Intervention de Bénédicte Peyrol

Réunion du jeudi 22 octobre 2020 à 21h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBénédicte Peyrol, rapporteure spéciale (Engagements financiers de l'État) :

Les crédits de la mission Engagements financiers de l'État augmenteraient pour la première fois depuis 2018, principalement sous l'effet de la crise. Ils s'établiraient à 39,2 milliards d'euros en 2021, soit une augmentation de 700 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2020 – je parle au conditionnel, les crédits de cette mission étant évaluatifs : ainsi, en loi de finances rectificative, 2 milliards d'euros ont été retranchés à la mission en raison de la faiblesse des taux.

Je veux saluer la publication d'un rapport relatif au budget vert – dont je suis une grande fan – qui permet une cotation de toutes les missions. Dans mon cas, 62,2 millions d'euros de crédits ont un impact favorable sur le climat : ils correspondent notamment à des dépenses liées à l'épargne logement en raison de la modulation des bonifications des plans d'épargne logement (PEL) en fonction du diagnostic énergétique du logement. Ils sont complétés par 52 millions d'euros de dépenses fiscales liées au livret de développement durable et solidaire (LDDS). C'est très peu par rapport à l'ampleur de la mission en tant que telle.

L'impact de la crise sanitaire est particulièrement flagrant sur la mission Engagements financiers de l'État. La charge de la dette augmenterait pour la première fois, je viens de le dire, de 700 millions d'euros. Cette augmentation demeure néanmoins contenue au regard des besoins de financement importants : 345 milliards d'euros en 2020, 282 milliards d'euros en 2021 contre 220 milliards d'euros en 2019. Surtout, les appels en garantie de l'État connaissent une hausse de plus de 2 500 % et s'établissent à 2,5 milliards d'euros en 2021, en raison principalement du prêt garanti par l'État (PGE).

Au sujet de la dette, il ressort de nos auditions que nous sommes confrontés à une « incertitude radicale », pour reprendre une formule employée par une économiste, Mme Jézabel Couppey-Soubeyrand. Rares sont ceux qui s'aventurent à des projections de long terme.

La question de la soutenabilité de la dette deviendra sans doute de plus en plus prégnante. Il nous faudra, tôt ou tard, définir une trajectoire de retour à un niveau de dette publique plus modéré.

La facilité dont nous disposons à financer notre dette est directement liée au programme et à la politique monétaire de la Banque centrale européenne avec son programme de rachats de titres de 1 350 milliards d'euros. Pour financer nos dépenses publiques par la dette, nous sommes devenus dépendants des taux bas que permet cette stratégie. La première émission d'obligations sociales par la Commission européenne, dans le cadre de l'instrument SURE, vous le savez sans doute, a connu un succès phénoménal, avec 233 milliards d'euros de demandes : jamais une émission obligataire n'avait autant été demandée. Cette politique accommodante nous permet de financer les dépenses d'urgence et le plan de relance.

Un point est rarement soulevé : la réussite du plan de relance dépend, bien sûr, de son contenu et de son montant, mais elle est très liée à la situation sanitaire ou plutôt à notre capacité de répondre à la propagation du virus. Autrement dit, plus la situation sanitaire sera mauvaise et plus le système de santé aura des difficultés à y faire face, plus le Gouvernement devra limiter les interactions sociales et, de facto, plus l'économie sera étouffée. Le succès du plan de relance est donc directement corrélé à l'amélioration de la situation sanitaire ou à l'amélioration de la prévention et la prise en charge des malades. Une des questions qui doit se poser avant celle de la relance, c'est celle de l'investissement dans notre système de santé pour le rendre plus robuste face à ce virus.

Les détenteurs de la dette verraient plutôt d'un bon œil les plans de relance qui, comme celui de la France, sont portés sur l'investissement. S'ils restent friands de la dette de notre pays dont la signature est recherchée, il ne faut pas sous-estimer le fait suivant : plus nous sommes dépendants de leur financement, plus nous aurons à orienter nos politiques publiques en fonction de leurs exigences. Par chance, il est devenu de bon ton de penser que les mesures d'austérité ne sont pas la réponse à apporter à la crise – c'est assez impressionnant de voir en trois ans le renversement de l'état d'esprit des spécialistes en valeurs du Trésor, qui sont mes interlocuteurs privilégiés lors de ces auditions.

Cet appétit des investisseurs pour la dette publique repose sur la certitude que la Banque centrale maintiendra des taux bas durant plusieurs années. Or, avec le recul, nous constatons que cette politique de taux bas n'a pas d'effet d'entraînement véritable sur l'économie réelle ; les entreprises n'ont pas davantage investi. Et surtout, cette politique monétaire favorise le renchérissement des actifs : c'est le cas pour l'immobilier qui grève le pouvoir d'achat de nos concitoyens. Elle alimente également des bulles qui font peser un risque de stabilité financière.

Je n'ai pas le temps d'aborder la question du cantonnement de la dette, mais si vous avez des questions sur le sujet, je serai heureuse de l'aborder avec vous.

La hausse spectaculaire des appels en garantie de l'État marquera également l'exercice 2021. Je l'ai dit tout à l'heure, elle est essentiellement liée au PGE avec une incertitude due à la nouveauté de l'outil et à l'incertitude économique.

Le programme Épargne se caractérise par l'importance des dépenses fiscales, à hauteur de 4,5 milliards d'euros. Ces dépenses sont essentiellement des exonérations des sommes versées au titre de la participation, de l'intéressement et d'un partage de plus-value au plan d'épargne salariale ou encore des exonérations liées à l'assurance-vie.

Je conclurai sur une touche positive : le Gouvernement améliore la sincérité budgétaire de la mission en inscrivant les crédits relatifs à la rétrocession d'intérêts au mécanisme européen de stabilité. Cela faisait maintenant deux ans que j'avais demandé que les crédits soient inscrits en loi de finances initiale. C'est chose faite dans le présent projet de loi de finances pour 2021.

Je vous invite à voter ces crédits qui visent essentiellement à financer notre dette et à s'assurer que la garantie des PGE fonctionne et soit activée en cas de problème.

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