Intervention de Alexandre Holroyd

Réunion du jeudi 30 novembre 2017 à 9h40
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlexandre Holroyd, référent de la commission des finances :

Madame la Présidente, chers collègues, l'automne marque chaque année une étape clé de la coordination des politiques économiques en Europe. C'est le moment où la Commission européenne publie son examen annuel de croissance pour l'année à venir, dans lequel figurent, outre un état des lieux de la situation économique de l'Union européenne dans son ensemble et de la zone euro, les priorités de politique économique pour ces deux zones. L'année 2018 devrait ainsi, selon la Commission, être celle de la recherche d'une croissance durable et inclusive. Il faut s'en féliciter, l'Europe est bel et bien sortie de la zone de turbulences économiques et sociales, dans laquelle l'avait plongé la crise économique et financière de 2008 à 2011. Les indicateurs macroéconomiques illustrent sans ambiguïté cette amélioration : la croissance économique est désormais revenue dans tous les États membres ; l'investissement progresse de nouveau ; la situation des finances publiques s'est sensiblement améliorée dans l'ensemble, la situation de l'emploi s'améliore. Ces améliorations, réelles et notables, ne sauraient toutefois masquer ce qui constitue toujours une réalité et un défi pour l'Europe : l'existence de situations nationales contrastées et parfois même divergentes. Ceci constitue une difficulté pour définir une politique économique d'ensemble pour l'Union européenne etou la zone euro.

La semaine dernière, la Commission européenne a formellement lancé un nouvel exercice du Semestre européen en publiant un certain nombre de documents : l'examen annuel de la croissance ; la recommandation de politique économique pour la zone euro ; son avis sur les projets de budget 2018 ; le rapport sur le mécanisme d'alerte qui concerne les déséquilibres macroéconomiques et le rapport conjoint sur l'emploi qui illustre la dimension sociale du Semestre européen et trouve une résonance particulière au lendemain du Sommet social pour des emplois et une croissance équitables organisé en Suède (Göteborg) le 17 novembre dernier auquel participait le Président de la République.

Je vais essayer de résumer ces positions en quatre points : premièrement, les prévisions économiques d'automne, deuxièmement, l'examen annuel de la croissance (EAC), troisièmement, le rapport sur les mécanismes d'alerte et enfin, quatrièmement, la prise en compte dans le PLF 2018 des recommandations de la Commission européenne émises au printemps dernier.

En ce qui concerne les prévisions économiques d'automne, la Commission européenne confirme la reprise qui doit constituer une injonction pour mettre en oeuvre des réformes structurelles au service d'une croissance durable et inclusive. Elle estime que la croissance de la zone euro devrait connaître, en 2018, son rythme de progression le plus rapide des dix dernières années, soit 2,2 %, contre une estimation de 1,7 % au printemps 2017. Pour l'Union européenne dans son ensemble, la croissance attendue s'élève à 2,3 %, contre 1,9 % dans les prévisions de printemps. Les finances publiques bénéficient donc mécaniquement d'une embellie conjoncturelle : la situation budgétaire des États membres dans leur ensemble s'améliore. Le déficit public de la zone euro devrait tomber à 0,8 % en 2019 contre 1,1 % en 2017 et 0,9 % en 2018, mais leur taux d'endettement reste élevé à 85,2 % (89,3 % en 2017 et 87,2 % en 2018).

Les écarts entre les deux exercices de prévision s'expliquent par de « bonnes nouvelles » : la résilience de la consommation privée qui constitue en Europe l'un des principaux moteurs de la croissance, le renforcement de la croissance mondiale, le recul du chômage et un contexte économique plus serein et donc plus favorable à l'investissement privé qui redémarre progressivement après avoir été fortement ébranlé par la crise économique et financière. Plusieurs nuances doivent être apportées cependant. Premièrement, les situations des États membres demeurent différentes. Deuxièmement, les marges d'amélioration des marchés du travail sont encore importantes. Si le taux de chômage continue de diminuer, la main-d'oeuvre reste encore assez largement sous-utilisée. Le taux de chômage devrait s'établir en 2018 à son niveau le plus bas depuis 2009, 9,1 % en moyenne et devrait continuer sa baisse (8,5 % en 2018 et 7,9 % en 2019). Troisièmement, les salaires ne progressent que très lentement.

Dans le cadre de l'examen annuel de la croissance (EAC), la Commission européenne, dans le prolongement des précédents exercices du Semestre européen, réaffirme l'actualité persistante des trois branches du triangle qui doivent constituer les priorités de politique économique pour l'Union européenne : la relance de l'investissement, la mise en oeuvre de politiques budgétaires responsables et la conduite de réformes structurelles visant principalement à moderniser et à renforcer les économies européennes.

S'agissant de l'investissement qui a été fortement affecté par le ralentissement de l'activité économique et les difficultés rencontrées par le secteur bancaire, la Commission européenne réaffirme la nécessité de veiller à ce que la reprise de l'investissement se confirme et s'intensifie et privilégie les secteurs et les projets soutenant une croissance de long terme inclusive et « verte ». Dans cette perspective, l'accent doit être mis sur l'amélioration de la productivité, notamment celle de l'emploi, ainsi que sur l'éducation et à une formation de haute qualité.

