Intervention de éric Lombard

Réunion du mardi 29 septembre 2020 à 17h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

éric Lombard, directeur général de la Caisse des dépôts et consignations :

C'est un plaisir d'être au Palais Bourbon, devant ces deux commissions réunies comme prévu par la loi PACTE.

Les résultats de la CDC en 2019 ont été très bons. Avant l'opération de rapprochement avec La Poste, le bilan agrégé, c'est-à-dire les comptes consolidés de la section générale auxquels s'ajoute le bilan des fonds d'épargne, s'élevait à 460 milliards d'euros. Après cette opération, il dépasserait les 1 000 milliards d'euros. En début d'année, la CDC disposait de 54 milliards d'euros de fonds propres, soit 42 milliards d'euros au titre de la section générale et 12 milliards d'euros au titre des fonds d'épargne. En 2019, le résultat agrégé, c'est-à-dire la somme des fonds d'épargne et de la section générale, s'élevait à 2,7 milliards d'euros.

En 2020, nos résultats seront fortement dégradés par rapport à ceux de 2019, sous l'impact des résultats de nos filiales très touchées par la crise sanitaire et ses conséquences économiques et du fait de l'évolution des marchés financiers. Depuis le début de la crise, nous continuons à gérer le bilan de façon très attentive et prudente, ce qui nous permet de nous engager dans le plan de relance avec les montants importants cités par la présidente Sophie Errante, sous le contrôle de la commission de surveillance ainsi que, depuis la loi PACTE, de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR).

Dès le début du confinement, nous avons agi pour soutenir nos entreprises, nos territoires et nos concitoyens. À mon tour, je rends hommage à l'engagement de tous les collaborateurs qui se sont mobilisés, y compris durant le confinement, pour mettre des mesures en place. Notre priorité a été d'accompagner les entreprises aux côtés de l'État avec un « pont aérien de cash ». De fait, Bpifrance a mis en place le prêt garanti par l'État. Plus de 100 milliards d'euros ont été distribués à 600 000 entreprises.

Nous avons complété avec l'action de la Banque des territoires via des fonds dits « Résilience » que nous avons très rapidement signés avec la plupart des régions pour soutenir l'économie sociale et solidaire et les associations non abondées par Bpifrance. Nous avons abondé ces fonds à hauteur de 2 euros par habitant et même de 5 euros par habitant pour nos compatriotes des outre-mers, soit un engagement de 143 millions d'euros.

Nos seize directions régionales et nos trente-cinq implantations territoriales ont été complètement mobilisées sur le terrain pour proposer, notamment aux organismes de logement social, des reports d'échéance de prêts et pour répondre aux besoins de trésorerie des acteurs du logement social et des professions juridiques.

Durant cette période, sous l'autorité de la commission de surveillance et en dialogue avec le Gouvernement, nous avons également construit le plan de relance. Il est massif et prévoit des investissements plus amples et plus rapides que ce que prévoyait notre planification financière initiale. En effet, nous investirons en fonds propres 26 milliards d'euros, dont 20 milliards d'euros au cours des deux prochaines années. Ainsi, pour répondre à l'urgence, notre objectif est d'investir en fonds propres 10 milliards d'euros par an dans les deux prochaines années au lieu de 4 milliards d'euros par an précédemment. Ceci est permis par nos bons résultats passés et par la solidité de notre bilan.

De plus, à cette mobilisation de 26 milliards d'euros de la CDC s'ajoutent des fonds d'investisseurs privés. Des initiatives avec la Place atteignent d'ores et déjà 10 milliards d'euros, soit 1,4 milliard d'euros dans le cadre des fonds « Nov » lancés avec les assureurs pour couvrir la santé et le tourisme, 4,3 milliards d'euros pour le fonds « Lac d'argent » géré par Bpifrance pour le soutien de nos grandes entreprises, 600 millions d'euros dans les fonds « Objectif climat » et 2 milliards d'euros levés par CDC Habitat et sa filiale AMPERE Gestion pour financer le logement social et intermédiaire. Au total, les fonds représenteront 36 milliards d'euros, ce qui est considérable.

En parallèle de ces investissements en fonds propres, après un dialogue approfondi avec le ministre de l'économie, des finances et de la relance qui a ouvert des enveloppes supplémentaires et a abaissé le prix des prêts de fonds d'épargne, nous pourrons mobiliser 70 milliards d'euros de prêts des fonds d'épargne pour financer le logement social, les collectivités locales, les infrastructures, etc.

