Ce rapport est publié cette année deux semaines plus tôt que l'an dernier, où il était paru le 15 mai, et ce glissement est encore plus important si l'on compare à 2012, où il était paru le 30 mai. Il porte uniquement sur les résultats de la gestion budgétaire de l'exercice 2019 ; nous n'évoquons ni 2020 ni la crise sanitaire. Nous ferons une première analyse des conséquences de cette crise et de la crise économique dans le prochain rapport de la Cour sur la situation et les perspectives des finances publiques. Les travaux qui devaient être menés sur le budget de l'État, notamment sur la réforme de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), ont été reportés à l'automne.
S'agissant des comptes de l'État, le bilan est négatif, à – 1 370 milliards d'euros, soit une aggravation d'environ 70 milliards. Le résultat s'établit à – 84,7 milliards d'euros en comptabilité générale et à – 92,7 milliards d'euros en comptabilité budgétaire.
La Cour certifie les comptes sous quatre réserves : limites générales dans l'étendue des vérifications ; anomalies relatives aux stocks militaires et aux immobilisations corporelles ; anomalies dans les immobilisations ; anomalies quant aux charges et produits.
Il convient de rendre toujours plus fiable cette comptabilité générale et de l'utiliser davantage, notamment pour mieux programmer les moyens de l'État, mieux analyser sa situation financière et suivre son exécution budgétaire.
S'agissant du budget de l'État, le déficit budgétaire, de 92,7 milliards d'euros, est en hausse, pour trois raisons principales : le cumul du crédit d'impôt compétitivité et emploi (CICE) et des allègements des cotisations sociales censés le remplacer (une vingtaine de milliards d'euros) ; le prélèvement à la source (décalage en 2020 du recouvrement de l'IR pour un mois, pour 5 milliards d'euros) ; les mesures de soutien au pouvoir d'achat en réponse au mouvement des gilets jaunes (7 milliards d'euros).
Le solde budgétaire s'améliore toutefois de 15 milliards d'euros par rapport à la loi de finances initiale (LFI).
La conséquence de ce déficit est la forte augmentation de l'endettement de l'État. Le besoin de financement s'est considérablement accru et 220,5 milliards ont été levés sur les marchés financiers. Toutes administrations publiques (APU) confondues, l'encaissement des primes à l'émission a permis ces cinq dernières années de réduire de 3,2 % la dette publique rapportée au PIB.
Malgré l'augmentation de la dette, la charge d'intérêts diminue de 1,4 milliard d'euros, en raison de la baisse des taux d'intérêt et de la diminution de l'inflation.
Les recettes de l'État ont diminué de 15 milliards d'euros, principalement en raison de la baisse des recettes fiscales, notamment liée au transfert de 31,2 milliards d'euros de TVA à la sécurité sociale, même si en retour 7,8 milliards d'euros de prélèvements sociaux sur les revenus du capital ont changé d'affectation.
Par rapport à la prévision, l'exécution de la LFI montre un supplément de recettes fiscales de 7,8 milliards d'euros, essentiellement dû à l'impôt sur le revenu (IR), pour 1,3 milliard d'euros, du fait du meilleur recouvrement lié au prélèvement à la source, et à l'impôt sur les sociétés (IS), pour 2,1 milliards d'euros. Les autres recettes fiscales sont en forte croissance – de 4,5 milliards d'euros –, en particulier grâce à l'impôt sur la fortune immobilière (IFI) et aux droits de mutation à titre gratuit (DMTG), plus dynamiques que prévu.
Les dépenses sont en nette augmentation, de 2,2 %, soit 7,3 milliards d'euros, en raison notamment de la progression importante des dépenses d'intervention – 6,1 milliards d'euros – et de personnel – 2 milliards d'euros. À l'inverse, la charge de la dette est plus faible qu'attendu.
L'exécution des dépenses de l'État est en dessous de la norme à hauteur d'un milliard d'euros. Pour autant, ces dépenses excèdent de 3 milliards d'euros le plafond de dépenses pilotables retenu par la loi de programmation des finances publiques (LPFP).
L'exécution du budget est globalement conforme au vote du Parlement. La budgétisation initiale réaliste a facilité la gestion en cours d'année. Nous identifions 1,44 milliard d'euros de sous-budgétisations et la mise en réserve des crédits a été contenue.
Les moyens financiers de l'État, au-delà du budget général, ont été mobilisés pour les politiques publiques.
Parmi les 357,9 milliards d'euros de dépenses budgétaires nettes, 19,5 milliards d'euros proviennent des comptes spéciaux. Le total des autres moyens se monte à 129,6 milliards d'euros : 99,4 milliards d'euros proviennent des dépenses fiscales et 30,2 milliards d'euros des impôts et taxes affectés. Certains moyens financiers sont gérés par des fonds sans personnalité juridique, pour lesquels il est difficile de faire apparaître des montants. Ces moyens sont importants et pourtant peu lisibles et faiblement pilotés. Ils dérogent au principe budgétaire d'universalité, leurs dépenses et leurs recettes étant soustraites au contrôle parlementaire et administratif – ils ne sont pas enregistrés dans les comptes de l'État. Nous demandons à nouveau de pouvoir de procéder à leur réexamen systématique.
La Cour formule dix recommandations. Certaines sont nouvelles et une partie significative concerne les autres moyens.
Le Gouvernement souhaite dès 2021 présenter le projet de loi de règlement (PLR) à la mi-avril, en même temps qu'est présenté le programme de stabilité, ce qui va poser des difficultés à la Cour. Nous en discuterons avec Bercy. Nous partageons l'intérêt du Parlement pour un calendrier anticipé, mais certains délais sont incompressibles, pour que les comptes à certifier soient fiabilisés.