. Le coût des démonstrateurs est d'environ 7 millions d'euros par mégawatt. À l'étape suivante, celle des fermes pilotes, des parcs de cinq à dix machines pour tester les effets cumulés, les effets sur l'environnement et les premiers modèles commerciaux, il est estimé à environ 5 millions d'euros par mégawatt. Mais on estime que la courbe va rapidement chuter et se stabiliser à environ 3 millions d'euros par mégawatt installé.
En 1991, le premier parc éolien offshore était déployé au Danemark. Il comptait onze turbines pour une capacité totale de cinq mégawatts. C'est dix ans plus tard, en 2001, que les premiers grands parcs ont commencé à voir le jour. Aujourd'hui, il ne faudrait pas comparer hâtivement la filière hydrolienne avec d'autres filières d'énergies renouvelables, puisqu'elle est en cours de maturation et en cours d'épreuve technologique. Elle nous semble présenter un avenir radieux à moyen et long terme. Mais il nous faut pour cela conserver le soutien fort du gouvernement et de la politique énergétique française, de manière à accompagner cette technologie sur les cinq à dix prochaines années avec des ruptures technologiques, des déploiements de fermes pilotes qui nous amèneront, in fine, en 2025-2026, à des déploiements commerciaux compétitifs.
S'agissant des impacts environnementaux, nous avons encore peu de certitudes, puisque nous en sommes aux débuts de la filière. Les premières machines ont été immergées il y a une dizaine d'années et elles n'étaient que des éléments de projet unitaires. Aujourd'hui, aucun impact majeur n'a été relevé mais des études sont menées en continu pour suivre ces projets dans le temps. L'attention est principalement portée sur l'acoustique sous-marine, sur le transport sédimentaire et sur l'électromagnétisme.
Concernant l'électromagnétisme, nous allons nous rapprocher des études d'ores et déjà menées au Royaume-Uni pour l'éolien offshore posé, montrant que l'impact de l'électromagnétisme des câbles d'export est faible, voire nul sur les différentes espèces, en particulier sur les espèces pélagiques.
Il y a encore très peu de retours d'expérience sur le transport sédimentaire, mais beaucoup de modélisations et d'études académiques montrent que l'impact est peu significatif et que l'hydrolien présente une compatibilité environnementale. Ces études doivent encore être éprouvées en conditions et à échelle réelles sur des parcs à venir.
L'impact acoustique est le point sur lequel la communauté scientifique et industrielle porte le plus d'attention. Sur les projets que nous avons menés dans le passage du Fromveur avec notre hydrolienne D10, nous n'avons pas détecté d'émergence acoustique dès l'éloignement de quelques centaines de mètres. Ces zones de grand courant sont naturellement un environnement très bruyant, comme on peut l'éprouver sur la côte un jour de grande tempête. Dans ces zones de forts courants, le bruit de fond est très élevé. L'objectif n'est donc pas de mesurer le bruit de l'hydrolienne en tant que tel mais son émergence acoustique. Peu importe le bruit qu'elle fasse, celui-ci ne doit pas se diffuser au risque de perturber les mammifères marins. Nous n'avons pas détecté d'impact mais les études se poursuivent dans différentes plages de fréquences afin de s'assurer de la compatibilité environnementale.
Je n'ai pas mentionné l'impact sur les poissons, dont le risque a été très tôt écarté après les études menées. Lors de présentation dans des réunions publiques ou pour le grand public à l'occasion d'événements, une des premières questions posées concerne l'impact sur les poissons, car beaucoup ont à l'esprit l'effet des éoliennes sur les oiseaux. Or des vidéos montrent des bancs de poissons évoluant autour de nos hydroliennes ou jouant avec. Il y a toutefois peu de vie dans ces zones de grands courants. Les poissons qui évoluent dans ces milieux hostiles sont des poissons carnassiers, comme les bars, assez habiles pour éviter l'hydrolienne qu'ils considèrent, dans cet environnement obscur, comme un caillou, qu'ils détectent par des champs de pression. De plus, les hydroliennes tournent relativement lentement, au rythme de cinq à vingt tours par minute, et ne sont pas des hachoirs à poissons.
Le dernier point accréditant l'innocuité environnementale vis-à-vis de l'ichtyofaune est le fait que l'hydrolienne est un capteur d'énergie et non un moteur. Les médias montrent parfois un mammifère marin qui a été blessé, voire tué, par des hélices de navire. Une hélice de navire aspire de la veine fluide pour faire avancer le bateau, alors que l'hydrolienne est considérée comme un obstacle auquel vient se heurter le courant. En examinant les écoulements dynamiques dans la zone de déploiement de l'hydrolienne, vous constatez que des veines d'accélération se situent autour. Même si un poisson en très mauvais état se retrouvait dans cette veine fluide, il serait naturellement entraîné en périphérie de l'hydrolienne et non pas vers son centre.
Enfin, vous avez évoqué le positionnement – cohabitation ou substitution ? - de l'hydrolien par rapport aux autres énergies marines. J'écarte d'emblée le mot « substitution », car nous sommes dans une dynamique de cohabitation. C'est un mix énergétique qui permettra d'atteindre les objectifs de transition énergétique et non le choix entre telle et telle énergie renouvelable. Là où il y a de la biomasse, faisons de la biomasse, là où il y a du vent, faisons de l'éolien, là où il y a du soleil, faisons du photovoltaïque et là où il y a des courants marins, faisons de l'hydrolien.
La cohabitation spatiale a été étudiée par des industriels et des chercheurs académiques, mais sans grand résultat, car l'hydrolien est implanté dans des zones hostiles. Un développeur éolien préférera de beaucoup une zone éloignée de cinq à dix kilomètres du gisement hydrolien, plutôt qu'une zone hostile dans laquelle il sera plus difficile et plus coûteux de travailler et de déployer un système, puisque le dimensionnement mécanique devra être plus large. Aujourd'hui, les enjeux de cohabitation du monde maritime voient s'affronter deux types de technologies : les technologies de fond et les technologies de surface. Nous prônons fortement les technologies de fond qui évitent tout conflit d'usage. L'hydrolienne est posée au fond de l'eau. Dans le passage du Fromveur, l'hydrolienne de dix-sept mètres de hauteur et placée à cinquante mètres de profondeur n'entrave pas le passage des bateaux. Les bateaux de la Brittany Ferries qui desservent l'Espagne passent à l'aplomb de l'hydrolienne sans être aucunement gênés.
Côté pêche, il n'y a pas plus de gêne. D'une part, les courants marins forts résultent de « sites d'accélération », c'est-à-dire de réductions de section, de forçages à l'horizontale ou à la verticale, autour d'un cap, entre deux îles, dans un détroit, donc à proximité des côtes. Ces zones ne sont généralement pas pêchées. D'ailleurs, il est interdit de pêcher avec des arts traînants à moins de deux milles des côtes. Or le passage du Fromveur se trouve à 1,1 mille de l'île d'Ouessant. La législation interdit donc les techniques de pêche de fond dans les zones proches de l'hydrolienne. D'autre part, la force des courants marins est telle qu'il y a très peu de sédiments meubles sur le fond marin. Il s'agit le plus souvent de roche, de corail mort et de fonds très durs naturellement peu propices aux arts traînants. Nous avons expérimenté, en France et dans d'autres sites à l'étranger, que les techniques en usage dans les zones de grand courant sont la pêche à la ligne de carnassiers tels que les bars. C'est de la pêche en subsurface qui ne présente aucune contre-indication avec le déploiement des hydroliennes.