Ma collègue Émilie Bonnivard, cosignataire de cette proposition de loi avec Vincent Rolland, aurait souhaité en être la rapporteure et vous prie de l'excuser de ne pouvoir être parmi nous aujourd'hui. Pour sauver le secteur de l'hébergement touristique, des cafés et de la restauration, nous proposons d'instaurer un taux réduit de TVA à 5,5 % jusqu'au 31 décembre 2020.
Après avoir subi les effets des manifestations et des grèves à la fin de l'année 2019, le secteur de l'hôtellerie et de la restauration est brutalement frappé par la pandémie de covid-19. C'est le secteur le plus touché de notre économie, puisque 90 % de l'activité est à l'arrêt. Je rappelle que le tourisme emploie près de 3 % de la population active à des postes qui ne peuvent en outre être délocalisés. Au premier semestre 2020, ses recettes ont déjà diminué de 45 milliards d'euros.
L'hébergement touristique et la restauration, premiers secteurs mis à l'arrêt, seront parmi les derniers à reprendre. La réduction des capacités d'accueil due à la mise en œuvre des mesures sanitaires et la baisse de la demande, notamment dans les territoires dépendants de la clientèle internationale, annoncent des temps difficiles.
Pour pallier ces difficultés exceptionnelles, nous proposons de diminuer le taux de TVA à 5,5 % pour les entreprises de l'hôtellerie et de la restauration jusqu'à la fin de l'année 2020. Cette mesure sauverait un grand nombre d'entreprises, donc d'emplois, en permettant de reconstituer la trésorerie qui leur fait actuellement défaut.
La réduction du taux de TVA est un mécanisme de soutien déjà éprouvé : en 2009, le taux de TVA pour les ventes à consommer sur place a été aligné sur celui de la vente à emporter. Il avait alors été décidé de ne pas attendre le projet de loi de finances de l'automne, mais de voter un projet de loi spécifique afin d'appliquer la mesure pendant la saison touristique estivale. Notre logique est identique.
Ce taux réduit est rendu possible dans l'Union européenne (UE) par la directive TVA. Les États membres peuvent déterminer un taux normal supérieur ou égal à 15 %, et un ou deux taux réduits fixés au minimum à 5 %. Cette faculté est largement utilisée par les États membres pour l'hôtellerie et la restauration, qui sont admissibles à un taux réduit; notre proposition est donc parfaitement conforme au droit européen.
Le taux de TVA réduit dans la restauration sert des objectifs ambitieux. Il améliorerait la rentabilité des restaurants et hôtels alors que la distanciation physique réduit le nombre de couverts et que l'État impose de coûteuses mises aux normes sanitaires. Il permettrait de soutenir un tissu de très petites entreprises (TPE) dense, fondamental pour l'économie française, mais qui aborde la crise fragilisé.
En termes d'emploi, le secteur de l'hôtellerie et de la restauration est l'un des plus dynamiques de l'économie française – il pourvoit plus d'un million d'emplois d'autant plus précieux qu'ils sont non délocalisables –, mais aussi l'un des plus fragiles puisque ses performances demeurent étroitement liées à la conjoncture. Les effectifs y sont assez jeunes : 40 % ont moins de 30 ans, et l'âge moyen est de 35,7 ans.
En 2019, les performances du secteur ont été inférieures en France à celles constatées dans les autres pays de l'Union européenne. Le mouvement des gilets jaunes et les grèves contre la réforme des retraites ont réduit la fréquentation des hôtels et campings. Avec 31 % de clientèle étrangère, le secteur est très sensible aux évolutions de la conjoncture internationale.
Les conséquences économiques de la crise sanitaire sont désastreuses. La fermeture de tous les restaurants a été décrétée le 14 mars 2020, et toute la population française a été confinée le 17 mars. Avec 600 000 salariés et 120 000 non-salariés, le secteur de la restauration traditionnelle, hors restauration rapide, est le plus touché par les fermetures administratives. Parmi les 18,5 millions d'emplois qui ne peuvent fonctionner en télétravail figurent évidemment ceux de l'hôtellerie et de la restauration. Dans sa note de conjoncture du 7 mai 2020, l'INSEE évalue la perte d'activité du secteur à 90 %. Les assurances pour perte d'exploitation ne semblent pas couvrir les risques pandémiques, de nature à entraîner un dommage non matériel et systémique.
Face à la gravité de la situation, le Gouvernement a apporté des réponses inédites par leur structure et leur ampleur, mais il s'agit de mesures d'urgence économique, insuffisantes pour préserver la survie de nombreuses entreprises de ce secteur.
Pour soutenir les trésoreries, il a annoncé le report des échéances de paiement des cotisations sociales et des prélèvements fiscaux des entreprises au titre des mois de mars et avril. Ce report concerne principalement l'impôt sur les sociétés, plus marginalement la taxe sur les salaires, mais pas la TVA.
La couverture de l'activité partielle a connu de nombreux retards de versement. Bien que les services de l'État aient été mobilisés pour servir ce dispositif dans les plus brefs délais, ils ont été engorgés par la demande, considérable. Au 19 mai, plus de 1 315 000 demandes d'autorisation préalable d'activité partielle ont été déposées, concernant plus de 1 030 000 entreprises et 12 700 000 salariés. Cette saturation des services a retardé le remboursement des salaires versés en l'absence d'activité. Des efforts de trésorerie ont donc été consentis par les entreprises alors qu'elles ne généraient plus de profits.
Le prêt garanti par l'État (PGE) est un dispositif intéressant, mais il a régulièrement été refusé aux plus petites entreprises. Le Gouvernement a maintenu les canaux de financement par des prêts de trésorerie à court terme permettant d'éponger les pertes subies. Néanmoins, de nombreuses petites entreprises du secteur de l'hôtellerie et de la restauration ont subi des refus de prêts, même garantis par l'État à 90 %. Ainsi, 3 700 dossiers ont été jugés éligibles par le médiateur du crédit pour le seul mois d'avril 2020, trois fois plus que pour toute l'année 2019. Comme le souligne la Banque de France, les entreprises concernées demeurent très majoritairement des TPE à la situation dégradée confrontées à des refus de PGE. Si le bien-fondé d'une telle mesure d'urgence n'est pas en question, le risque du surendettement de ces sociétés se posera inévitablement l'an prochain.
Le fonds de solidarité temporaire, permettant de verser des aides directes, n'est pas d'une ampleur suffisante pour le secteur touristique. Il est destiné aux TPE, aux travailleurs indépendants, aux micro-entrepreneurs et aux professions libérales. En présentant le plan de relance pour le secteur du tourisme, le 14 mai, le Premier ministre a annoncé que ce fonds resterait ouvert jusqu'à la fin de l'année 2020 et que son bénéfice serait élargi aux entreprises de moins de 20 salariés et 2 millions d'euros de chiffre d'affaires, pour un montant maximum de 10 000 euros. Si ces mesures vont dans le bon sens, le fonds de solidarité ne permettra de compenser qu'une part minime de la perte d'exploitation subie par les petits entrepreneurs du secteur de l'hôtellerie-restauration, surtout jusqu'au 20 mai 2020, puisque le montant maximum de l'aide est de 1 500 euros.
L'ensemble de ces dispositifs ne suffira pas pour répondre à la situation critique dans laquelle se trouve le secteur de l'hôtellerie et de la restauration. C'est pourquoi nous proposons une baisse de 4,5 points du taux de TVA, permettant aux acteurs du secteur de reconstituer leur trésorerie sans augmenter leurs prix, pour ne pas pénaliser leur fréquentation et le pouvoir d'achat de leur clientèle.