Je salue à mon tour l'excellent rapport de Marc Le Fur. La réforme proposée permet de faire disparaître les « irritants politiques » – selon l'expression d'un fonctionnaire du Trésor auditionné par notre commission le 12 février dernier –, c'est-à-dire tous les symboles hérités du contexte colonial. Toutefois, sur le fond, l'accord monétaire est inchangé, avec une garantie de la parité, couverte en cas de besoin par la France.
Ma première question porte sur la gouvernance. Une personnalité qualifiée doit être nommée au comité de politique monétaire, en concertation avec le Président de la République française. Un profil particulier a-t-il déjà été retenu, monsieur le rapporteur pour avis ? S'agira-t-il d'un universitaire, français ou européen, ou encore d'un fonctionnaire ? Il faut se garder d'adresser un mauvais signal, qui donnerait l'impression de rétablir d'une manière subreptice une forme de tutelle. En Afrique de l'Ouest, il y a de très bons connaisseurs des échanges avec la zone euro, qui sont en mesure d'apporter, en toute indépendance, l'expertise dont la BCEAO aura besoin.
Sur le plan technique, se pose le problème, que vous avez évoqué tout à l'heure, de la rémunération – voire de la sur-rémunération – des sommes déposées chez nous par les pays africains. Les montants en jeu sont très importants ; ils couvrent une bonne partie des charges de fonctionnement des banques centrales. Une fois l'accord entré en vigueur, la rémunération des dépôts n'existera plus. Monsieur le rapporteur pour avis, vous êtes-vous enquis auprès des responsables de la BCEAO de la façon dont ils vont faire face à cette baisse brutale de leurs ressources ? La France envisage-t-elle de la compenser ? En 2005, une précédente réforme avait réduit de 65 % à 50 % la part des réserves qui devait être centralisée. Or cela s'était traduit par la mise en place d'une compensation abondée par le budget de l'État. En sera-t-il de même dans le projet de loi de finances pour 2021 ? Le système bancaire africain, en termes de capacité de centralisation, ne présente pas les mêmes garanties que le système européen : dans un contexte de crise politique, les États en question pourraient se trouver déstabilisés.
Les banques centrales des zones franc CFA sont les principaux clients de la Banque de France, hors zone euro, pour la fabrication de billets. Celle-ci représente, par exemple, plus de 50 % de l'activité de l'imprimerie de Chamalières. Les dépenses d'entretien de la circulation fiduciaire, c'est-à-dire l'achat de billets de banque – fabriqués chez nous –, leur transport et leur assurance, s'élèvent à 45 millions d'euros par an environ pour la BCEAO. Certes, les économies africaines accélèrent leur transition numérique, mais le besoin de papier existe toujours. Force est de constater que, soixante ans après les indépendances, nous ne sommes toujours pas en mesure de faire en sorte que les banques centrales africaines des zones franc CFA ne dépendent pas d'un approvisionnement extérieur. C'est un comble : ce sont leurs pays qui exportent le coton qui constitue la matière première des billets de banque que nous produisons pour eux ! Le préambule de l'accord que nous examinons prévoit un changement de nom : on peut en déduire qu'il faudra, à brève échéance, émettre de nouveaux billets de banque portant la nouvelle dénomination. Ne pensez-vous pas, monsieur le rapporteur pour avis, que c'est l'occasion de revoir rapidement les accords opérationnels avec la BCEAO, afin d'assurer un véritable transfert de compétences ?
Enfin, est-il vraiment réaliste de continuer à considérer, en 2020, que la parité fixe par rapport à l'euro est adaptée en toutes circonstances aux besoins d'États d'Afrique de l'Ouest dont l'économie et la démographie diffèrent totalement de celles de la zone euro ?