Vos propos montrent une incertitude majeure. L'insoutenabilité de la situation est le sujet de ce troisième PLFR et du futur projet de loi de finances pour 2021 qui sera discuté à l'automne.
L'OCDE table sur une récession entre 11 et 14 % pour la France. 11 %, c'était du jamais vu ; 14 %, ce serait colossal. Je ne suis pas de nature pessimiste, mais il n'empêche que la situation peut avoir des conséquences catastrophiques sur notre économie.
Le déficit prévisionnel, d'une ampleur comparable à la récession, n'intègre pas certaines mesures de trésorerie comme le prêt garanti par l'État (PGE). Elles sont comptabilisées dans les plans que l'on accumule mais n'ont pas d'impact direct sur les finances publiques ; mais elles pourraient en avoir un en cas de défaillances de remboursement ; or il y en aura, même si personne ne le souhaite, et il serait bon d'essayer au moins de les mesurer.
Les mesures budgétaires égrenées dans les plans quasiment hebdomadaires qui nous sont présentés – dont celui en faveur de l'aéronautique, annoncé hier – ne sont pas intégrées, dites-vous, dans les dépenses que vous avez prises en compte.
Les reports d'échéances, notamment sociales, sont évidemment intégrés comme des mesures de trésorerie ; elles n'ont donc pas nécessairement d'incidence. En revanche, les exonérations qui leur succéderont, au profit du secteur touristique par exemple, ou des petites entreprises, ne le sont probablement pas non plus, en tout cas pas en totalité.
La notion de PIB potentiel n'est pas du tout négligeable. Vous avez raison de dire qu'avec un PIB potentiel qui équivaut à peu près au PIB réel d'avant la crise, nous abordons la situation dans une faiblesse relative par rapport aux autres pays. Ce n'est vraiment pas suffisant pour reprendre la main et revenir au niveau de la fin du mois de février. Les risques sont importants et ne sont pas conjoncturels. La probabilité d'un PIB potentiel plus faible est au moins implicite dans vos propos.
Vous avez parlé de possibles pertes de capital humain entraînées par la hausse du chômage. Ce risque du chômage a pour nous tous un effet proprement terrorisant. Nous avions déjà un chômage de masse : il sera encore plus massif, ce qui est socialement inacceptable.
J'espère que la baisse de la productivité est ponctuelle. Toutefois, les conditions de travail actuelles ne concourent pas à ce qu'elle se rétablisse rapidement. La consommation était tellement basse qu'elle ne peut que rebondir ; mais la reprise de l'investissement sera plus lente. La notion de PIB potentiel est fondamentale, en ce qu'elle déterminera notre capacité à revenir plus vite que le fil de l'eau pour retrouver un niveau de croissance satisfaisant.
S'agissant des engagements européens, je partage votre opinion. Pour le moment, ils sont suspendus – je ne vois pas comment on pourrait faire autrement. En tout cas, on a atteint les limites du système de Maastricht, ce qui ne veut pas dire qu'on a atteint les limites d'un système de discipline collective dès lors qu'on partage la même monnaie. Il faut essayer de remettre les choses à un niveau de réalité qui ne soit pas fictif, notamment en ce qui concerne la dette.