Intervention de Saïd Ahamada

Réunion du vendredi 23 octobre 2020 à 15h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSaïd Ahamada, rapporteur spécial (Affaires maritimes) :

Les dépenses dévolues par l'État aux affaires maritimes et aux ports figurent respectivement au programme 205 Affaires maritimes de la mission Écologie, développement et mobilité durables et à l'action 43 Ports du programme 203 Infrastructures et services de transports.

Pour 2021, ces crédits se chiffrent à près de 255 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement. Si le budget recule à première vue de près de 2 % en autorisations d'engagement par rapport à 2020, il double presque, en réalité, à la faveur des crédits inscrits à la mission Plan de relance : plus de 225 millions d'euros sont ainsi précisément fléchés par cette mission vers les dépenses maritimes et portuaires, soit une augmentation de 84 % par rapport à 2020. C'est un effort très important, que je salue.

Sur le volet maritime, les crédits du programme 205 connaissent une baisse de presque 3 % en AE. Les dépenses d'investissement diminuent, car les principaux chantiers de la modernisation prévus sur le quinquennat sont désormais lancés.

Cependant, les crédits de la relance prennent le relais en investissement, en fléchant 25 millions d'euros vers le verdissement de la flotte des affaires maritimes et 25 millions d'euros vers la modernisation des Centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage (CROSS).

Ces 50 millions d'euros supplémentaires destinés à moderniser les moyens de l'administration représentent un montant presque deux fois supérieur au total des crédits consacrés depuis 2018 à cet objectif. Ils sont, de surcroît, destinés à des projets bien précis, dont l'acquisition d'un nouveau navire à Brest pour l'installation de balises en mer, que l'administration des affaires maritimes souhaite le plus vert possible. Ils serviront également à rénover les bâtiments des CROSS et à faire l'acquisition de nouveaux équipements pour en améliorer la performance.

La vigilance s'impose cependant concernant les dépenses de relance labellisées vertes : il faudra veiller à ce qu'elles le soient vraiment, la relance devant être l'occasion d'une véritable transition écologique, condition d'un avenir prospère et durable.

Je l'avais dit lors du Printemps de l'évaluation, la transition écologique est en effet la seule voie de résilience porteuse de succès pour la reprise économique du secteur. Je me réjouis de constater que c'est l'orientation prise ici et je veillerai à ce qu'elle soit effective.

S'agissant du volet portuaire et des crédits inscrits à l'action 43 Ports du programme 203, les fonds de concours de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) devraient augmenter de plus de 11 millions d'euros.

De plus, la mission Plan de relance destine 175 millions d'euros au financement de projets destinés au verdissement des ports. Au total, le budget destiné à l'investissement portuaire atteint donc 218 millions d'euros en 2021, un montant inédit par rapport à l'enveloppe habituelle de 40 millions d'euros. Cette enveloppe exceptionnelle devrait permettre de financer une cinquantaine de projets de développement des grands ports maritimes que le ministère travaille actuellement à recenser.

Puisque ces crédits entrent dans le champ de mes attributions en tant que rapporteur spécial, j'exercerai le suivi prévu par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) et m'assurerai qu'ils soient équitablement répartis aussi bien entre les places portuaires qu'entre la métropole et l'outre-mer, et surtout qu'ils financent bien des projets verts.

Un point clé, à ce propos, reste la possibilité pour les navires de s'alimenter en électricité à quai. L'année dernière, j'avais lors de l'examen du projet de loi d'orientation des mobilités fait adopter un amendement pour clarifier le statut des ports dans le cadre de la gestion de ces points d'alimentation électrique. Puis, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020, j'avais fait voter l'instauration du tarif réduit de taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité (TICFE) sur la consommation d'électricité de quai afin d'éviter que les navires aient à fabriquer leur propre électricité à bord, à base de fioul lourd.

Il subsiste cependant quelques freins. Les ports disent devoir répercuter dans leurs tarifs le coût élevé du raccordement au réseau électrique national, le ministère étant en discussion avec Enedis à ce sujet. Ils disent également devoir réaliser des investissements importants pour installer des points d'alimentation électrique d'une puissance supérieure à un mégawatt. Une aide à l'investissement s'avère pour cela nécessaire. Elle pourra être financée – j'y veillerai – par les crédits de la relance portuaire.

Néanmoins, pour les ports, transition écologique doit rimer avec compétitivité. C'est pourquoi je compte défendre prochainement un amendement destiné à clarifier le régime qui leur est applicable pour le paiement de la taxe foncière. Il s'agit d'un sujet majeur pour eux afin qu'ils se projettent dans l'avenir.

Dernière tendance de ce budget 2021 : la légère baisse des crédits qui compensent des exonérations de charges patronales consenties aux armateurs pour les marins français qu'ils emploient prévus à l'action 03 Flotte de commerce du programme 205. On anticipe que de telles dépenses baisseront en 2021 compte tenu du recul de l'emploi maritime saisonnier. Le recul pour 2020 est déjà évalué à 18 % par rapport aux crédits votés.

Néanmoins, c'est à mon sens sur cette action qu'il conviendrait de budgéter les 30 millions d'euros promis par le Gouvernement aux armateurs de ferries – dont Brittany Ferries ou Corsica linea à Marseille – pour le remboursement de la part salariale des cotisations et contributions versées au titre de l'année 2021.

Vous savez, mes chers collègues, combien le transport maritime de passagers est affecté par la crise alors même que ces entreprises emploient des équipages très majoritairement composés de marins français, à bord de navires qui sont presque tous immatriculés en France.

Cette mesure d'aide exceptionnelle, pourtant annoncée par le Premier ministre le 15 septembre dernier, ne fait l'objet d'aucune traduction dans ce budget 2021. Il semble que le Gouvernement envisage d'ouvrir des crédits dans le cadre de la loi de finances rectificative de fin d'année, alors même que ces crédits ne seront pas consommés en 2020 mais reportés en 2021 : il serait donc à la fois plus naturel et plus sincère de les inscrire directement à l'action 03 de ce budget pour 2021. Je présenterai un amendement en séance publique à cet effet.

Nonobstant cette réserve, je vous propose, mes chers collègues, de voter en faveur de ce budget qui, associé aux crédits du plan de relance, est de nature à accélérer le verdissement de l'économie bleue.

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