Intervention de Bruno le Maire

Réunion du mardi 19 mai 2020 à 8h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Bruno le Maire, ministre de l'économie et des finances :

Il n'y a pas de tension sur les marchés pour financer notre dette – les écarts de taux avec l'Allemagne sont limités à environ cinquante points de base –, ce qui tient à la crédibilité de la signature française et au soutien constant de la BCE au financement des obligations d'État. Pour que les perspectives économiques soient les plus claires possible pour les marchés, des soutiens sectoriels et des orientations économiques correspondant à un plan de relance bien structuré sont essentiels.

Défendant l'idée d'une relance verte, je suis favorable à ce que le plan de relance soit assorti de conditions écologiques. Le reporting des entreprises doit dépasser le cadre financier pour tenir compte du bilan environnemental et des engagements sociaux, notamment en matière d'égalité femmes-hommes. La crise doit donc pouvoir être utilisée comme un levier pour améliorer la compétitivité de l'économie, mais aussi son caractère durable et responsable.

Le plan de relance est compatible avec les traités européens, et politiquement cohérent avec nos choix nationaux. Lors de la crise de 2009, la stratégie du stop-and-go a échoué, ce qui nous montre qu'il ne faut pas faire les choses simultanément, mais de façon séquencée, c'est-à-dire rembourser la dette par la croissance. L'autre leçon à tirer, c'est qu'il faut conditionner les aides au caractère respectueux de la transition écologique et de la lutte contre le réchauffement climatique des investissements.

On peut envisager de nouvelles ressources propres, qui pourraient être aussi bien la taxe sur les transactions financières ou la taxe carbone aux frontières, la taxation minimale des entreprises ou la taxe sur les géants du numérique.

En début de quinquennat, nous avons engagé une baisse de la fiscalité sur le capital, puis sur les ménages, ce qui a augmenté l'attractivité du territoire français et soutenu le pouvoir d'achat des ménages, notamment de ceux qui paient l'impôt sur le revenu ; nous avons supprimé l'ISF, mais maintenu un impôt sur la fortune immobilière. La fiscalité sur le capital doit permettre de continuer à investir dans l'industrie. Si je suis contre le rétablissement de l'ISF, je ne suis pas pour autant favorable au moins-disant fiscal : nous devons mener des combats pour avoir une fiscalité plus juste et plus efficace.

Les géants du numérique, premiers bénéficiaires de la crise économique, doivent être taxés à un juste niveau afin d'éviter la cartellisation de l'économie de ce secteur. Si aucun accord ne peut être trouvé dans le cadre de l'OCDE, c'est la taxe nationale mise en œuvre en France qui s'appliquera aux revenus des GAFA en 2020.

Notre deuxième combat, livré aux côtés de l'Allemagne, est celui de la taxation minimale, qui rapportera beaucoup plus que le rétablissement de l'ISF. Il s'agit d'éviter l'optimisation ou l'évasion fiscale des grandes multinationales qui font des profits en France mais payent dans d'autres États un impôt sur les sociétés limité à 2 % ou 3 %. Nous voulons que l'imposition sur les grandes sociétés soit au minimum de 12,5 %. Ce combat est plus difficile à mener, mais il est plus rentable pour les finances publiques françaises, plus efficace pour l'attractivité de notre territoire et plus juste d'un point de vue global. Le moins-disant fiscal est une mauvaise chose à la fois pour la solidarité européenne et pour le financement des services et des biens publics ; la taxe carbone aux frontières de l'UE, la taxation minimale et la taxe sur les géants du numérique sont les vrais combats fiscaux du XXIe siècle.

Nous étudions la proposition espagnole de financement de la dette, mais nous estimons qu'il faudra, un jour ou l'autre, la rembourser.

Seraient éligibles au fonds de relance tous les États touchés violemment par la crise du covid-19, sur la base de critères à la fois économiques et sanitaires – impact sur l'économie, nombre de morts, incidence sanitaire. Une fois déclaré éligible, un État rembourserait en fonction de ses capacités, c'est-à-dire de son PNB, et non de ce qu'il aurait touché. Certains, très affectés par la crise, vont toucher plus que d'autres mais vont rembourser moins, du fait de leur PNB : si ce transfert budgétaire est parfois critiqué, la France et l'Allemagne y voient un indispensable mécanisme de solidarité européenne.

Le plan de relance du tourisme a déjà été présenté. Il est vital pour les centaines de milliers d'entreprises et les millions de salariés français concernés qu'on apporte un soutien massif à l'hôtellerie et à la restauration, ainsi qu'à tous les secteurs de la culture et de l'événementiel qui font vivre ce secteur dramatiquement touché par la crise. Nous avons décidé d'exonérer de charges sociales pour quatre mois les entreprises du secteur, de prolonger le fonds de solidarité autant que nécessaire et de rendre éligibles à celui-ci les entreprises jusqu'à 2 millions d'euros de chiffre d'affaires et 20 salariés – nous avons doublé ces deux critères – et de créer un prêt garanti « saison » qui permettra aux entreprises d'emprunter à hauteur de leurs trois meilleurs mois en 2019, ce qui peut représenter jusqu'à 70 % ou 80 % de leur chiffre d'affaires annuel, alors que la limite est actuellement de 25 %. Le remboursement se faisant avec un an de décalage, les entreprises pourront rembourser après la saison 2021, ce qui va leur donner une bouffée d'air aussi bienvenue que méritée.

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