S'agissant des politiques budgétaires responsables, la Commission européenne constate que certains États présentent toujours des taux d'endettement élevés. Cela représente un risque financier pour eux, notamment en cas de remontée des taux d'intérêt à court-moyen terme, mais aussi pour l'ensemble de la zone économique compte tenu des interdépendances entre économies européennes, en particulier au sein de l'Union économique et monétaire.

S'agissant des réformes structurelles, la Commission européenne insiste notamment sur la nécessité que celles-ci améliorent la résilience de l'Union européenne dans son ensemble, ainsi que les résultats, sur le plan social, des politiques économiques menées. La convergence des économies et l'inclusion des politiques structurelles doivent ainsi être deux objectifs principaux. À cet égard, la croissance des salaires réels constitue un véritable enjeu car cela permettrait, par la hausse du pouvoir d'achat associée, de soutenir la demande intérieure et donc la croissance.

La modernisation et la flexibilisation des marchés du travail doivent également être privilégiées, sans aboutir toutefois à une précarisation accrue de la situation des personnes plus vulnérables. Il faut considérer la prise de mesures en matière d'éducation et de formation professionnelle comme de véritables investissements au service de politiques actives de l'emploi plus efficaces afin de limiter la dualité du marché du travail.

La Commission européenne considère même que l'embellie doit être l'occasion pour chaque État membre d'oeuvrer à la relance de la convergence économique et sociale de la zone euro. Ces priorités sont plus particulièrement déclinées pour les pays membres de la zone euro dans la recommandation de politique économique concernant la zone euro publiée concomitamment à l'EAC. Tous ces éléments se retrouvent dans les lignes directrices pour les politiques de l'emploi des États membres publiées, pour la première fois cette année sous la forme d'une décision du Conseil.

J'en viens désormais au rapport sur le mécanisme d'alerte, c'est-à-dire l'analyse visant à détecter l'existence de déséquilibres macroéconomiques dans les États membres. Dans le cadre de son analyse, la Commission européenne considère qu'un examen approfondi est nécessaire pour douze États membres dont la France, l'Allemagne, les Pays-Bas et le Portugal. Celui-ci sera conduit courant 2018.

Enfin, comme indiqué, le lancement d'un nouvel exercice du Semestre européen est notamment l'occasion d'apprécier la façon dont les États membres tiennent compte, dans l'élaboration de leur projet de budget pour l'année à venir, des recommandations formulées par la Commission européenne au printemps précédent. Ainsi, s'agissant de la France, le dernier rapport pays de la Commission européenne préconisait, en matière de fiscalité de « consolider les mesures de réduction du coût du travail afin d'optimiser leur efficacité de manière budgétairement neutre et d'accroître leurs effets sur l'emploi et l'investissement » et d'« élargir l'assiette globale de l'impôt et poursuivre la mise en oeuvre de la diminution prévue du taux nominal de l'impôt sur les sociétés » (recommandation n° 2).

Dans le PLF et le PLFSS pour 2018 actuellement en discussion dans nos assemblées parlementaires, le Gouvernement a notamment proposé de pérenniser le CICE en le transformant en une baisse de cotisations sociales et de poursuivre l'abaissement du taux nominal de l'impôt sur les sociétés à 25 % d'ici 2022 avec une nouvelle étape dès 2018. Il est également prévu de compenser la suppression des cotisations salariales maladie et chômage pour les salariés du privé et du public par une hausse de la CSG. Ces éléments illustrent la prise en compte par les autorités françaises des recommandations de la Commission européenne et contribueront aux objectifs de la recommandation numéro 2.

Pour conclure sur les prochaines étapes du Semestre européen, un débat entre la Commission européenne et le Parlement européen sera organisé dans les prochaines semaines sur les priorités politiques pour la zone euro et pour l'Union européenne. Le Parlement européen devrait examiner l'EAC et émettre un avis sur les lignes directrices pour l'emploi. Le Conseil examinera les orientations proposées par la Commission européenne dans l'EAC, dans la recommandation de politique économique concernant la zone euro ainsi que dans les lignes directrices pour les politiques d'emploi des États membres lors de sa réunion du 5 décembre 2017. Les orientations devraient être approuvées. En mars, le Conseil européen adoptera les priorités économiques sur la base de l'EAC.

S'ouvrira ensuite la seconde phase du Semestre européen avec la publication par la Commission européenne, en février, des rapports spécifiques par pays dans lesquels elle analyse la situation économique et budgétaire des États membres. Sur la base des programmes de stabilité ou de convergence (pour les États non-membres de la zone euro) remis par les États membres au plus tard le 15 avril, la Commission européenne publiera au mois de mai ses recommandations spécifiques par pays, lesquelles seront ensuite validées et approuvées par le Conseil avant d'être formellement adoptées par le Conseil européen au mois de juillet.

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