Intervention de Olivier Godin

Réunion du mercredi 24 juillet 2019 à 9h05
Commission d'enquête sur l'impact économique, industriel et environnemental des énergies renouvelables, sur la transparence des financements et sur l'acceptabilité sociale des politiques de transition énergétique

Olivier Godin :

Nous allons vous présenter un état des lieux de la situation avec un rappel du mix énergétique et des objectifs sur le solaire. Il est important de rappeler que la moitié de nos consommations d'énergie, en France et en Europe, est consacrée à la production de chaleur c'est-à-dire au chauffage et à l'eau chaude. L'électricité ne représente qu'un quart et le transport un autre quart de nos consommations d'énergie. Dans le neuf, avec la nouvelle RT (réglementation thermique), la chaleur représente la quasi-totalité des besoins avec essentiellement la production d'eau chaude sanitaire et de chauffage. En plus d'être la partie la plus énergivore de nos consommations, c'est aussi la plus émettrice de CO2 puisque le kWh est très nucléaire. Tous nos enjeux environnementaux portent sur le chauffage et l'eau chaude. En 2050, pour pouvoir contenir le réchauffement climatique à 2 degrés, il faut que nous parvenions à zéro émission nette de particules. La chaleur solaire est la meilleure solution. Toutes les autres solutions émettent des particules et consomment des ressources.

Où en est le marché de la chaleur solaire ? Les marchés européens et français ont été en forte progression jusqu'en 2008 puis ont baissé et reprogressent depuis 2018. Néanmoins, dans notre pays, la progression est beaucoup plus faible et stagnante. Il existe une autre solution thermique : le PVT, le panneau photovoltaïque et thermique. Il permet d'avoir les deux fonctions en une et de produire à la fois de la chaleur et de l'électricité. En France, plus de 440 000 m2 ont été installés en 2018, soit deux à trois fois plus que les installations solaires thermiques. Autre point important : la France est le leader mondial et les industriels y sont installés. C'est le plus gros marché devant les Chinois et les Allemands.

Les raisons de cet état des lieux sont liées à des facteurs internes mais surtout externes. La filière a dû gérer l'amélioration de sa qualité qui était de 66 % sur la pose en 2007. C'est la filière qui a fait le plus de progrès en dix ans et aujourd'hui elle est devenue la filière d'excellence avec les meilleures qualités d'installation. La baisse d'activité est directement liée au fait que les investissements relatifs aux installations solaires thermiques sont les plus élevés. La non-équité des aides explique également la situation de la filière. Le crédit d'impôt n'est en effet pas le même pour toutes les EnR. Il intègre par exemple la pose pour l'isolation des parois opaques et pour les capteurs des pompes géothermiques des pompes à chaleur mais pas pour la pose des capteurs solaires. Le solaire thermique ne bénéficie que très peu du coup de pouce CEE. Le remplacement d'une chaudière – point d'entrée du coup de pouce – par une pompe à chaleur ou par une chaudière à granulés ne bénéficie pas du coup de pouce alors que l'isolation en bénéficie à chaque fois. La situation est identique pour l'amélioration de la qualité de l'air : le solaire n'en bénéficie pas alors que d'autres dispositifs bénéficient d'aides. Les pics de pollution aux particules fines ont lieu essentiellement l'hiver et sont liés au chauffage. Le chauffage et l'eau chaude représentent autant de pollution que le transport sauf qu'ils sont concentrés sur la période hivernale. La première cause de pollution en France, à Paris, c'est le chauffage et l'eau chaude. Le crédit d'impôt qui est passé à 15 % en 2014 ou 25 % avec un bouquet de travaux a fait particulièrement mal au solaire thermique. Il s'agit d'un des investissements les plus importants des EnR et donc d'un gros investissement. Contraindre l'ajout d'un deuxième travail pour bénéficier de 25 % de crédit impôt, cela a tué le solaire thermique. Les aides sur d'autres énergies avec un prix garanti comme le photovoltaïque ont également pénalisé le solaire thermique. Il y a eu aussi le droit à surconsommer sur les bâtiments neufs avec la nouvelle RT 2012. Cette diminution des besoins d'économie d'énergie a généré un arrêt du solaire thermique.

