Intervention de Didier Potiron

Réunion du mercredi 17 juillet 2019 à 15h00
Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Didier Potiron :

Depuis l'installation d'un parc éolien à proximité de notre installation, nous rencontrons des problèmes de santé humaine et animale.

Concernant les animaux, tout a commencé en septembre 2012 avec les travaux de fondation. En octobre 2012, le troupeau a commencé à ressentir les premières perturbations : baisse de production, problème de qualité du lait, problème de vêlage, animaux stressés.

La première semaine de juillet 2013, la mise sous tension du site éolien a été catastrophique car les vaches ne voulaient plus rentrer dans le bâtiment. Nous avons cherché différentes solutions avec le vétérinaire. Nous avons alors fait la relation avec le site éolien qui venait d'être mis en fonctionnement. J'ai aussitôt appelé le promoteur, ABO Wind, qui nous a dans un premier temps conseillé par téléphone un géobiologue – il s'agit d'un magnétiseur travaillant principalement entre le sol et le vivant ; ce métier est reconnu dans certains pays mais pas en France. Le géobiologue nous a fait parvenir sa réponse en 48 heures : nous avions une faille d'eau sous nos bâtiments, en relation avec le site éolien qui venait de s'installer. Une faille d'eau est une rivière souterraine de trois à cinq mètres de large, située à cinq ou dix mètres de profondeur.

D'après le géobiologue, venu sur place en octobre 2013, le creusement des fondations en 2012 aurait perturbé le sol et dévié des failles d'eau. Nous n'étions absolument pas inquiets car nous n'y connaissions rien, mais nous avons vu le résultat par la suite. Le géobiologue a placé des assiettes de plantes à certains endroits de l'exploitation pour essayer d'améliorer la situation – cela n'a rien de scientifique. La situation s'est légèrement améliorée avant de se détériorer au bout de huit ou dix jours ; le dispositif n'a pas fonctionné. Les promoteurs ont l'habitude d'envoyer des géobiologues sur les exploitations touchées par les perturbations pour tenter de « calmer le jeu ». Nous avons consulté à ce jour une dizaine de géobiologues mais cela n'a rien changé.

En 2014, nous avons commencé à rencontrer des problèmes de santé humaine : grande fatigue, troubles du sommeil. En août 2014, ma femme Murielle a fait une crise d'épilepsie très sérieuse, avec un début d'accident vasculaire cérébral. Lassés de bricoler de mois en mois avec des géobiologues incapables de régler le problème, nous avons donc écrit à la préfecture en août 2014 : les sites éoliens étant des installations classées, l'État est en effet responsable. Une réunion s'est tenue, le 29 novembre 2014, en présence du secrétaire général de la préfecture, M. Emmanuel Aubry, du sous-préfet, des maires concernés, de la chambre d'agriculture, de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA), etc. Il y avait vingt-neuf personnes autour de la table.

On nous a alors proposé un contrat GPSE, ou groupe permanent de sécurité électrique : cette association de scientifiques, basée au ministère de l'agriculture, a été créée dans les années 2000 pour régler les problèmes électriques dans les installations agricoles causés par les lignes RTE de 400 000 volts. Notre cas était leur premier dossier impliquant l'éolien. Nous avons accepté parce que nous voulions régler les problèmes dans la transparence ; il n'y avait rien à cacher. Les premières expertises du GPSE ont commencé en janvier 2015 ; nous avons reçu la visite d'une vétérinaire. Les expertises se sont succédé les unes aux autres : expertises électriques sur les deux exploitations concernées, suivi et conduite d'élevage, étude du bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), mesures des infrasons et des basses fréquences. Les conclusions, rendues en mai 2016, ont fait état d'une corrélation entre le site éolien et les problèmes rencontrés sur les exploitations.

Le cabinet d'expertise 8.2 France a ensuite été nommé pour réexaminer tous les rapports faits dans le cadre du GPSE, afin d'avoir un avis extérieur : ses conclusions furent identiques. Par la suite, 8.2 France a été nommé par les services de l'État et choisi par l'exploitant du parc pour faire des mesures électriques complémentaires, sans résultat concluant ; il fallait encore approfondir.

Le 28 février 2017, le site éolien a été arrêté en raison d'une panne. J'ai appelé la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) car le site étant sous arrêté préfectoral, tous les travaux devaient lui être signalés. La DREAL n'était pas prévenue ; elle m'a rappelé peu après pour me confirmer qu'il y avait une panne et que la réparation prendrait plusieurs jours. Nous avons donc fait passer un huissier pour constater l'arrêt du site avec sa mise hors tension. La production a repris après quatre jours de panne.

Nous avons confié à un expert les données du robot de traite pendant les quatre jours de panne ; il les a comparées aux quatre jours précédant la panne et aux quatre jours après la reprise de la production. Ses conclusions sont les suivantes : plus 2,7 % de production pendant la panne, moins 42 % de décrochage pendant la traite – les vaches sont beaucoup plus calmes dans la stalle et ne « décrochent » plus –, plus 160 % de passages dans la stalle du robot de traite, ce qui est énorme.

Par la suite, nous avons été convoqués par l'agence régionale de santé (ARS), qui nous a pris pour des guignols. Nous avons été reçus au centre hospitalier universitaire (CHU) de Nantes, où l'on nous a répondu que nous devrions apprendre à vivre avec les nuisances tant qu'ils n'auraient pas « une pile de dossiers comme ça sur le bureau » : nous étions enchantés !

Un nouvel arrêté a imposé à l'exploitant du parc de procéder à des tests complémentaires, du 3 août 2018 au 3 novembre 2018, portant sur l'équipotentialité, c'est-à-dire la mise à la terre par un fil de cuivre nu reliant les éoliennes entre elles. Il s'agissait de les débrancher les unes après les autres afin de constater une éventuelle modification de comportement des troupeaux. En parallèle, le Centre technique des industries mécaniques (CETIM) a été désigné pour faire des mesures électriques complémentaires et l'ARS a été mandatée pour refaire des examens médicaux sur les vingt-neuf riverains ayant fait état de problèmes de santé ; nous avons été les premiers reçus par le CHU de Nantes. Un pré-rapport a été remis en préfecture, dont je ne connais pas les résultats.

Pour finir, je donnerai quelques chiffres. La première année, ABO Wind nous a demandé de chiffrer la perte d'exploitation. Selon notre expert-comptable, nous avons subi en treize mois une perte de 93 000 euros. Un mois plus tard, nous avons reçu une lettre d'ABO Wind indiquant qu'ils comprenaient la situation mais que l'on ne pouvait prouver rien scientifiquement : ils ne pouvaient donc rien faire pour nous. Depuis que ces problèmes ont commencé, nous avons perdu 326 animaux, un peu plus de 1 000 kilogrammes par vache en production et la qualité du lait s'est dégradée. C'est très lourd financièrement : 326 animaux sur 350 têtes par an, cela représente pratiquement une année de troupeau.

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