Intervention de Bruno le Maire

Réunion du mercredi 10 juin 2020 à 13h45
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Bruno le Maire, ministre de l'économie et des finances :

La diminution de 11 % du PIB est conforme à l'estimation de l'OCDE ; l'hypothèse d'une baisse de 14 % correspond au scénario noir d'une reprise de l'épidémie à la rentrée. La dégradation observée depuis le deuxième PLFR s'explique par le caractère strict du confinement, qui a eu, de ce fait, un impact particulièrement violent sur l'économie.

Je veux insister sur la réactivité du Gouvernement, en rappelant le calendrier de nos décisions : le 25 février, à Athènes, j'ai indiqué que la crise serait comparable à celle de 1929 ; le 6 mars, j'ai adressé au Président de la République une note dans laquelle je souligne la nécessité d'élaborer une réponse massive ; enfin, trois projets de loi de finances rectificative vous ont été soumis, respectivement le 18 mars, le 15 avril et le 10 juin. En matière économique et financière, la réponse des autorités françaises a donc été immédiate et à la hauteur des enjeux. Jamais, je n'ai caché la gravité de la situation économique aux Français.

Notre stratégie économique, la même depuis le premier jour, consiste à amortir le choc – 88 milliards d'euros, soit le double du montant versé en Allemagne, ont déjà été attribués au titre du PGE –, à accompagner les secteurs les plus en difficulté et à relancer notre économie en mettant l'accent sur sa compétitivité et sa décarbonation. Et nous serons d'autant plus compétitifs que nous aurons investi dans la décarbonation, car celle-ci nous oblige à trouver des solutions technologiques nouvelles. Nous pourrions opter pour la solution de facilité en recourant à l'énergie fossile, mais nous le paierions économiquement très cher dans cinq ou dix ans, sans parler de la réaction des Français qui ne l'accepteraient pas.

Nous assumons le choix de sauver notre économie en augmentant massivement la dette publique. Celle-ci devra être remboursée ; ceux qui prétendent le contraire trompent les Français. Je pense que ce remboursement devra intervenir après le retour de la croissance. Telle est notre stratégie : nous investissons beaucoup d'argent public pour relancer la croissance, afin que celle-ci finance ensuite le désendettement. Nous excluons ainsi toute augmentation d'impôt. Non seulement une telle augmentation est difficilement défendable dans le pays dont le taux de prélèvements obligatoires est l'un des plus élevés de l'OCDE, mais si l'on augmentait un impôt, quel qu'il soit, sur des ménages, quels qu'ils soient, tous les autres, redoutant d'être touchés à leur tour, épargneraient au lieu de consommer. Or, la consommation est nécessaire à la relance.

Nous estimons que, d'ici à quelques mois, 800 000 emplois, soit 2,8 % de l'emploi total, seront supprimés. Le choc est considérable, mais il est n'est pas comparable à la baisse de l'activité, qui est de 11 %. De fait, nous nous employons à l'amortir, grâce à l'activité partielle et au financement de l'aide à l'apprentissage. Certains proposent de baisser davantage les charges sur l'emploi des jeunes. Toute proposition visant à soutenir l'emploi et à accompagner ceux qui sont le plus en difficulté est la bienvenue. Il nous faudra, en effet, cibler certaines aides sur les plus démunis, les moins qualifiés, les jeunes qui arrivent sur le marché du travail ou les plus de cinquante ans qui seront licenciés sans perspective, car ils sont les plus exposés. C'est à eux qu'il faut tendre la main en priorité et, croyez-moi, c'est une des urgences du Gouvernement.

Le plan de soutien à l'aéronautique sera complété par un volet consacré à la commande publique. Ce n'est pas parce que des commandes anticipées d'A300M ont été annoncées par la ministre des armées que d'autres commandes publiques ne seront pas possibles dans les mois à venir.

Parmi les mesures autres que générales figurent précisément les commandes publiques, des aides budgétaires directes en faveur de la digitalisation et de la robotisation des PME, des mesures en faveur de l'investissement en fonds propres des PME ainsi que des investissements dans l'innovation.

La dette des entreprises sera l'une des grandes questions économiques et financières de la sortie de crise. Les prêts garantis par l'État, dont le montant sera de l'ordre de 100 milliards d'euros, ne seront remboursés qu'à partir du printemps 2021, mais nous devons nous assurer que la crise de trésorerie ne se transforme pas en crise de solvabilité. La dette des entreprises devra être remboursée. Peut-on transformer les PGE en fonds propres ? Je suis ouvert à cette solution, mais il ne faut pas entretenir l'illusion que l'État pourrait à lui seul récupérer cette dette et devenir ainsi le principal actionnaire de dizaines de milliers d'entreprises. Cet investissement à l'aveugle serait un mauvais usage de l'argent des Français. Le secteur privé, notamment les banques, devra donc, le cas échéant, être inclus dans le dispositif.

Enfin, le monde d'après ne sera pas le monde d'avant : dans les plans de relance, priorité est donnée à l'emploi et à la décarbonation.

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