Beaucoup d'interventions livrent une opinion directe sur la bonne solution à apporter et je crois que c'est bien l'objet de ce débat.
La difficulté de la question des impôts de production tient aux nombreuses variables à prendre en compte : la compétitivité des entreprises, le service public rendu par les collectivités, voire, au-delà du service rendu, le lien entre collectivités et entreprises, et la question du financement. Ces trois variables font que, plus que jamais, gouverner c'est choisir. Ce qui guide mon choix s'agissant de la proposition de baisse de la CVAE, c'est le calendrier et l'efficacité de la relance. Je n'ai pas la prétention, avec cette proposition, de remettre à plat l'architecture globale des impôts de production. Il faudra le faire, plus tard. Toutefois, ce qui s'annonce à partir du mois de septembre dans notre pays est très violent. Nous devons préparer nos entreprises à être plus compétitives, à savoir exporter vite et à se relever plus rapidement que lors de la dernière crise. Pour cela, les outils doivent être les plus efficaces possible. Je crois qu'il faut accepter une certaine hiérarchie des priorités dans ce débat. J'assume clairement la priorité suivante : que nos entreprises sauvent un maximum d'emplois, reprennent une activité la plus dynamique possible, redeviennent rentables le plus rapidement possible pour investir et, demain, recréer de l'emploi, gagner des marchés à l'international, etc.
Si cela doit primer sur la relation entre les collectivités territoriales et les entreprises, c'est un choix que je suis prêt à assumer. Si cela doit primer sur l'équilibre du budget de l'État en 2021, je suis prêt à l'assumer également, en tant que rapporteur général du budget. La priorité numéro un est, pour moi, l'emploi. Si l'on met tout sur le même plan, on risque un certain immobilisme, une certaine timidité dans l'action, et on se retrouvera avec toujours ce fameux 3,1 % d'impôts de production sans avoir changé la donne s'agissant de la capacité de nos entreprises à être plus légères et surtout à être taxées le plus justement possible – c'est-à-dire au plus bas possible du compte de résultat.
La fiscalité des entreprises est une réponse à la crise. Bien sûr, ce n'est pas la seule : le plan de relance est bien plus large que cela. La demande est également un sujet, de même que les grands investissements de demain. Mais la fiscalité de nos entreprises est une problématique du plan de relance.
Plus que le versement mobilité, la CVAE est, je crois, l'outil le plus efficace. Cela n'évacue pas le sujet des entreprises qui payent un versement mobilité alors qu'elles n'ont pas un seul salarié qui utilise les transports en commun. Il y a une difficulté et il faudra avoir ce débat. Oui, monsieur Grau, il faut envisager de remettre à plat l'architecture globale de la fiscalité de l'offre et le lien avec les collectivités territoriales. Vous avez raison de dire que l'exemple allemand n'est pas comparable à la CVAE. C'est une assiette sur le bénéfice. Même si l'Italie a une taxe assez proche, la CVAE est une spécificité française. Il en va de même pour la C3S, « impôt débile », pour reprendre les termes de Charles de Courson, mais dont la suppression n'est plus, je crois, la priorité pour répondre à la sortie de crise.
La question du financement de cette enveloppe de dix milliards d'euros est importante. Vous ne m'entendrez jamais dire qu'elle ne l'est pas. Je vous confirme ma volonté, en tant que rapporteur, qu'elle ne soit pas compensée par une hausse de TVA ou de fiscalité quelle qu'elle soit. Ce sera une baisse assumée de recettes pour le budget de l'État. Le plan de relance va ainsi comporter plusieurs investissements, plusieurs dépenses budgétaires et un manque à gagner fiscal.
La manière de financer ce plan de relance n'est pas l'objet de notre discussion ce matin. C'était plutôt l'objet de notre discussion précédente sur la dette publique. Oui, nous nous endettons pour répondre à la crise. Ces dix milliards d'euros font partie du plan de relance. Ils sont à mon sens un investissement et non un cadeau aux entreprises ou une perte. Ils permettront de retrouver des entreprises plus compétitives, qui auront à l'avenir une meilleure croissance, et cela générera des rentrées fiscales. On ne peut pas savoir, sur les dix milliards de manque à gagner en 2021, combien de rentrées fiscales cela générera pour les caisses de l'État et à quel rythme, mais il faut garder cette dynamique à l'esprit afin de rendre nos entreprises beaucoup plus agiles et surtout leur permettre de se tourner vers l'export – car ce sont des impôts qui grèvent la capacité à peser à l'international. Les efforts en la matière, déployés par la Team France Export et tous les outils publics existant en la matière, doivent être colossaux. La transition écologique et l'export doivent être nos deux obsessions permanentes.
Monsieur Cazeneuve, je souscris à vos propos sur la compensation intégrale, dynamique et garantie dans le temps. Il y a probablement des garanties et des réassurances à donner aux collectivités, aux régions en particulier, sur la compensation par une fraction de TVA. Cela ne me pose aucun problème de principe.
M. Jean-Paul Mattei a abordé à juste titre la question des services et investissements locaux. Il ne faut pas tuer la volonté d'investissement de nos collectivités parce qu'il y aurait une modification de la fiscalité locale. Quand vous bénéficiez d'une fraction de TVA, vous bénéficiez aussi de la dynamique économique et vous avez aussi intérêt à investir sur votre territoire pour que les entreprises puissent se développer. Je ne crois pas que ce nouveau schéma mettrait les exécutifs locaux dans une position où ils se diraient qu'il y a moins besoin d'investir pour le développement économique de leurs régions ; car je crois que la responsabilité pour la reprise de notre économie est collective. La modification de la fiscalité affectée ne casserait pas, selon moi, la dynamique locale favorable à l'activité économique.
Je le répète, c'est ici que la CVAE se vote. C'est l'aspect pratique de cette solution. La question se pose de la mise en place de taux différenciés en fonction, par exemple, du caractère exportateur de tel ou tel secteur, mais cela me semble compliqué. J'aimerais que l'on y parvienne mais cela pose des questions d'égalité devant l'impôt.
Madame Pires Beaune, je ne manquerai pas de lire la note de l'association des communautés de France de 2019. Le RALF sera normalement publié demain – d'ici la fin de semaine en tout état de cause. J'attire votre attention sur le fait que l'administration fiscale n'a pas pu répondre à toutes mes questions en temps et en heure. Les réponses pourront être complétées au fur et à mesure et j'en informerai la commission des finances. S'agissant du crédit d'impôt recherche, le RALF ne porte que sur l'application des lois votées en n-1, en l'occurrence en 2019. Je ne suis pas sûr que nous ayons les données et le recul s'agissant du CIR cette année. Si vous voulez que nous travaillions ensemble sur ce sujet à mesure que les données seront disponibles, notamment sur les clauses anti-abus et les dispositions qui ont été votées, je suis à votre disposition.
Monsieur Jolivet, vous évoquez les charges salariales : il s'agit d'un sujet complémentaire sur lequel nous sommes allés et continuons d'aller assez loin, par exemple en matière d'emploi des jeunes. S'agira-t-il en l'espèce d'un mécanisme de prime ou de diminution de cotisation ? Cela dépend des intérêts et inconvénients respectifs de chacune des solutions. Nous avons abaissé les charges sociales des entreprises à un niveau standard de compétitivité. Désormais, il faut supprimer certaines spécificités françaises qui empêchent nos entreprises d'être agiles.
Madame Dupont, j'assume le fait qu'il s'agit d'une baisse d'impôts pour les entreprises.