est implantée une base aérienne savent ce que cela signifie. Il faut deux ans pour élaborer un tel contrat, période pendant laquelle mille emplois sont perdus. Il faut de nouveau deux ans entre la signature du contrat et la réalisation du premier projet. En quatre ans, comment croyez-vous que les habitants du territoire ont perçu la réponse apportée ? La réponse est lente parce que les intervenants sont nombreux, et que chacun veut mettre son grain de sel. Une agence unique permettra d'intégrer la vision de l'ANRU et celle du Commissariat général à l'égalité des territoires, mais aussi celle des ministères concernés. Autrement, nous tracerons une diagonale des fous et les retards s'accumuleront.

Je remercie Guy Bricout de son soutien qui ne me surprend pas : chacun sait qu'il est un élu ancré dans son territoire proche de celui de M. Borloo où il a observé le déploiement des programmes de l'ANRU. Il a rappelé que ma proposition ne vise pas que la ruralité : les difficultés démarrent à vingt kilomètres seulement des métropoles. Prenons l'exemple des transports en site propre : les métropoles et les agglomérations sont desservies mais ailleurs, comment fait-on, alors même que l'autorité organisatrice des transports est la région, à laquelle reviennent les compétences du département en la matière ? Qui paie en cas d'ajout d'une liaison de transports publics ? Soyons francs : certaines situations sont intenables. Si nous ne disons pas cela, nous serons rattrapés un jour ou l'autre par nos concitoyens qui portent sur ces questions un regard de plus en plus sévère.

J'ai bien écouté votre propos, Monsieur Saulignac. Je ne suis pas du tout un décliniste et je ne lis pas les bonnes pages du Point où l'on nous explique chaque semaine que la France est sur une pente descendante. Au contraire, je crois que nous irons chercher la croissance partout. Vous avez rappelé que des jeunes et des retraités s'installent en milieu rural : oui, mais pourquoi ? Ma circonscription est distante de Paris de cinquante kilomètres en son point le plus proche et de cent cinquante kilomètres en son point le plus éloigné. Pour le prix des terrains, le rapport est de un à six entre l'un et l'autre point. Si les jeunes couples s'installent à soixante kilomètres de Paris, c'est parce qu'ils ne peuvent plus se loger dans la capitale ! Ce sont donc les transports en commun de l'Île-de-France dont ils ont besoin. Sans pass Navigo, ils font du covoiturage – nous avons même déployé des bornes électriques pour créer un réseau de covoiturage électrique – mais c'est insuffisant, car les ménages ont besoin de deux voitures pour conduire leurs enfants à leurs activités.

Tout est lié à la fracture numérique – je ne parle pas ici de quelques mégaoctets de données, mais d'un gigaoctet. Le déploiement de la fibre optique chez l'habitant dans un territoire comme le mien de 140 kilomètres de long et de 35 kilomètres de large coûte 52 millions d'euros, soit 2 200 euros par prise. Comment le financer ? Il faut certes solliciter le Gouvernement en défendant un projet relevant du troisième programme d'investissements d'avenir (PIA 3) ; je suis même allé chercher des financements à Bruxelles. Cependant, il faut ensuite compter cinq ans de programmation avant de pouvoir installer la première prise ! Peut-on tolérer que la fibre optique existe dans les métropoles parce que les opérateurs l'y installent gratuitement à la porte de l'habitant alors que les personnes vivant en milieu rural doivent payer ? M. Le Maire rappelait la semaine dernière encore que la diminution des emplois industriels est plus forte dans les milieux ruraux et suburbains que dans les métropoles. Comme faire si ces territoires ne retiennent pas l'activité professionnelle ? Le phénomène selon lequel les gens résident en milieu rural et suburbain et travaillent dans les métropoles se perpétuera et s'amplifiera même. Voilà pourquoi il faut une réponse rapide.

Selon vous, monsieur Prud'homme, cette proposition de loi, pourtant souhaitée par tout le monde, est une coquille vide. Je n'ai pas la prétention de tout savoir ; nous avons conduit de nombreuses auditions associant des élus de territoires ruraux – la Lozère – et d'autres de territoires articulés autour d'une métropole puissante – l'Ille-et-Vilaine – afin de donner un sens au fonctionnement de cette agence, qui est la question principale. Il ne s'agit pas d'une agence de plus : il faut simplifier et mettre les acteurs en mouvement, assouplir leur activité. Je suis naturellement prêt à accueillir vos amendements au cours du débat parlementaire, même s'il ne me revient pas de les filtrer. Votre groupe en défendra précisément un pour ajouter le mot « égalité » au nom de l'agence : je n'y vois aucun inconvénient, car la notion de cohésion recouvre naturellement celle d'égalité.

Enfin, monsieur Wulfranc, un mécanisme dérogatoire présente l'avantage de la souplesse. Je ne crois pas à la duplication systématique de modèles identiques. Faire preuve de souplesse, c'est faire confiance à l'intelligence des hommes et des femmes – vous avez vous-même évoqué la démocratie participative. Il existe en effet des personnes qui s'intéressent à la vie de leur territoire et qui peuvent apporter aux élus et aux représentants socio-professionnels des idées permettant d'en faire la promotion autour des priorités que j'ai définies.

Pour conclure, nul ne peut avoir la prétention de construire tout seul. Je ne fais que proposer d'ajouter une brique à un édifice auquel je souhaite que chacun participe. L'essentiel n'est pas que son fronton porte la signature d'un groupe, celui de l'UDI, Agir et Indépendants par exemple, mais qu'il soit le fait d'hommes et de femmes responsables dans leurs territoires, qui veulent que la France gagne et qu'elle soit un pays d'égalité des chances – un pays qui avance.

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