Intervention de Laurent Saint-Martin

Réunion du lundi 28 septembre 2020 à 14h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLaurent Saint-Martin, rapporteur général :

Avant d'aborder les trois messages de votre avis, je souhaite commenter la trajectoire de reprise en racine carrée que vous avez présentée. Si l'on peut y souscrire facilement, plusieurs économistes présentent actuellement une autre courbe, en K, que je trouve assez juste : tandis qu'une partie de l'économie redémarre assez bien et, nous l'espérons, vite et fort grâce au plan de relance, une autre partie subit encore de plein fouet la crise, souvent pour des raisons administratives liées aux conditions sanitaires. Cette courbe en K présente un intérêt : elle oblige les commissaires aux finances que nous sommes à rester très vigilants, pendant que nous discutons du plan de relance pour 2021 et 2022, face aux difficultés économiques qui restent présentes, avec cette branche descendante de la lettre K qu'il faudra toujours soutenir pendant cette crise.

Concernant les trois messages que vous évoquez, le Haut Conseil valide les nouvelles prévisions pour 2020. Vous les considérez prudentes, atteignables, malgré les incertitudes. Il est vrai que celles-ci sont majeures et rendent la prévision économique complexe ; le rebond de l'activité dépend entre autres de la situation sanitaire, qui n'est pas stabilisée – personne ne peut l'anticiper. En plus des risques internes, l'économie française est dépendante des perspectives de reprise économique au sein de l'Union européenne, ainsi qu'à l'international. Ces risques sont un point essentiel de l'analyse du Haut Conseil. Nous devrons discuter du PLF alors que les prévisions restent fragiles ; c'est la particularité de la séquence que nous vivons. Mais, dans ce contexte, votre analyse me paraît tout à fait sérieuse et précieuse.

Je retiens que vous validez les principales hypothèses macroéconomiques pour 2021 présentées par le Gouvernement concernant le rebond de notre activité, l'inflation et l'emploi. Je retiens également que les conséquences qu'en tire le Gouvernement pour les finances publiques vous apparaissent plausibles, pour reprendre votre terminologie. L'estimation du déficit public en 2021 serait atteignable, bien que très dépendante des évolutions sanitaires.

Concernant votre deuxième message portant sur la loi de programmation, j'y souscris totalement : il nous faudra une nouvelle LPFP le plus tôt possible car celle de 2018 est bien évidemment caduque. La question de savoir quand il faut examiner une nouvelle loi de programmation n'est pas simple : il ne faut pas qu'elle intervienne après la crise, vous avez raison, mais elle ne peut pas non plus être votée avant la fin de la crise sanitaire puisque, par définition, elle serait caduque quelques semaines plus tard. La vraie difficulté sera donc de savoir à quel moment nous aurons une visibilité sanitaire suffisante pour envisager un horizon de développement économique relativement sérieux et crédible. Comme vous, je souhaite une LPFP au premier trimestre 2021. Toutefois, si les conditions sanitaires n'étaient pas satisfaisantes à cette période, je préférerais que la LPFP soit examinée un peu plus tard dans l'année. En tout cas, l'exercice est effectivement à renouveler.

Quant à votre inquiétude sur la soutenabilité de l'endettement public de la France, c'est une question qui me tient à cœur. Nous en avions parlé au printemps dernier, avant le PLFR3. Le Parlement devra, avec votre concours, mieux travailler sur l'évolution de la soutenabilité de notre endettement. Nous sommes d'accord avec le président Woerth sur ce point : le Parlement doit se saisir une fois par an au minimum du débat sur la dette. Il faut que nous nous équipions d'indicateurs plus complets que le seul ratio dette sur PIB, devenu caduc en ces temps de crise, l'effet dénominateur d'un PIB en chute rendant l'analyse de tout ratio sur PIB très complexe. Nous devons examiner la dette non seulement selon une trajectoire pluriannuelle, mais aussi de façon qualitative, en tenant compte de la valeur de la signature de la France pour ses créanciers et pour les investisseurs internationaux. C'est en effet extrêmement important pour savoir si notre pari sur la croissance pour financer la reprise de l'activité et le remboursement de notre endettement à long terme est crédible.

La priorité, aujourd'hui, c'est la relance : nous devons profiter du faible coût de la dette pour investir de façon ambitieuse. Mes questions seront d'ordre technique, et auront trait aux missions du Haut Conseil. Concernant la dégradation du PIB potentiel et du solde structurel entre 2020 et 2021, avez-vous pu analyser les fondements de ces hypothèses et par quels canaux la crise agirait sur la dégradation de ces indicateurs ? De même, s'agissant du gain de croissance envisagé par le Gouvernement, le Haut Conseil a-t-il disposé du temps et des moyens suffisants pour procéder à une analyse fine ?

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