Nous n'avons jamais caché la vérité aux Français face à la brutalité du choc subi par notre économie – l'OCDE prévoit pour la France une récession de 11 % en 2020. Son intensité, analogue à la Grande dépression de 1929, appelait une réponse massive, immédiate et efficace : c'est ce que nous avons fait en mettant sur la table 460 milliards d'euros, soit 20 % de notre richesse nationale, volume comparable à ceux mobilisés par nos voisins européens.
Maintenant que l'économie redémarre, il faut apporter de nouvelles réponses.
Le premier volet du PLFR est sous-tendu par la volonté de concentrer les moyens sur les secteurs les plus touchés : tourisme, hôtellerie, restauration, événementiel, sport, culture, bâtiment, commerce de proximité, entreprises technologiques et start-up – pour lesquelles est prévu un fonds d'investissement de 1,3 milliard d'euros –, industries automobile et aéronautique.
Nous avons écarté toute réduction de la TVA, contrairement à l'Allemagne qui a opté pour une baisse temporaire facilitée par un taux moyen plus élevé que le nôtre. La valeur ajoutée importée représentant en France 72 % de la valeur ajoutée consommée totale, toute baisse générale reviendrait à financer les économies étrangères.
Il s'agit d'abord de soutenir la demande à travers des mesures ciblées et efficaces. Celles destinées au secteur automobile, applicables à compter du 1er juin avec effet rétroactif – bonus pour les véhicules électriques et, pour la première fois, pour les véhicules rechargeables, prime à la conversion – ont permis un quasi-retour à la normale par rapport à juin 2019 alors qu'en avril, les achats n'atteignaient que 10 % de ceux d'avril 2019. Grâce au plan aéronautique, nous avons sécurisé les commandes des compagnies aériennes en renforçant les garanties à l'exportation et les reports de crédits afin d'éviter les annulations de commandes. Dans le secteur du bâtiment, nous ferons en sorte de compenser les surcoûts liés aux mesures de sécurité sanitaire.
Il s'agit ensuite d'améliorer l'offre, seule politique à même de donner des résultats durables et qui s'inscrit dans la continuité de notre action depuis trois ans. Le risque pour notre pays est de sortir de la crise avec une croissance potentielle plus faible. La crise détruit du capital humain avec les licenciements, du capital physique avec les faillites, du capital intellectuel avec le renoncement à l'innovation et la recherche. Si nous maintenons des financements forts sur l'innovation, la formation, la qualification, les nouvelles technologies, nous laisserons aux générations futures une France plus forte et plus prospère. Plutôt que de financer une prime à la casse, nous faisons ainsi le choix de consacrer 1,5 milliard d'euros au Conseil pour la recherche aéronautique civile (CORAC) pour développer les recherches sur l'avion décarboné à l'horizon 2035 et rivaliser avec la Chine et les États-Unis. Cette politique de l'offre s'appuie sur des fonds d'investissement dans les filières aéronautique et automobile ainsi que pour les entreprises technologiques. Elle passe aussi par des financements directs pour la numérisation et la robotisation de nos PME, qui accusent beaucoup de retard en la matière par rapport aux entreprises étrangères, et par des mesures d'encouragement à l'innovation.
Le deuxième volet consiste à soutenir l'emploi et à prévoir l'accueil des jeunes sur le marché du travail à la rentrée à travers des mesures massives en faveur de l'apprentissage. Le basculement du chômage partiel vers une activité partielle de longue durée interviendra dans les jours qui viennent. Ce dispositif, d'importance, nous permettra d'éviter des licenciements de masse. Olivier Blanchard a raison de dire qu'il faut faire preuve d'audace et d'originalité en cette période.
Le troisième volet repose sur les mesures européennes décidées le 9 avril dernier entre ministres des finances. N'ont été définitivement adoptés que le mécanisme européen de stabilité pour 240 milliards d'euros, le dispositif SURE ( Support to mitigate Unemployment Risks in an Emergency ) de financement du chômage partiel et le fonds de garantie de la Banque européenne d'investissement (BEI), avec 40 milliards d'euros de prêts supplémentaires pour les entreprises les plus technologiquement avancées. Le plan de relance proposé par la Commission et inspiré par Angela Merkel et Emmanuel Macron doit encore passer devant le Conseil européen. C'est seulement lorsqu'il sera adopté que la France pourra bénéficier des mesures financières qu'il contient, pour un montant sans doute supérieur à 30 milliards d'euros.
Pour la dernière phase, le plan de relance nationale financé par des moyens à la fois européens et nationaux, l'objectif restera le même : construire un modèle économique fondé sur la compétitivité et la décarbonation.