Intervention de Sabine Rubin

Réunion du vendredi 23 octobre 2020 à 15h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSabine Rubin, suppléant M :

Mon collègue Éric Coquerel, souffrant, m'a demandé de le suppléer pour présenter les crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables sur le périmètre de son rapport spécial qui sera désormais intitulé Politique de l'écologie et prévention des risques.

Quelques mots du contexte : nous avons eu l'occasion, lors de l'examen des crédits de la mission Plan de relance, de mettre en doute l'efficacité tant économique qu'écologique de ce plan.

Il est tout à fait clair que la démarche du Gouvernement consiste à rétablir au plus vite, par cette dépense exceptionnelle, les mécanismes de marché et à reprendre, dès que cela sera possible, la réduction des dépenses de l'État, de ses effectifs et de ses outils de souveraineté nécessaires au combat contre le réchauffement climatique et la chute de la biodiversité.

C'est en effet bien cette trajectoire qui reste inscrite, de façon parfois caricaturale, dans ce projet de loi de finances, pour peu que l'on prenne le soin d'analyser ce qui se cache derrière les effets d'annonce et de périmètre.

La hausse des crédits consacrés à la charge de la dette de SNCF Réseau par l'État, ou celle du budget de l'aviation civile, n'ont pas grand-chose à voir, que l'on sache, avec l'écologie.

Derrière cela, le Gouvernement continue de serrer l'étau. Au périmètre des ministères de la transition écologique et de la cohésion des territoires, dont les effectifs et la masse salariale sont malencontreusement agrégés dans le programme 217 Conduite et pilotage des politiques de l'écologie, du développement et de la mobilité durables, la perte d'emplois sous plafond est de 797 ETPT, soit une baisse de plus de 3 % qui vient s'ajouter à la saignée de 5,3 % de l'année dernière.

Des baisses similaires s'appliquent à la plupart des opérateurs de l'écologie, qui voient parallèlement leur subvention pour charges de service public diminuer dans des proportions qui deviennent intolérables, de l'aveu même de leurs dirigeants.

Certes, le modeste budget du programme 113 Paysages, eau et biodiversité devrait passer de 202 à 230 millions d'euros en crédits de paiement, mais il s'agit pour l'essentiel de parer au plus pressé, par exemple en transférant 7 millions d'euros de plus à l'Office national des forêts (ONF), organisme en grande difficulté.

Autre exemple : la subvention pour charges de service public de l'Office français de la biodiversité (OFB), entité créée au 1er janvier de cette année, est augmentée de 10 millions d'euros dans le seul but de reconstituer son fonds de roulement mis à mal par la baisse des ressources qui étaient précédemment affectées à l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) au titre des redevances cynégétiques. Et le même OFB entre, après une année de répit, dans la spirale de la déflation d'effectifs avec 21 ETPT de moins sous plafond en 2021.

Les agences de l'eau, dont le rôle devrait pourtant être accru avec la mise en œuvre du volet « réseaux d'eau et modernisation des stations d'assainissement » du plan de relance, voient leurs effectifs baisser de 2,5 %, soit une diminution de 39 ETPT.

Les crédits du programme 159 Expertise, information géographique et météorologie reculent facialement de 5,10 % et de 1,8 % à périmètre constant. En particulier, les subventions pour charges de service public du Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA) et de Météo-France diminuent respectivement de 2,33 % et de 2,48 %, et leurs effectifs d'environ 3,5 % chacun. Les effectifs de l'Institut national de l'information géographique et forestière (IGN) sont pour leur part en baisse de 2,5 %.

Le CEREMA détient les compétences pour être un acteur majeur du plan de relance. Or, en 2021, sa subvention ne couvrira même plus la masse salariale des personnels permanents. Pourtant, la crise sanitaire a fait chuter les ressources propres de l'établissement, qui disposera sans doute de moins d'un mois de trésorerie au 31 décembre.

La question est ouvertement posée : le Gouvernement et sa majorité souhaitent-ils, oui ou non, conserver cet outil unique d'ingénierie publique et lui donner les moyens de fonctionner en appui des collectivités et de la politique de l'écologie ?

À Météo-France, la directrice générale a indiqué au rapporteur qu'en cinq ans d'application du plan Action publique 2022, plus de la moitié des personnels aura changé soit de métier, soit de lieu de travail, soit de direction. Si la trajectoire de baisse se poursuit, c'est la capacité de l'établissement à remplir sa mission qui sera remise en cause.

Concernant le programme 181 Prévention des risques, la hausse apparente des crédits n'est due qu'à la budgétisation du fonds Barnier, laquelle poursuit, par d'autres moyens, le détournement au profit du budget général de l'État d'une grande partie de la taxe sur les primes d'assurance qui servait à financer le fonds.

À périmètre constant, les crédits diminueront de 7,7 %. On annonce une hausse de 30 ETPT pour l'inspection des sites classés, alors que la direction générale de la prévention des risques estimait en 2018 que le besoin était au moins de 200 ETPT. Sachant que les effectifs affectés à la prévention des risques diminueront dans le même temps de 11 ETPT en 2021, ce sont 41 ETPT qu'il faudra prendre sur d'autres secteurs, notamment celui de la prévention des risques naturels.

Concernant l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (INERIS), les baisses d'effectifs cumulées entre 2016 et 2024 représenteront 20 % du personnel.

Enfin, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie (ADEME) est sollicitée pour le pilotage de nombreuses lignes de crédits du plan de relance : rénovation énergétique des bâtiments, hydrogène, décarbonation de l'industrie, économie circulaire. L'établissement estime à 1,8 milliard d'euros les crédits supplémentaires issus du plan de relance qu'il aura à orienter et à affecter, dont 800 millions d'euros en 2021.

Comme son schéma d'emplois prévoit une baisse de 18 ETPT en 2021, l'ADEME a logiquement demandé à recruter des personnels en contrat à durée déterminée, entre 80 et 100 agents, pour faire face à ce surcroît d'activité pendant trois ans. Devant le refus de Bercy d'augmenter son plafond d'emplois, elle s'apprête à recruter des intérimaires qui ne pourront rester que dix-huit mois au maximum !

On le voit, le processus de destruction du capital de compétences de l'État reste à l'œuvre en dépit des annonces sur la relance dite verte. C'est pourquoi je vous invite donc, mes chers collègues, à rejeter les crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables.

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