Intervention de Jean-Paul Mattei

Réunion du vendredi 23 octobre 2020 à 15h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Mattei, rapporteur spécial :

Parallèlement aux nombreuses mesures que comporte le plan de relance en matière d'immobilier public, le projet de loi de finances pour 2021 inscrit 370 millions d'euros en recettes et 275 millions en crédits de paiement au compte d'affectation spéciale (CAS) Gestion du patrimoine immobilier de l'État dont le solde sera ainsi relevé de 95 millions d'euros en 2021.

L'exercice 2020 reste cependant incertain. La troisième loi de finances rectificative a d'ores et déjà revu à la baisse la prévision de recettes initiale, ramenée de 380 à 320 millions d'euros. Il est en outre trop tôt pour mesurer le retard pris au cours de l'année, tant en matière de cessions que de dépenses.

Quoi qu'il en soit, la baisse des CP, de 38,48 %, est sensible et s'inscrit dans une tendance pluriannuelle à la baisse, due à l'attrition des recettes provenant des cessions, et que la crise sanitaire et le confinement ont aggravée.

À l'évidence, le CAS Gestion du patrimoine immobilier de l'État souffre d'une dynamique contraire entre ses ressources et ses emplois : il ne représente en effet que 4,6 % des dépenses en CP de la politique immobilière de l'État, ce qui le marginalise.

Dans ce contexte, je me réjouis de la parution, bien que très tardive, fin 2019, du décret d'application de la réforme de la décote Duflot, que l'Assemblée nationale a adoptée en PLF pour 2019 sur ma proposition. Cela permettra de préserver le produit de la cession au bénéfice de l'État lorsque la collectivité concernée dispose de réserves foncières importantes. S'il est encore trop tôt pour évaluer les effets de ce plafonnement, on peut espérer qu'il mettra fin aux effets pervers d'une forme de spéculation immobilière au détriment du patrimoine de l'État jusqu'alors observés.

Il conviendra également de conforter le CAS en augmentant ses ressources pérennes. La part des redevances dans les recettes reste trop modeste. C'est pourquoi je souhaite que la direction de l'immobilier de l'État et les directions ministérielles poursuivent l'expérimentation de modes de valorisation alternatifs à la cession.

La mise en bail emphytéotique de 99 ans d'un hôtel particulier rue de Grenelle, mis sur le marché en mai 2020, devrait préfigurer l'expérimentation d'autres baux emphytéotiques sur des durées plus courtes, de l'ordre de 70 ans, si le marché se révèle intéressé par cette formule. La direction de l'immobilier de l'État souhaite également tester le marché sur l'idée d'un loyer capitalisé ou annualisé ainsi que sur des clauses d'intéressement de l'État en cas de cession de la commercialité du bien par le preneur pour un autre bien. Je salue ces initiatives.

J'en viens aux crédits du plan de relance consacrés à l'immobilier public.

Si l'on peut saluer un effort inédit de 4 milliards d'euros en faveur de la rénovation thermique, dont 300 millions d'euros pour les lycées et 3,7 milliards d'euros pour les bâtiments de l'État et des collectivités territoriales, il n'en demeure pas moins que cette problématique de l'entretien et de la performance énergétique des bâtiments doit être intégrée le plus en amont possible dans la gestion du parc immobilier public.

Alors que le premier appel à projets s'est terminé le 9 octobre, je m'interroge sur le bon usage de ces fonds, engagés en urgence pour des projets qui n'avaient pas été retenus dans le passé faute de financements, mais dont la pertinence mériterait d'être vérifiée eu égard à leur impact sur le long terme. En effet, si un bâtiment peut s'amortir sur des dizaines voire des centaines d'années dans l'exemple du Louvre, il faut veiller à ce que les projets retenus dans ce premier appel à projets et financés par de la dette publique s'inscrivent bien dans une logique à long terme et soient structurants pour la collectivité.

Le filtre retenu, celui de l'impact énergétique des travaux envisagés, et la capacité à les réaliser rapidement pour que les crédits puissent être engagés au 31 décembre 2021, mériteraient d'être analysés à l'aune des économies budgétaires que ces travaux apporteront au patrimoine immobilier public. Ces économies devraient être intégrées dans la future gestion des bâtiments comme autant de ressources désormais pérennes qu'il ne sera plus nécessaire de dégager.

Le Gouvernement a dédié un appel à projets séparé à la rénovation des bâtiments d'enseignement supérieur et de recherche, ce qui est cohérent car ceux-ci représentent un tiers de la valeur de l'immobilier de l'État avec des performances énergétiques médiocres.

Cependant, aucune information n'a été donnée quant au montant de cette enveloppe spécifique, alors que la Conférence des présidents d'université a annoncé récemment que ces projets représentaient plus de 3,7 milliards d'euros.

Ajoutons qu'il y aura inévitablement des arbitrages entre les projets de plus de 5 millions d'euros – dont la direction de l'immobilier de l'État (DIE) assurera la sélection –, pour éviter que telle région ou tel ministère n'apparaisse comme privilégié au détriment des autres. À ce stade, nous n'avons guère d'indications sur la façon dont le Gouvernement procédera.

Nonobstant ces réserves et interrogations, je vous invite, mes chers collègues, à adopter les crédits du compte spécial Gestion du patrimoine immobilier de l'État.

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