Intervention de François Cornut-Gentille

Réunion du jeudi 22 octobre 2020 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Cornut-Gentille, rapporteur spécial (Préparation de l'avenir) :

Le budget de la défense pour l'année 2021 s'établit à 39,2 milliards d'euros, en hausse de 1,7 milliard d'euros – soit 4,5 % –, ce qui est absolument conforme à la trajectoire de la loi de programmation militaire, et ce pour la troisième année consécutive. Cela se traduit par des augmentations importantes des crédits des programmes 144 et 146, que je suis chargé de suivre.

S'agissant du programme 144 Environnement et prospective de la politique de défense, les autorisations d'engagement (AE) passent de 1,8 milliard d'euros à 3,1 milliards d'euros. Ce saut considérable s'explique surtout par un projet immobilier de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), laquelle est dotée de 1,5 milliard d'euros au total en AE. Les crédits de paiement (CP) passent quant à eux de 1,5 milliard d'euros à 1,7 milliard d'euros. Les études amont, conformément à la loi de programmation militaire, sont elles aussi en progression constante : 760 millions d'euros en 2019, 830 millions d'euros en 2020 et 901 millions d'euros en 2021. On se dirige donc vers le milliard d'euros en 2022.

En ce qui concerne le programme 146 Équipement des forces, les AE reculent très légèrement, passant de 25,4 milliards d'euros à 21 milliards d'euros, mais les CP progressent d'un milliard d'euros : 13,6 milliards d'euros contre 12,6 milliards d'euros en 2020. La progression en CP est surtout soutenue dans le domaine de la dissuasion et de la maîtrise de l'information, notamment la lutte contre les cyberattaques.

Certes, la loi de programmation militaire est parfaitement respectée, ce qui est une bonne nouvelle, mais il y a quand même des tensions, et certaines questions doivent être posées.

La première concerne le bouclage du budget 2020. C'est toujours un exercice difficile dans le domaine de la défense, notamment du fait des opérations extérieures (OPEX). Elles avaient été programmées à hauteur de 1,1 milliard d'euros, ce qui était un progrès considérable par rapport aux 400 millions d'euros inscrits précédemment, mais elles devraient coûter 1,5 ou 1,6 milliard d'euros : il y aura donc encore un trou à combler. Le problème se règle comme toujours à la dernière minute, ce qui est parfois compliqué.

En général, les crédits de titre 2 (T2) sont sous-consommés, ce qui permet de s'en tirer. Or, cette année, le T2 tient bien : on n'a donc pas de marges de manœuvre de ce côté-là. Le budget est bouclé grâce à un décalage sur le programme 146, c'est-à-dire les équipements. De fait, on observe souvent une sous-consommation ou des retards sur le programme 146 de l'ordre de 300 millions d'euros ; avec la crise du covid-19, c'est plutôt 750 millions d'euros. Cela a d'ailleurs permis de financer le plan de soutien à la défense, à hauteur de 200 millions d'euros cette année, avec la commande de trois A330. On reste donc dans les clous, mais, comme chaque année, l'atterrissage est périlleux et incertain.

Deuxièmement, on voit également poindre, s'agissant de la préparation de l'avenir, un certain nombre de problèmes d'ordre capacitaire et financier.

Il y a d'abord la question de la réparation du Perle. La ministre devrait d'ailleurs s'exprimer en fin de matinée sur le sujet. Nous n'avons que six sous-marins nucléaires d'attaque (SNA) : le fait que l'un d'entre eux soit immobilisé représente un problème considérable pour nos opérations. Par ailleurs, on ne sait pas encore combien coûtera la réparation.

Ensuite, la vente de dix-huit Rafale à la Grèce, dont douze d'occasion, est certes une bonne nouvelle à l'export, mais pose un problème financier et de dimensionnement de l'armée de l'air, car ces appareils vont être prélevés sur nos forces. Or celles-ci étaient déjà dimensionnées au plus juste. En outre, il va falloir financer le remplacement, et ce n'est pas une broutille : le coût est d'un milliard d'euros environ.

J'ajoute que l'on parle de plus en plus d'un autre contrat de douze avions d'occasion avec la Croatie. Là aussi, c'est à la fois une bonne nouvelle pour nos exportations et un problème du point de vue du dimensionnement de nos forces, sans parler du coût d'un milliard d'euros lié au remplacement.

Troisièmement, si l'objectif de consacrer 2 % du PIB à la défense est atteint, il risque d'être difficile, compte tenu de la crise économique et de la baisse du PIB, de se tenir aux augmentations annuelles de 3 milliards d'euros prévues dans la LPM. C'est nécessaire pour atteindre le dimensionnement prévu, mais ce sera une charge lourde à porter dans un contexte économique très incertain.

Enfin, s'agissant de la base industrielle et technologique de défense (BITD), il est vrai que l'on fait des choses : le fonds Definvest a été créé, et la direction générale de l'armement (DGA) fait un travail considérable pour soutenir davantage les PME du secteur de la défense et comprendre les problèmes. Mais cela vient tard et n'est sans doute pas à la hauteur des enjeux. Cela fait déjà deux ans que 25 % des PME de la BITD sont dans le rouge. Le problème ne vient donc pas du covid-19 : il est structurel. Et puis, Definvest doit être doté de 100 millions d'euros sur cinq ans. Or, pour des entreprises comme Photonis, les enjeux sont de 400 ou 500 millions d'euros. Un très gros effort doit donc être fait en ce qui concerne la BITD : il faut avoir une vision plus stratégique et duale de nos questions industrielles.

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