. J'ai pris l'exemple de l'alimentation, parce que le rêve de l'humain pendant des siècles a été de contrôler la nature. On était jadis victime des disettes et la victoire de l'agriculture a été d'arriver à produire en quantité. Sauf que, et je ferai un peu de sociologie politique, l'époque du développement de l'industrie est aussi celle de la philosophie des Lumières où la civilisation occidentale soutient l'idée que l'homme est maître de son destin et que « l'homme est dieu ». Demander à des gens qui ont été éduqués dans une civilisation des Lumières disant qu'ils sont au centre de tout et qu'ils ont le pouvoir de contrôler la nature, d'accepter désormais que la nature réimpose sa loi comme à l'ère préindustrielle est plus qu'un fait politique, c'est une inversion anthropologique. Êtes-vous certaine qu'elle soit possible dans un environnement démocratique fondé sur la décision du citoyen ? Peut-on lui dire : tu ne décides pas, au nom de la planète on installe devant chez toi une éolienne, au nom de la sobriété, tu vas consommer moins ? On n'a pas encore consulté le citoyen, on le sensibilise, mais on a bien vu avec la crise des gilets jaunes, que lorsqu'on lui impose des freins trop puissants, il se réapproprie sa souveraineté, il repasse par les Lumières pour contester cette logique.