Intervention de Yves Marignac

Réunion du mardi 9 juillet 2019 à 18h35
Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Yves Marignac, porte-parole de l'association négaWatt :

. La question de la dépendance au gaz importé mais avant tout du pétrole importé est une des raisons pour laquelle nous sommes très favorables au développement du biogaz. Nous avons beaucoup parlé du renouvelable électrique et je vais y revenir, mais j'en profiterai pour souligner que la trajectoire de développement du biogaz est un des points sur lequel la PPE nous semble insuffisante. Dans cette vision optimisée, intégrée, cohérente de transformation du système énergétique, il nous semble que remplacer 75 % de notre énergie qui aujourd'hui s'appuie très majoritairement sur la combustion d'énergies fossiles uniquement par de l'électricité produite à partir d'énergies renouvelables ou d'énergie nucléaire, donc décarbonées, est plus compliqué que jouer à la fois sur le levier de l'électrification et sur le levier de la substitution de la combustion fossile par de la combustion biomasse. Nous étions critiques de longue date sur la question des biocarburants. Aujourd'hui, nous soutenons que le bon usage de la biomasse est du côté de la biomasse solide et du biogaz. D'autant plus que le développement du biogaz fait le lien avec l'utilité du Power to Gas.

C'est mon point d'entrée pour répondre sur la question du stockage. La technologie Power to Gas, est pour nous la clé du bouclage de système énergétique à long terme, uniquement sous l'angle du système électrique et de la nécessité de stocker par électrolyse pour faire de l'hydrogène plutôt que de stocker cet hydrogène directement, ce qui est compliqué, et de le recombiner avec du CO2 pour faire par méthanation de la molécule méthane que l'on va stocker sur notre réseau gaz, lequel a une capacité de stockage de 130 térawattheures, soit un quart de la consommation d'électricité. Mais si on ne le regarde que pour constituer de l'électricité pour boucler le système électrique, ce développement perd une bonne partie de son sens. Pour nous, il a du sens, car il vient contribuer à la disponibilité d'une molécule gaz d'origine renouvelable qui permet de garder du gaz dans l'industrie et de développer l'usage du gaz dans la mobilité.

Dès lors, son périmètre économique apparaît totalement différent. Le premier service est de fournir du gaz dont une partie peut resservir à de l'électricité. Nous avons aujourd'hui toutes les briques pour savoir que, compte tenu du stade actuel de R & D, on aboutira, aux horizons de temps 2035-2040 – moment où nous en aurons besoin de manière cruciale – à disposer de cette technologie. Différentes options sont possibles. Il y a des options chimiques pour la méthanation. Il y a des options très prometteuses à base biologique avec des archées, des micro-organismes qui, nourris avec du CO2 et de l'hydrogène, produisent du méthane. On peut l'installer aux points de purification du biogaz, puisqu'il faut en extraire du CO2 avant de l'injecter dans le réseau. Une synergie est donc possible entre ce CO2, l'hydrogène produit par électrolyse et cette méthanation.

Une logique système se met en place brique par brique. Il reste une incertitude sur les coûts, puisque la fourchette va de 50 à 120 euros le MWh. Mais même dans le haut de la fourchette, cette technologie est performante dans le service qu'elle rend à l'ensemble du système.

Enfin, puisqu'on a évoqué la sécurité, au-delà de l'équilibre entre l'offre et la demande, sur des questions de maintien en tension et en fréquence du système, sur ce sujet très pointu dont je ne suis pas spécialiste, j'observerai seulement des développements intéressants. On est peut-être moins avancé en termes de R&D, donc d'assurance et de garantie, mais des éléments nous permettent d'ores et déjà de penser qu'un système électrique tout renouvelable pourrait fonctionner et fournir les mêmes niveaux de sécurité, avec d'autres outils, notamment une synchronisation des onduleurs des panneaux photovoltaïques. De tels dispositifs sont déjà testés à grande échelle pour vérifier qu'ils peuvent apporter les mêmes services que ceux fournis aujourd'hui par les machines tournantes évoquées par Jean-Pierre Pervès. Toutes les briques se mettent en place pour penser qu'on peut aller vers le 100 % de renouvelables.

La question politique n'est pas de choisir dès aujourd'hui d'y aller à coup sûr et de renoncer à tout prix à un autre système, mais d'avoir suffisamment confiance dans la possibilité de ce système pour prendre cette voie, en sachant qu'on a encore au moins dix ans devant nous avant de décider de s'y engager définitivement. Mais si l'on prenait d'autres décisions dans les dix ans qui viennent, on renoncerait définitivement d'aller vers ce 100 % renouvelables.

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