Meridiam est, en effet, méconnu et il est légitime qu'il suscite des questionnements dans le cadre de ce projet pour Suez Eau France.
J'ai fondé Meridiam il y a quinze ans, convaincu qu'un outil d'investissement de très long terme était nécessaire pour investir dans les territoires, avec les parties prenantes et les élus. Je l'ai fait après une longue carrière d'ingénieur des ponts et chaussées au service du bien public, au sein de la Caisse des dépôts et consignations (CDC), en qualité de maître d'ouvrage, de maître d'œuvre et d'opérateur de services publics de transport. J'avais fait mes débuts dans le groupe Lyonnaise des eaux, non en tant que financier mais comme constructeur de stations de traitement.
Depuis sa création, Meridiam a investi plus de 65 milliards d'euros dans le monde et opère dans les secteurs de la mobilité des biens et des personnes, de l'environnement, de la transition écologique et des équipements publics sociaux tels que les hôpitaux. Il fonctionne grâce à une équipe de 300 personnes, cinq à six fois plus nombreuse que celles employées dans les fonds d'investissement classiques. La société a mené à bien des opérations avec des entreprises de tailles différentes, affichant des chiffres d'affaires allant de 20 millions d'euros à 8 milliards, et employant des centaines ou des milliers de personnes, comme l'aéroport de LaGuardia à New York qui en compte environ 5 000.
En France, nous avons investi et nous continuons d'opérer plus de 12 milliards d'euros dans des entreprises et dans des grands projets, tels le Vélodrome national de Saint-Quentin-en-Yvelines, le port de Calais, les lignes à grande vitesse Tours-Bordeaux et Nîmes-Montpellier, la rocade L2 permettant le désenclavement des quartiers Nord de Marseille, mais aussi dans des projets au plus près des collectivités et des agriculteurs.
Nous formons également, à travers la société Evergaz, dont nous accompagnons le développement depuis plusieurs années, notamment en Allemagne, le premier réseau de production et de services de méthanisation territorial en France.
Pour ne prendre que deux exemples en Europe, Meridiam est l'actionnaire unique d'Allego, société opérateur leader dans la recharge de véhicules électriques auprès des collectivités, aux côtés de la Banque européenne d'investissement (BEI). Nous sommes également l'actionnaire majoritaire du réseau de tramway de Florence, que nous continuons de développer au travers d'investissements annuels à hauteur de 200 millions d'euros.
Meridiam est une société à missions, un acteur engagé dans le développement durable. Nous avons ainsi investi plus d'un milliard d'euros dans la transition énergétique depuis notre participation active à la COP21, en 2015 et 2016.
Forts de cette expérience, nous voulons un projet ambitieux pour Suez Eau France, centré sur la transparence du service aux collectivités, des avantages partagés avec les parties prenantes et la gestion de la ressource en eau, principale préoccupation des élus. Nos engagements pour ce projet industriel visent d'abord à construire un acteur national différencié dans le secteur de l'eau, mais également un champion mondial pouvant s'inscrire dans la stratégie nationale pour l'eau et l'environnement défendue avec force par la France depuis la COP21.
Le climat représente un enjeu essentiel pour le service public de l'eau, qui devra s'adapter. L'urgence est à nos portes, car nous ne sommes pas prêts, et des investissements massifs sont requis. Meridiam s'engage, dans le cadre de ce projet, à ce que l'épargne des Français investie grâce aux investisseurs institutionnels – comme les assureurs, les caisses de retraite ou les mutuelles, qui la collectent et nous la confient – représente 60 % à 70 % du capital de Suez Eau France pendant vingt-cinq ans : nous nous y sommes engagés par écrit.
Ce projet d'acteur national d'excellence nous paraît également beaucoup plus apte à emporter l'adhésion des salariés de Suez Eau France qu'un projet de vente à la découpe à des acteurs étrangers.
Nous croyons dans le secteur de l'eau, qui fait partie de notre mission. Nous préserverons tous les emplois – nous nous engageons même à créer un centre de formation national et à embaucher 1 000 apprentis supplémentaires le plus rapidement possible – ainsi que toutes les compétences, et bâtirons ce projet avec le management de Suez Eau France dont nous avons besoin. Actionnaire investisseur, nous accompagnerons le développement de l'entreprise, avec de vrais moyens mais sans prendre sa place d'opérateur.
Il ne faut pas nous confondre avec les fonds de Leverage Buy Out (LBO) : nous sommes un investisseur de très long terme, patient et non obnubilé par les résultats trimestriels. Nous regardons notre rentabilité sur vingt-cinq ans, avec des taux de 3 % à 5 %. Nous ne sommes pas des spéculateurs en quête de plus-values rapides et de taux de rentabilité de 15 %, comme les fonds de LBO.
Les territoires les plus ruraux auront autant besoin d'investissements et de services de l'eau que les métropoles. Il est donc important que notre vision de rentabilité de long terme n'intègre aucun arbitrage qui se ferait au détriment des premiers et au bénéfice des secondes. Nos projets au service de la transition écologique dans les territoires ruraux, en Mayenne, dans le Morbihan, en Vendée, dans les Deux-Sèvres, à Toulouse ou encore dans les Ardennes, sont les meilleurs témoins de notre attachement au développement des territoires et des services sur l'ensemble du territoire national.
Nous sommes également farouchement opposés à tout endettement excessif que d'autres opérateurs ont pu subir dans le passé. Suez Eau France sera une société souveraine, maîtresse de son destin industriel, précisément parce que nous la soutiendrons au travers de vrais fonds propres de très long terme. Sa dette sera, en conséquence, maintenue à un niveau soutenable selon les critères des agences de notation afin de ne pas obérer ses capacités d'investissement, que nous accroîtrons.
Nous faisons un pari industriel ambitieux en investissant 800 millions d'euros supplémentaires, sur une période de cinq à sept ans, dans l'innovation, le développement technologique, la recherche, le cycle de l'eau et la ressource. Nous conserverons et développerons le Centre international de recherche sur l'eau et l'environnement (CIRSEE), le laboratoire de recherche LyRE de Bordeaux, tous deux centres de recherche renommés, ainsi que les capacités de Degrémont France afin d'assurer aux collectivités une offre pleinement diversifiée répondant à nos défis collectifs sanitaires et de transformation écologique.
Ce qui nous rapproche aujourd'hui de M. Antoine Frérot, c'est la conviction que nous avons chacun un rôle à jouer dans l'industrie de la transformation écologique et dans la protection de la ressource en eau. Nous devons le faire en garantissant une offre diversifiée et compétitive aux collectivités de métropole ainsi qu'en outre-mer où certaines ne disposent d'eau qu'un tiers du temps.
Enfin, face aux inquiétudes que les salariés de Suez peuvent nourrir à l'égard du projet et du changement induit, je veux dire qu'ils pourront compter sur notre détermination et notre ténacité à leurs côtés.