Mon amendement demande également la suppression de l'article 1er. Après plusieurs prorogations, nous sommes contraints de mener une discussion basée sur un raisonnement un peu bizarre : s'il n'y a pas d'attentat, c'est grâce à l'état d'urgence qu'il faut donc proroger ; s'il y a un attentat, c'est bien la preuve qu'il faut maintenir l'état d'urgence pour éviter qu'il n'y en ait d'autres. Nous en revenons à mes interrogations précédentes : sommes-nous capables de prévenir des attentats en dehors de l'état d'urgence ? Combien d'attentats ont-ils finalement été empêchés grâce à l'état d'urgence ? N'auraient-ils pas pu l'être par des moyens normaux ?
La lutte contre les actes terroristes n'est pas une histoire d'articles de loi. En quoi l'état d'urgence aurait-il pu empêcher que ne se produise l'attentat à Charlie Hebdo ? Ce qui a manqué, encore une fois, c'est la détection de signaux faibles : des témoignages du voisinage ne se sont pas retrouvés aux mains des services de police et des services spécialisés, faute de moyens et de capacité à capter ces éléments. Rien dans l'état d'urgence ni dans le projet de loi sur la sécurité intérieure que nous aurons à examiner ne pose ces questions-là. Rappelons que l'attentat à Charlie Hebdo n'a pas été perpétré par Daech. Soyons un peu sérieux et ne mélangeons pas tout. Le sujet demande que l'on prenne de la hauteur et du recul, que l'on évite de se jeter des phrases à la figure, surtout quand il s'agit de la mort de plusieurs de nos compatriotes.
Il serait irresponsable de ne pas se poser ces questions et de s'abriter derrière un voile pudique en disant que la prorogation de l'état d'urgence permet une protection correcte. Malheureusement, c'est un peu plus compliqué que cela. Quelqu'un a dit, je cite, qu'abandonner nos libertés, « c'est apporter à nos adversaires une confirmation que nous devons leur refuser. De tout temps, les adversaires de la démocratie ont prétendu qu'elle était faible et que, si elle voulait combattre, il lui faudrait bien abandonner ses grands principes. C'est exactement le contraire qui est vrai. Le code pénal tel qu'il est, les pouvoirs des magistrats tels qu'ils sont, peuvent, si le système est bien ordonné, bien organisé, nous permettre d'anéantir nos adversaires. Donner en revanche à l'administration des pouvoirs illimités sur la vie des personnes, sans aucune discrimination, n'a aucun sens, ni en termes de principes, ni en termes d'efficacité. » Je ne pouvais avoir de meilleur argumentaire pour demander la suppression de cet article 1er et je vous laisse chercher le nom de l'auteur de ces mots.