L'une des fragilités de la mise en œuvre de cette réforme tient à tous les facteurs qui peuvent la priver de ses effets. Une réforme de cette nature ne peut pas produire tous ses effets en moins de cinq à dix ans. Cela implique donc, pendant cinq à dix ans, de s'abstenir de trop modifier l'écosystème : il faut imaginer une réforme à organisation constante. L'une des difficultés actuelles tient donc à la réforme de l'organisation territoriale de l'État au niveau départemental.
Il ne m'est pas possible de m'exprimer sur la situation actuelle, les mises à pied... Ces questions relèvent de l'appréciation du ministère.
Durant la crise sanitaire, la DGT a donné un grand nombre d'instructions et les interventions ont été nombreuses. Je pense que l'inspection du travail a su faire face pour veiller à la mise en œuvre des mesures de précaution sanitaires pendant la crise ; nous l'avons vu avec Amazon. Son rôle a été réel et actif.
La baisse des effectifs concerne plutôt les effectifs contrôlants, mais si nous visons le ratio d'un agent de contrôle pour 10 000 salariés, standard retenu par l'OIT et presque toutes les autres organisations, et si les agents contrôleurs sont au nombre de 3 675, le nombre potentiel de salariés couverts serait de 37 millions. Il est donc clair que le problème tient non pas à l'effectif global mais à l'effectif affecté aux missions de contrôle.
L'impact du télétravail dans les entreprises sur les missions de l'inspection ne peut pas être mesuré pour l'instant. Jusqu'à présent, c'était une activité peu développée, surtout une activité de cadre. S'il se généralise, il est certain qu'il faudra réorganiser la logique de l'inspection : on ne contrôle pas un télétravailleur comme on contrôle un travailleur, c'est évident.
Quant à l'activité partielle, le passé ne peut guère nous éclairer. En 2019, les volumes d'activité partielle étaient faibles, nous l'avons souligné dans notre Note d'analyse de l'exécution budgétaire de la mission Travail et emploi.
Il est certain que l'absence d'un bilan de la réforme réalisé par le ministère est une faiblesse. Le ministère peut cependant toujours en faire un.
La suppression de sections et la création d'unités spécialisées ne sont pas du tout la même chose. La suppression de sections se passe à l'intérieur d'une unité de contrôle ; ce découpage très fin à l'intérieur de l'unité de contrôle n'a plus beaucoup de sens. L'idée des unités spécialisées, c'est d'en créer au niveau départemental ou régional, sur des thématiques précises telles que l'amiante ou les transporteurs aériens internationaux. Les équipes doivent avoir le format et la formation nécessaires.
WIKI'T est une application nationale, quoiqu'elle soit, bien sûr, déclinée au plan local. Comme je l'ai dit, son coût n'est que d'une dizaine de millions d'euros sur une dizaine d'années.
La transformation des contrôleurs en inspecteurs est une décision des pouvoirs publics, qui procède de l'idée qu'il n'y a pas de réorganisation possible si les agents n'y trouvent pas un avantage. Cela me paraît assez simple : il fallait qu'ils y trouvent leur compte, particulièrement l'important corps des contrôleurs. Cela n'a pas forcément dévalorisé le métier, mais il est certain que les fonctions des contrôleurs s'exerçaient sur de toutes petites entreprises et sur le secteur agricole. Aujourd'hui, ce n'est plus le cas, puisqu'ils sont devenus inspecteurs, et leur formation a été un peu rapide. On ne transforme pas, simplement parce qu'il a été soumis à quelques examens professionnels, un agent de la catégorie B en agent de la catégorie A – du moins en termes de conception de sa propre activité.
L'intégration des inspections de l'agriculture et des transports est bien antérieure à la réforme. Elle date de 2009. Nous proposons de conserver les contrôles en matière d'agriculture et de transports, mais des arbitrages plus précis de la DGT dans ces deux secteurs sont nécessaires. Des agents de contrôle doivent y être affectés, des priorités de contrôle doivent être établies, avec une spécialisation plus grande des agents. Il faut des unités de contrôle spécialisées dédiées à ces secteurs et la politique de ressources humaines doit valoriser ce type d'expérience et ce type d'expertise.
L'attractivité de ce corps, globalement, est faible. Une meilleure connaissance du monde de l'entreprise nous paraît s'imposer. Nous avons été extrêmement surpris que les stages en entreprise soient si courts. Les membres de l'inspection du travail ne connaissent pas l'entreprise de l'intérieur, alors que les inspecteurs des finances publiques, eux, font des stages en ce sens.
L'équilibre entre conseil et contrôle relève de logiques nationales, mais il faut bien reconnaître que le code du travail est d'une extrême complexité. Il faut un équilibre, et il est certain que l'on est dissuadé de demander conseil si une demande de conseil entraîne systématiquement un contrôle.