Intervention de Isabelle Falque-Pierrotin

Réunion du mercredi 3 juin 2020 à 9h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Isabelle Falque-Pierrotin :

Il est vrai que nous devrons travailler, dialoguer, avec cinq ministères, voire six, si nous comptons le secrétariat d'État chargé du numérique.

Le ministère de l'intérieur est compétent dans la lutte contre le blanchiment et l'offre de jeux des casinos, alors que les missions de l'ANJ portent sur le contrôle de l'addiction et l'équilibre général des filières. C'est la raison pour laquelle, nous avons élaboré une convention visant à organiser une coopération efficace.

En outre, la connaissance par les administrations du fonctionnement des casinos et des points de vente de La Française des jeux et du PMU est essentielle pour l'ANJ qui n'est pas en capacité d'effectuer des contrôles directs.

Les commissions permanentes spécialisées de l'ANJ, composées notamment de représentants ministériels, sont par ailleurs un outil important pour maintenir un dialogue fructueux avec les ministères.

Cependant, si les ministères ont pour mission d'accompagner le changement de culture, qui se caractérise par l'instauration de l'ANJ, nous devrons être fermes, justement parce que nous avons changé d'univers et que, désormais, il appartient à une autorité indépendante de définir une stratégie et des moyens opérationnels.

L'ANJ pourra-t-elle rendre cohérents l'objectif de croissance du marché et les préoccupations éthiques ? Sincèrement, je le pense. Notre modèle éthique, jugé atypique au niveau européen il y a de cela cinq ou dix ans, trouve maintenant toute sa mesure puisqu'il permet d'éliminer les produits les plus toxiques pour le joueur. Notre développement économique sera d'autant plus intéressant et robuste qu'il intégrera très en amont la dimension de protection des joueurs, avec la lutte contre l'addiction et le blanchiment.

L'articulation des jeux en ligne et des jeux physiques est une question fondamentale, qui ne peut être analysée uniquement sous l'angle de la concurrence. Bien évidemment, nous devrons analyser le risque que comporterait le développement d'une offre en ligne pour un secteur en dur. Mais l'économie ne sera pas l'unique aspect à prendre en compte ; la nécessité des points de vente physiques sur le territoire français est elle aussi une donnée importante, en particulier pour la filière hippique.

La question de l'équilibre des filières est extrêmement complexe et n'a pas suffisamment été travaillée par l'ARJEL. Nous effectuerons donc des comparaisons internationales afin d'élaborer une doctrine.

Dans la régulation des jeux d'argent, les jeux vidéo tiennent une place de plus en plus importante et ces deux univers s'entremêlent. Je ne sais pas, à ce jour, quelles conséquences en tirer. Nous devrons réaliser un gros travail sur ce segment en forte croissance qui englobe une industrie des jeux vidéo en forte croissance. Nous le ferons avec une approche européenne.

La question de l'addiction est pour nous centrale. Tous les pays où les jeux d'argent et les jeux vidéo sont en croissance sont confrontés aux questions de la protection des joueurs, dont les mineurs, et de l'addiction. Or la prise de conscience, en amont, est faible.

Sur ces questions, l'ANJ dispose de nouveaux moyens d'action – publicité, programmes de prévention du jeu, etc. – et sera extrêmement active. Il s'agit d'un enjeu de santé publique, mais aussi de modèle de société.

L'annonce de La Française des jeux de s'enregistrer comme une société à mission est intéressante pour une autorité de régulation comme l'ANJ, car elle s'inscrit dans l'idée de bâtir un développement économique plus durable, parce que plus respectueux des joueurs. Pour autant, elle ne rend pas l'intervention du régulateur inutile. Non seulement, elle ne couvrira que l'un des champs de la régulation, mais elle restera redevable et comptable auprès de l'ANJ s'agissant de la lutte contre le blanchiment, de l'équilibre des filières et de l'intégrité de son offre de jeux.

S'agissant du grand débat, il a été une expérience extrêmement enrichissante. Il a montré que les citoyens avaient envie de participer à la prise de décision publique. En effet, 66 % des personnes ayant participé à une réunion locale n'avaient, jusque-là, jamais participé à réunion syndicale ou associative.

La lutte contre le blanchiment est un objectif central du régulateur et des progrès peuvent déjà être constatés, dans cette lutte auprès des opérateurs alternatifs. En outre, l'ancien numéro 2 de Tracfin a rejoint les effectifs de l'ARJEL ; c'est une mutation qui témoigne de notre volonté de professionnaliser la lutte contre le blanchiment.

Les méthodes de blanchiment sont bien connues de l'ARJEL, qui élabore à partir de celles-ci des critères visant à identifier des transactions sur lesquelles il conviendrait d'investiguer. Notre action sera renforcée dès les prochaines semaines et sera un élément très important de l'activité de l'ANJ.

Enfin, lors de la mission de préfiguration, je me suis entretenue avec M. Philippe Coy, le président de la confédération des buralistes de France, sur le rôle que ces acteurs pourraient jouer dans la mise en place d'une régulation. Une coopération ne peut être que bénéfique et peut permettre de faire de ces agents de proximité des acteurs participant à cette régulation.

Les buralistes auront à rendre des comptes, notamment sur la protection des mineurs, non seulement à La Française des jeux, mais également à l'ANJ, qui déploiera, sur place, une force de contrôle.

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