Ce budget semble légèrement à contretemps. Tout ce qui devait le justifier est peu ou prou derrière nous. Il respecte une LPM votée deux avant l'épidémie de covid‑19 et dont le principal objectif est obsolète – consacrer deux points du PIB à la défense –, puisque la récession est telle que l'on vient même de le dépasser. Les objectifs auraient donc dû déterminer les moyens, et non l'inverse. Or les objectifs ont également substantiellement évolué. Alors que la relance est la grande question du moment, il est vain de prétendre que la LPM ait été taillée pour elle. Tarbes Industry, Aubert & Duval et bien d'autres entreprises sont en danger. Ce n'est pas en suivant la LPM que nous pourrons mener une action ordonnée, efficace et durable de relance.
Par ailleurs, les objectifs de la LPM ont‑ils encore vraiment cours ? C'est toute la question, puisque les chefs d'état‑major revendiquent depuis plusieurs mois la nécessité de penser un nouveau modèle, pour faire face à un éventuel conflit de haute intensité. Si l'on engage dès aujourd'hui d'importantes dépenses, quelle marge de manœuvre restera‑t‑il au moment d'actualiser la LPM ? L'augmentation vertigineuse des restes à payer dans la plupart des programmes de la mission témoignent du risque de s'engager dans le financement de la guerre d'hier, d'autant que des dépenses imprévues, des grands chantiers peu détaillés et des reports de charges substantiels peuvent laisser planer le doute sur l'exécution : les OPEX, la réfection du Perle, dont – ironie de l'histoire – la ministre doit faire connaître aujourd'hui les objectifs, qui ne sont absolument pas financés ; la vente des Rafale ; les projets immobiliers du renseignement ; le service national universel (SNU) ; la nouvelle politique de rémunération des militaires, qui ne nous a pas été présentée dans le détail, alors qu'elle va s'étaler sur plusieurs années. Autrement dit, nous avons de nombreuses raisons de douter de ce budget. C'est pourquoi notre groupe s'abstiendra.