De façon nouvelle, nous nous concentrons sur quatre secteurs qui nous semblent essentiels pour la relance : la transition écologique et énergétique (6,3 milliards d'euros de fonds propres) ; le logement (11 milliards d'euros) ; le soutien aux entreprises (8,3 milliards d'euros) et la cohésion sociale (500 millions d'euros).

Bien que la cohésion sociale soit également un enjeu important, elle nécessite plus de financements et moins de fonds propres, ce qui explique la somme de 500 millions d'euros.

Pour le premier axe, la transition écologique et énergétique, le cumul des fonds propres à hauteur de 6,3 milliards d'euros et des prêts représentera au final 40 milliards d'euros mis à la disposition du pays par Bpifrance et la Banque des territoires. Nous ciblerons délibérément notre action sur les secteurs les plus émetteurs de gaz à effet de serre (transport, bâtiment, énergie). Nous mobiliserons 3,5 milliards d'euros sur les mobilités vertes et partagées en finançant notamment l'acquisition de 11 000 véhicules à basses émissions. Nous travaillons également à équiper le pays de 50 000 bornes de recharge électrique et biogaz, y compris dans les zones rurales et dans les villes moyennes, pour favoriser l'usage de véhicules électriques. Comme pour le très haut débit, nous avons pour ambition de cibler les zones non prises en charge par les opérateurs privés pour couvrir l'ensemble des territoires.

Nous contribuerons également activement à la décarbonation du secteur du bâtiment avec un programme très ambitieux de rénovation énergétique des bâtiments publics et des logements sociaux. Notre objectif est de rénover 22 millions de mètres carrés, soit l'équivalent de 177 Palais Bourbon ou des deux tiers du lac de Biscarosse. C'est une action considérable. Ainsi, nous financerons la rénovation thermique de 250 000 logements sociaux d'ici 2024 et nous réhabiliterons également les hôpitaux, les universités et les écoles. À titre d'exemple, avec l'aide de la Banque européenne d'investissements, nous effectuerons la rénovation énergétique complète de l'école Tunnel Château à Vierzon. Les économies d'énergie obtenues de l'ordre de 25 % sont bénéfiques à la fois pour la planète, pour les finances locales et pour les locataires de HLM.

Nous continuerons à déployer notre plan dans les énergies renouvelables (solaire, éolien, hydraulique) dans l'objectif d'alimenter 4,5 millions de foyers. La semaine dernière, nous avons posé à Bordeaux le premier panneau photovoltaïque de la plus grande centrale solaire en zone urbaine d'Europe. Construite sur une décharge, elle a permis d'utiliser un terrain qui ne pouvait pas être réhabilité pour l'agriculture ou pour la nature.

Pour le deuxième axe, à savoir le logement, nous consacrerons 11 milliards d'euros à un plan massif dans les cinq prochaines années. Pour soutenir l'action des bailleurs sociaux, nous mettrons à disposition 900 millions d'euros de titres participatifs. J'ai d'ores et déjà signé une convention avec l'office public d'aménagement et de construction (OPAC) de Savoie et celui des Landes. La mise à disposition à long terme et à faible coût de ces fonds permettra au logement social de se développer.

Par ailleurs, nous avons permis à notre filiale CDC Habitat de lancer un programme de construction de 40 000 logements. Ils sont déjà signés avec des promoteurs de toutes tailles sur tous les territoires, notamment dans les villes adhérant au projet Action Cœur de ville. Cette opération permettra de fournir à la fois des logements et du travail aux artisans des territoires.

Nous continuerons à financer des logements accessibles à tous en portant une attention particulière aux travailleurs clés, dont la situation s'est révélée essentielle durant la crise. Un programme de 5 000 logements à loyer abordable sera notamment consacré à l'hébergement du personnel soignant.

Au-delà du logement, nous accentuerons notre action en matière de politique de la ville avec la négociation d'une nouvelle convention avec l'Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU). Pour le renouvellement d'actions en faveur de la réhabilitation des quartiers, notamment des copropriétés dégradées, nous investirons 100 millions d'euros. Nous mettrons également en œuvre de nouveaux prêts pour des opérations de restructuration lourde.

Je rappelle le caractère unique du modèle de prêteur de la CDC au travers des fonds d'épargne. Les mêmes conditions sont données à tous les types d'emprunteurs, quelles que soient leur taille et leur solvabilité. C'est un élément décisif pour le logement social qui héberge près de 20 % de nos concitoyens.

