Depuis le début de la crise sanitaire, des bouleversements majeurs frappent durement les entreprises, en particulier les petites et moyennes entreprises (PME) et les TPE. Chacun connaît, dans son territoire, des commerçants, des artisans, des hôteliers qui ont été touchés.
À mon tour, je salue les mesures d'accompagnement des entreprises prises dans l'urgence par le Gouvernement : prêt garanti par l'État (PGE), financement du chômage partiel, report des échéances sociales et fiscales, fonds de solidarité. Semaine après semaine, les dispositifs ont été modifiés pour mieux répondre aux attentes du tissu économique. Au 15 mai, les reports de cotisations sociales depuis le 15 mars atteignaient 22,2 milliards d'euros, ceux des charges fiscales, au 20 mai, 2,3 milliards d'euros. L'effort est là, le nier serait de la mauvaise foi.
Le 24 mai dernier, le ministre de l'action et des comptes publics, Gérald Darmanin, a annoncé une exonération de charges pour 500 000 entreprises – celles de moins de 10 salariés ayant fait l'objet d'un arrêté de fermeture administrative et celles de moins de 250 salariés travaillant dans les secteurs du tourisme, de l'hôtellerie, de la culture, du sport et de l'événementiel. Tous les acteurs économiques que j'ai auditionnés reconnaissent que le geste est significatif, mais ils le jugent encore insuffisant.
Le Gouvernement en a lui-même tellement conscience qu'hier, devant les commissions des finances et des affaires sociales, Gérald Darmanin a présenté une extension du périmètre des exonérations en distinguant trois catégories.
Toutes les entreprises de moins de 250 salariés dans les secteurs très touchés par la crise, qui ont été dans l'impossibilité de fonctionner par décision administrative ou par conséquence d'une décision administrative – hôtellerie, restauration, sports, culture, tourisme, arts et spectacles – seront exonérées de cotisations patronales pour les mois de mars à juin, qu'elles aient ou non demandé un report de charges, et bénéficieront d'un crédit d'impôt de cotisations pour les cotisations salariales – celles-ci ne seront pas annulées, car elles ouvrent des droits, mais le chef d'entreprise pourra les utiliser pour payer des cotisations futures.
Bénéficieront aussi de la mesure les entreprises de moins de 10 salariés ayant été frappées par une fermeture administrative.
La dernière catégorie est constituée des entreprises dont le ministre a dit que « le chiffre d'affaires n'a pas été formidable » – reste à préciser ce qu'est un tel chiffre d'affaires. Pour celles-ci, « Les décisions d'annulation des charges patronales seront prises au cas par cas […] par les URSSAF, sans condition de nombre de salariés ou de type d'entreprise ».
Le montant annoncé des exonérations est de 3,5 milliards d'euros, ces nouvelles dispositions devant être introduites dans le prochain projet de loi de finances rectificative. Je vous propose de gagner du temps en adoptant la présente proposition de loi.
Cette extension est la bienvenue. Les annonces précédentes, en n'incluant pas un critère de baisse de chiffre d'affaires et en ne ciblant que les entreprises ayant subi une fermeture administrative, laissaient de côté trop d'entreprises très fragilisées par la crise, dont le chiffre d'affaires a considérablement chuté : des professionnels libéraux qui n'ont pas pu exercer leur activité pendant des semaines sans pour autant avoir fait l'objet d'une décision de fermeture administrative, des petites entreprises qui, travaillant avec celles qui ont été fermées, ont vu disparaître leurs principaux débouchés. C'est le cas des prothésistes dentaires, mais je pourrais vous citer beaucoup d'autres exemples. Toutefois, le spectre des entreprises concernées par l'exonération n'est pas suffisamment précis, le ministre n'ayant pas indiqué la baisse de chiffre d'affaires subie pour en bénéficier.
Au regard des annonces d'hier, la proposition de loi que je présente ici est donc tout à fait pertinente. Je me félicite d'avoir devancé les désirs du ministre et de pouvoir les traduire avec vous dans le cadre de cette proposition de loi qui, je n'en doute pas, sera adoptée par notre commission.
Ce texte tend à annuler les charges sociales et fiscales qui ont fait l'objet de reports du 15 mars au 15 juillet pour les entreprises éligibles au fonds de solidarité. Il propose aussi d'annuler la contribution à l'audiovisuel public pour ces mêmes entreprises, car elles n'ont pas pu utiliser le matériel visé par cette redevance.
Par amendement, je proposerai également d'aller plus loin que la proposition du Gouvernement, en adoptant une exonération de charges sociales, mais aussi fiscales, pour les entreprises de moins de 250 salariés des secteurs déjà cités – tourisme, événementiel, hôtellerie, restauration, sports et culture.
L'article 1er cible les entreprises éligibles au fonds de solidarité. Au 12 mai dernier près de 1,4 million en avaient bénéficié. Pour être certain de n'en oublier aucune, j'ai préféré viser les entreprises éligibles plutôt que bénéficiaires, un critère qui permet de toucher les entreprises de moins de 10 salariés ayant connu une baisse de chiffre d'affaires d'au moins 50 %.
Une exonération qui s'appliquerait à ces entreprises serait déjà satisfaisante. Je souhaiterais cependant que les critères pour bénéficier du fonds de solidarité puissent être élargis aux entreprises de moins de 20 salariés dont le chiffre d'affaires est inférieur à 2 millions d'euros. Cette disposition ne figure pas dans la proposition de loi, mais je pense que le Gouvernement devrait avancer sur ce point. La barre des 10 salariés et du million d'euros de chiffre d'affaires est trop basse : elle a été relevée pour certains secteurs, mais elle devrait l'être pour leur ensemble si l'on veut vraiment que le fonds de solidarité soit efficace et accompagne les petites entreprises dans cette période particulièrement difficile pour elles.
Le critère d'éligibilité au fonds de solidarité a le mérite de la clarté et l'avantage de sélectionner les entreprises les plus fragiles. L'ensemble des cotisations sociales, salariales comme patronales, et les impôts directs reportés – impôt sur les sociétés, taxe sur les salaires, cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) – sont concernés par l'exonération proposée.
Enfin, l'amendement proposé reprend les annonces de Gérald Darmanin, en ajoutant une exonération d'impôts directs pour les entreprises de moins de 250 salariés dans les secteurs déjà cités.
Pourquoi ces exonérations ?
En cette deuxième étape de la crise, il faut à tout prix accompagner les entreprises qui sont dans un état de fragilité extrême. On aurait dépensé beaucoup d'argent pour rien à les sauver pendant le confinement pour les laisser disparaître lors du déconfinement. La reprise est une période particulièrement difficile pour certaines de ces entreprises, dont le chiffre d'affaires baisse du fait des dépenses supplémentaires liées aux contraintes sanitaires qu'on leur impose. Par ailleurs, elles vont devoir rembourser les loyers qui ont été reportés ainsi que les prêts qu'elles auront contractés. Si à cela s'ajoute le paiement des cotisations sociales et fiscales, elles vont se retrouver face à un mur : beaucoup mettront la clé sous la porte et de nombreux emplois seront perdus.
Le sens de cette proposition de loi est donc de tout faire pour accompagner ces entreprises dans la période de reprise, en attendant la relance, et de faire en sorte que celles qui ont été sauvées pendant le confinement ne disparaissent pas au cours du déconfinement.