Intervention de Laurent Saint-Martin

Réunion du mercredi 10 juin 2020 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Saint-Martin, rapporteur général :

Je préfère que nous ayons des débats sur la fiscalité dans le cadre de propositions de loi comme celle-ci plutôt qu'à l'occasion des projets de loi de finances rectificative, dont ce n'est pas l'objet.

Je vous remercie de nous présenter ce texte même si je n'en partage pas le fond ; mais il n'est jamais vain de réfléchir à ce que doit être la justice fiscale et aux moyens de l'améliorer. En revanche, un tel débat ne saurait se résumer à la question de savoir s'il faut réintroduire ou non d'anciens outils et à des arbitrages sur les taux et les assiettes les plus appropriés. C'est là que nous divergeons.

La fiscalité, c'est aussi une question de trajectoire, de stabilité, de cohérence et de confiance entre les contribuables – particuliers et entreprises – et l'État. Et ce que je redoute le plus, c'est l'effet « essuie-glaces », particulièrement contre-productif. Défaire ce qui a été fait deux ans auparavant est le pire signal que l'on puisse envoyer au contribuable, qui a besoin de savoir comment il sera taxé demain, pour pouvoir investir et consommer en conséquence. La stabilité est essentielle.

Mais surtout, sur le fond, je suis en désaccord avec votre constat. On a trop tendance, au Parlement comme dans cette commission, à ne réfléchir à la fiscalité qu'en termes de taux, oubliant la dynamique de l'assiette. Ainsi, vous proposez de supprimer le PFU pour rétablir le barème progressif de l'IR tel qu'il existait avant 2017 ; or il se trouve que le PFU a rapporté davantage que le régime précédent, parce que l'assiette s'est élargie du fait d'une plus importante remontée de dividendes et d'investissements plus conséquents. Supprimer le PFU est donc une double erreur, en termes de message envoyé à ceux qui font la richesse de notre pays, mais aussi en termes de finances publiques.

Cela étant, ne voyez-vous pas une incohérence dans le fait de rétablir un impôt dont vous avez beaucoup critiqué l'assiette, affirmant notamment que l'ISF n'était ni efficace ni correctement ciblé, qu'il était l'impôt des millionnaires et non des milliardaires ?

L'article 3 se réfère à une contribution exceptionnelle : s'agit-il d'une contribution destinée à combler le déficit lié au Covid-19, ou avez-vous en tête de l'intégrer à terme dans un barème de l'IR, ce qui serait assez conforme à vos propos ?

Il faut donc que nous ayons un vrai débat sur la dynamique de notre fiscalité, qui reste, malgré les mesures que nous avons prises depuis trois ans, une des plus lourdes du monde. Elle permet certes de financer des dépenses et des services publics, mais une remontée des prélèvements obligatoires ne serait en aucun cas un bon signal face à la crise.

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