L'épargne étant abondante, la collecte nette du fonds d'épargne a dépassé 30 milliards d'euros depuis le début de l'année. Je vous assure que cette épargne ne dort pas. Ces financements que nous mettons en place visent justement à l'utiliser pour l'intérêt général et pour le dynamisme de notre économie. Les conditions d'utilisation des fonds d'épargne sont élargies et les prêts sont abaissés. Leurs durées s'allongent jusqu'à 80 ans pour du foncier ou 60 ans pour les « aqua prêts » concernant la rénovation des systèmes d'adduction d'eau.

Pour ces différents sujets, nous travaillons de plus en plus en liaison avec la Commission européenne, ce qui permet de combiner nos financements respectifs. Nous travaillons avec nos équivalents européens de chaque pays pour que les politiques européennes soient déployées au plus près du terrain. Notre rôle est donc de déployer cette épargne au service des Français.

Le troisième axe, sur lequel Bpifrance est en première ligne, concerne le soutien aux entreprises. Nous menons une action importante en soutien du tourisme, qui est l'un des secteurs les plus touchés par la crise. Nous déploierons 1,3 milliard d'euros pour diffuser au plus près du terrain et des acteurs nos fonds propres et nos financements.

Le commerce est également touché par la crise. En liaison très étroite avec le ministère de l'économie, des finances et de la relance, nous déployons un plan pour recapitaliser 100t foncières de commerce. Elles pourront ainsi racheter et remembrer des commerces pour les adapter et les mettre en location, notamment afin de soutenir l'activité des commerçants des villes moyennes.

Par ailleurs, nous sommes déterminés à soutenir la relocalisation et le développement d'industries en France. En effet, nos territoires ont besoin d'une base industrielle pour créer des emplois et générer des services associés. Bpifrance est très mobilisée dans le soutien des entreprises et la CDC dans le soutien des territoires qui accompagnent ces projets. Par exemple, nous avons acquis un terrain près de Dijon avec les collectivités locales, sur lequel Vallourec Umbilicals développe une usine nouvelle pour produire des tubes sans soudure. Dans les prochains mois, nous accompagnerons dans chaque région le développement de deux sites clé en main pour que d'éventuels grands acteurs internationaux cherchant à s'implanter en Europe privilégient la France.

Nous poursuivrons nos efforts pour le déploiement du très haut débit dans les zones rurales afin de soutenir l'économie et le développement des entreprises. Grâce à nos investissements dans les réseaux d'initiative publique, nous avons pour objectif de raccorder 8 millions de locaux, logements et entreprises dans les zones rurales d'ici 2022. Cette démarche se poursuit aussi vigoureusement que possible.

Enfin, en tant qu'investisseurs institutionnels, nous détenons un portefeuille de 177 milliards d'euros de capital ou de dettes des entreprises françaises que nous gérons dans l'intérêt général. Au travers de nos filiales, nous sommes aussi un actionnaire important et responsable. Pour celles qui se trouvent en difficulté, nous avons décidé qu'elles ne distribueront pas de dividendes. Cela représente un revenu de 400 millions d'euros que nous ne percevrons pas, mais qui renforcera les fonds propres des entités concernées. Même si elles évoluent dans des secteurs difficiles, tels que le tourisme, nous soutenons leur développement.

Pour terminer, le quatrième axe du plan de relance concerne la cohésion sociale. Durant le confinement, nous avons mis en place la plateforme « Mon parcours handicap » qui permet d'accompagner toutes les personnes en situation de handicap et de fédérer l'ensemble des aides et dispositifs prévus à leur attention.

Concernant « Mon compte formation, » le site, sur lequel un million de formations sont disponibles, a reçu 10 millions de visiteurs uniques depuis son lancement en novembre dernier et l'application a été téléchargée 1,5 million de fois. 2,5 millions de personnes ont activé leur compte. Nous comptabilisons 500 000 inscriptions en formation. À ce jour, nous avons engagé 570 millions d'euros pour régler ces formations souscrites auprès de 15 000 organismes de formation. Cette application pourra aider puissamment les personnes qui veulent se former pour améliorer leur recherche d'emploi.

Par ailleurs, compte tenu des difficultés liées aux déserts médicaux, nous continuerons à financer la constitution de maisons de santé et le développement de la télémédecine pour assurer l'accès aux soins de nos concitoyens, où qu'ils se trouvent. Nous serons également présents dans le domaine des établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), car il est nécessaire de les moderniser et de les développer. Nous créerons ou rénoverons près de 400 EHPAD, soit 15 000 places, ce qui créera incidemment 6 000 emplois.

Nos actions sont diverses, elles visent essentiellement à préparer l'avenir et à soutenir les Français sur les territoires le plus efficacement et concrètement possible.

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