Intervention de Aurélie Niaudet

Réunion du mercredi 17 juillet 2019 à 15h00
Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Aurélie Niaudet, adjointe au chef d'unité d'évaluation des risques liés aux agents physiques de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES) :

. L'unité d'évaluation des risques liés aux agents physiques intervient dans tout le spectre des rayonnements non ionisants ; elle traite ainsi des basses fréquences, des radiofréquences et des rayonnements optiques. Nous sommes également amenés à nous intéresser à d'autres nuisances, dont les nuisances sonores, ainsi qu'à des sujets comme l'impact du climat sur la santé ou encore le travail de nuit.

Le cas de M. et Mme Potiron n'est pas isolé. Plusieurs plaintes de riverains étant remontées auprès des DREAL, le ministère de la transition écologique et le ministère de la santé nous ont saisis pour évaluer les effets potentiels sur la santé des infrasons et des basses fréquences provoqués par les parcs éoliens.

Avant de vous communiquer les résultats, je souhaite dire un mot sur la manière dont nous fonctionnons. La construction de cette étude par l'Agence est assez classique : il s'agit d'un travail collectif mobilisant un grand nombre d'experts. Placée sous l'égide d'un comité d'experts spécialisés, l'étude est dédiée aux effets des agents physiques sur la santé. À la suite d'un appel public à candidatures, un groupe de travail a été nommé, composé de huit experts spécialisés dans le domaine physique et dans le domaine de la santé, avec des épidémiologistes et des spécialistes de la biologie cellulaire. Cette étude d'ampleur a duré plus de trois ans. Le rapport, publié en mars 2017, est assorti d'un avis de l'Agence.

Nos travaux reposent principalement sur la revue de la presse scientifique ; plus de 600 articles ont été analysés. Nous avons également auditionné un certain nombre de parties prenantes – c'est la raison pour laquelle je précise que les cas ne sont pas isolés – et de personnalités compétentes.

Parallèlement, et à la demande explicite de nos ministères de tutelle, nous avons fait réaliser des mesures de l'impact sonore produit par les parcs éoliens. Trois parcs ont ainsi été sélectionnés sur la base de critères précis, le but étant de parvenir à un compromis entre les difficultés métrologiques associées à ces mesures et le calendrier contraint dans lequel il nous a fallu travailler. Nous avons ainsi retenu un parc constitué de très grandes éoliennes – étant très puissantes, elles conduisent théoriquement à des émissions sonores importantes –, un parc à la configuration plutôt classique n'ayant pas fait l'objet de plaintes de riverains, et un parc de configuration classique également, contre lequel des plaintes ont été déposées auprès des DREAL.

Les principaux constats tirés de ces mesures sont les suivants : les éoliennes sont effectivement des sources d'infrasons et de basses fréquences, leur part étant prédominante dans le « spectre d'émission ». Les résultats que nous avons examinés confirment en outre ceux que nous avons trouvés dans la littérature scientifique, à savoir que le profil de l'émission d'un parc éolien se retrouve quel que soit le site sur lequel les mesures sont effectuées ; les puissances sonores sont d'autant plus importantes que le vent est fort. Par ailleurs, à la distance minimale d'éloignement des premiers riverains, qui est de 500 mètres, nous n'observons pas de dépassement des seuils d'audibilité des infrasons.

Sur la question des effets sanitaires, nous avons examiné des données expérimentales et épidémiologiques. Nous avons pu mettre en avant, et c'est assez novateur par rapport aux précédents travaux que l'Agence a pu mener sur ce sujet, des connaissances récemment acquises sur le système cochléovestibulaire, dans l'oreille interne : des effets physiologiques, entraînant des modifications biologiques, se produisent à ce niveau. Ces effets ont été observés dans le cadre d'études menées sur des animaux, avec de forts niveaux d'infrasons et de basses fréquences ; l'extrapolation à l'homme reste à mener.

Autre point important, nous n'avons trouvé que très peu d'études sur les effets des infrasons et basses fréquences sonores sur la santé humaine. Peu d'études expérimentales de qualité sont disponibles. Il existe certes quelques études sur des sources différentes, telles que la ventilation, les pompes à chaleur ou encore le trafic routier, mais nous n'avons pu identifier d'autres effets sanitaires que la gêne auto-déclarée par les personnes faisant l'objet d'une étude expérimentale.

Nous avons relevé un autre point important dans les quelques études expérimentales existantes : le ressenti négatif chez des personnes pensant être exposées aux infrasons et basses fréquences, que nous avons qualifié d'« effet nocebo ». Cela n'exclut absolument pas des symptômes réels chez ces personnes, avec des effets sanitaires associés.

Sur la question épidémiologique, très peu d'études de qualité sont disponibles ; la plupart ont porté sur la partie audible du bruit et non pas sur les infrasons et basses fréquences. Nous n'avons pu mettre en évidence que la gêne liée à la partie audible du spectre de ces éoliennes.

Je rappellerai enfin les recommandations émises par l'Agence sur ce sujet : les éoliennes sont des sources réelles d'infrasons et de basses fréquences mais très peu d'études sont disponibles pour évaluer leurs effets sanitaires. Les quelques éléments existant sur le mécanisme qui pourrait affecter le système cochléovestibulaire doivent encore être approfondis car il ne s'agissait que de pistes au moment où l'étude a été réalisée. En conclusion, les données scientifiques disponibles en 2017 n'étaient pas suffisantes pour mettre en évidence l'existence d'effets sanitaires en lien avec l'exposition aux infrasons et basses fréquences des éoliennes.

Un certain nombre de recommandations ont été formulées : un renforcement des connaissances sur le mécanisme de perception des infrasons et basses fréquences par l'oreille humaine ; la nécessité de mener des études épidémiologiques pour observer d'éventuels effets sanitaires chez les riverains des éoliennes ; et l'information des riverains. Sur ce dernier point, l'Agence a souligné que la santé de la population était conditionnée par son niveau d'information et de participation aux projets d'aménagement dans son environnement proche. Il est ainsi nécessaire d'assurer la visibilité des enquêtes publiques lors de la création de parcs éoliens ; les concertations en amont doivent être bien élaborées ; une documentation conséquente et suffisante doit être mise en disposition, qui pourra contredire les informations parfois très anxiogènes que l'on peut trouver sur ce sujet. En résumé : concertation, information de la population et mesurage en continu, si possible, des sons émis par ces éoliennes.

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