Intervention de Laurent Saint-Martin

Réunion du mercredi 3 juin 2020 à 10h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Saint-Martin, rapporteur général :

Votre proposition de loi nous permet de prolonger des débats absolument nécessaires sur la façon dont la puissance publique doit continuer à accompagner les entreprises touchées par la crise, et notamment les plus petites d'entre elles.

La bonne question, vous l'avez posée à la fin de votre intervention : que faire lorsque, dans l'étape du déconfinement, l'État doit se retirer par endroits, rester très présent dans d'autres, tout en préparant la relance ? La séquence qui débute est très risquée. Sachant que certains secteurs vont connaître des pertes d'emplois, il va falloir installer autant que faire se peut des amortisseurs, tout en préparant la suite en investissant dans les bons endroits et en actionnant les leviers publics pour aider les filières à redémarrer demain avec de nouvelles stratégies.

L'idée d'annuler les charges sociales, et dans certains cas les charges fiscales, n'est pas mauvaise, mais il faut la cibler. Les entreprises qui ont utilisé le report de charges proposé par le Gouvernement dès le début pour tout le monde, qui ont pu faire payer une partie importante des salaires de leurs employés par l'État et qui ont bénéficié du fonds de solidarité, ont « bien » traversé la crise. En général, ce sont celles qui ont pu réduire leurs charges facilement, qui avaient une réserve de trésorerie et qui ont utilisé l'activité partielle. Pour ces entreprises-là, compte tenu de la responsabilité du législateur de veiller aux comptes publics, il n'est pas nécessaire d'annuler les charges.

Vous ciblez les entreprises éligibles au fonds de solidarité. Or ce ne sont pas nécessairement celles qui sont les plus fragilisées. Certaines, très petites, ont pu connaître une forte baisse de chiffre d'affaires entre mars 2019 et mars 2020, par exemple, mais absorber largement leurs charges simplement grâce au fonds de solidarité. En revanche, dans les secteurs où la fermeture administrative a été totale et a trop duré, par exemple dans l'hôtellerie-restauration, il est nécessaire de faire un geste supplémentaire et d'annuler des charges, ce qu'a proposé le Gouvernement. Pour ces secteurs-là, vous proposez d'aller plus loin en exonérant de charges sociales et fiscales toutes les entreprises de moins de 250 salariés.

Il faut faire attention à cibler les bons secteurs. À cet égard, votre critère d'éligibilité au fonds de solidarité m'interpelle. Certes, il a le mérite d'être objectif et binaire ; en revanche, les modalités d'obtention ont beaucoup varié dans le temps, notamment grâce au travail parlementaire ; les critères d'éligibilité ont été – heureusement – élargis, et les régions s'y sont également impliquées : cela justifie que votre proposition soit précisée.

Quoi qu'il en soit, vous excluez de fait toutes les entreprises qui ne sont pas éligibles au fonds de solidarité, c'est-à-dire toutes les PME. Or j'ai l'intuition – je peux me tromper – que ce sont les petites PME, et non les grosses TPE, qui sont les plus fragilisées, et il me semble que, si annulation il y a, cela devrait surtout concerner les entreprises d'une quinzaine ou d'une vingtaine de salariés, qui ont certes bénéficié de reports de charges mais n'ont pas bénéficié du fonds.

Comme je l'ai dit précédemment à Brigitte Kuster, je ne me permettrais pas de dire que les annonces du Gouvernement sont, par définition, bonnes et que vos propositions sont mauvaises ; ce n'est d'ailleurs pas ce que je pense. Permettez-moi, en revanche, de rappeler toutes les mesures mises en place dans les secteurs les plus fragilisés, dans le cadre notamment du plan de relance pour l'hôtellerie, la restauration et le tourisme : au-delà des exonérations de cotisations sociales que vous avez mentionnées, il y a le crédit de cotisation égal à 20 % des salaires versés depuis février, l'étalement du paiement des charges sur trois ans pour les entreprises de taille intermédiaire (ETI), l'allègement de la contribution foncière des entreprises (CFE) et de la taxe de séjour, la prolongation et le renforcement significatif du fonds de solidarité autant que de besoin, ou encore l'adaptation du prêt garanti par l'État avec le PGE saisonnier.

En définitive, l'exonération totale de charges pour les entreprises bénéficiaires du fonds de solidarité laisse les PME hors du dispositif mais, lorsque vous proposez d'élargir ce dernier par amendement aux PME de moins de 250 salariés, il devient redondant par rapport à tout ce qui a déjà été fait, sans être plus efficace. Cela étant, un certain nombre de vos propositions vont dans le bon sens.

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