Qu'est-ce qui a changé en dix ans et qui va répondre à votre question sur la compétitivité de l'énergie ? En dix ans, le prix de l'énergie a augmenté en moyenne de 30 %. Or, le coût du kWh solaire est de zéro : cela a augmenté sa compétitivité. Les innovations ont permis au solaire thermique de progresser avec des gains de performance pouvant aller jusqu'à 20 % sur les chauffages solaires. Il y a aussi des gains technologiques et des gains relatifs à la fiabilité qu'il s'agisse de la gestion des accidents d'énergie ou des solutions connectées par exemple. Donc, en dix ans, le solaire thermique a vu sa compétitivité, sa fiabilité et sa durabilité s'améliorer de 30 %. C'est devenu aujourd'hui une des solutions les plus compétitives et, comme elle n'émet aucune particule, une des plus vertueuse.

Le solaire thermique est également l'énergie la plus appréciée des Français. C'est aussi une solution qui améliore la balance commerciale. La France est productrice nette et exportatrice nette. Nous avons des industries en France et nous exportons plus que nous n'importons. Cela améliore donc l'indépendance énergétique des Français, ne consomme pas de ressources, n'émet pas de particules et réduit l'émission de CO2, ce qui est idéal pour lutter contre le réchauffement climatique. C'est cependant la filière qui a le moins de soutien de la puissance publique avec moins de 10 millions d'euros mais qui a le plus gros potentiel de création d'emplois en France et en Europe. 100 % de la production et de la pose se trouvent en France. La France a tout pour devenir un leader européen et mondial. L'intérêt pour le gouvernement c'est qu'un euro investi en rapporte deux à quatre. C'est une filière qui améliore la balance commerciale, qui est créatrice d'emplois qualifiés en France, qui permet d'améliorer notre indépendance énergétique et de protéger l'environnement. Le solaire thermique est une solution qui se transporte très mal et qui permet la sécurisation des emplois en France. Un capteur solaire est composé de beaucoup d'air. C'est donc un produit qui se transporte difficilement par conteneurs et qui ne pourra pas venir de Chine. La France a aussi des industriels de premier rang. On a l'un des leaders européens et on a le troisième centre de R & D au monde. Concernant la compétitivité de la chaleur solaire, on voit que c'est une solution qui permet de réduire les charges sur vingt ans et donc de gagner en pouvoir d'achat. La compétitivité de la chaleur solaire est identique du nord au sud de la France. Cela n'est pas le cas pour l'eau chaude solaire ou le photovoltaïque dont la compétitivité baisse au fur et à mesure que l'on se rapproche du nord. Ce sont des économies qui peuvent aller jusqu'à 70 %. Avec l'éco-prêt à taux zéro, et puisque le coût de l'énergie est de zéro, on est sur des rentabilités qui sont très bonnes. Cela permet de générer un gain de pouvoir d'achat dès la première année. L'économie financière est supérieure au remboursement de l'emprunt. Tous les éléments que nous évoquons sont issus d'études publiées par I Care et cofinancées avec l'Ademe et Enerplan. Aujourd'hui, le solaire est compétitif partout en France.

Quelles sont les recommandations d'Enerplan ? Enerplan recommande – comme le suggère la Cour des comptes – un rééquilibrage en faveur du solaire thermique et une équité des aides car c'est aujourd'hui le premier frein au développement du solaire thermique. Enerplan propose d'octroyer les mêmes aides sur le solaire que sur les autres EnR. Enerplan recommande également de ne pas exclure les Français aux revenus des neuvième et dixième déciles comme cela est proposé. Cette proposition nous inquiète car ce sont les cadres qui investissent majoritairement dans le solaire. Supprimer cette aide aux cadres revient à supprimer la moitié du marché existant. Le développement des EnR solaires chuterait alors considérablement. Nous souhaiterions que la chaleur solaire bénéficie du coup de pouce CEE comme en bénéficie l'isolation. Créer un « air solaire », qui serait une aide pour améliorer la qualité de l'air, car aujourd'hui en France beaucoup de villes souffrent de la pollution, serait une solution. Maintenir les aides sur la chaleur produite par le photovoltaïque hybride – chaleur et électricité – qui ont fortement baissé dans la nouvelle proposition 2020. Une communication de la puissance publique sur le solaire thermique car aujourd'hui, c'est essentiellement le photovoltaïque, qui bénéficie de communication. Valoriser correctement le chauffage solaire dans le moteur de calcul. Il est aujourd'hui pénalisé par un rapport de deux. Enfin, supprimer le droit à surconsommer de la RT 2012 de 15 % dans les bâtiments neufs.

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