Intervention de Christine Pires Beaune

Réunion du vendredi 23 octobre 2020 à 15h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristine Pires Beaune, rapporteure spéciale :

Depuis le début des années 2000, les remboursements et dégrèvements augmentent à un rythme régulier de 5 % par an en moyenne. Ils s'établissaient à 61 milliards d'euros en 2001 ; ils ont dépassé la barre symbolique des 100 milliards d'euros en 2016, et ils devraient atteindre 152 milliards d'euros en 2020 après plusieurs révisions en cours d'année.

Le budget pour 2021 marque une rupture puisque la dépense devrait fortement diminuer et s'établir à 126 milliards d'euros, soit 32 % des recettes fiscales brutes.

La prévision a été fortement révisée pour l'année 2020 : par rapport à la loi de finances initiale, les remboursements et dégrèvements augmenteraient de 11 milliards d'euros, à 152 milliards d'euros. Cette révision s'explique pour partie par l'évolution spontanée des recettes en raison de la crise économique : les entreprises ont pu notamment obtenir le remboursement accéléré de leurs crédits d'impôts de TVA, et de certains crédits d'impôts sur les sociétés, ce qui est une bonne chose. Toutefois, ces mesures n'expliquent que la moitié de la révision. Des causes extérieures à la crise économique expliquent l'autre moitié : d'une part, l'aggravation du coût des contentieux fiscaux, pour près de 4 milliards d'euros, d'autre part, l'annulation de deux importantes erreurs déclaratives en matière d'impôt sur le revenu, pour 2,2 milliards d'euros, qui ont artificiellement majoré les recettes brutes.

En 2021, pour la première fois depuis 2013, la dépense s'inscrirait en nette diminution par rapport à l'année précédente et reculerait de 26 milliards d'euros.

En matière d'impôts d'État, cette évolution s'explique par le contrecoup des fortes hausses enregistrées en 2020, que je viens de mentionner, et qui ne se renouvelleraient pas, je l'espère, en 2021.

En matière d'impôts locaux, la suppression du dégrèvement de taxe d'habitation pour 80 % des ménages fera diminuer la dépense de 14,2 milliards d'euros, tandis que la réforme des impôts de production conduira à une baisse de 2,1 milliards d'euros.

Ces prévisions restent néanmoins fragiles car il est difficile de prévoir le rythme de la reprise, les comportements des entreprises ainsi que l'évolution de leurs résultats, et parce que les dépenses associées aux contentieux fiscaux sont, comme chaque année, très incertaines.

En raison du risque budgétaire que ces procédures font peser sur nos finances publiques, il me paraît important de faire un point concernant ces contentieux fiscaux. En effet, les années 2020 et 2021 devraient voir l'aboutissement budgétaire de procédures contentieuses anciennes et très coûteuses pour l'État.

En 2020, les dépenses contentieuses devraient ainsi atteindre 3,9 milliards d'euros au titre des contentieux de série, auxquels s'ajoutent 2,6 milliards d'euros au titre d'un seul contentieux exceptionnel portant sur l'impôt sur les sociétés. En 2021, la dépense relative aux seuls contentieux de série atteindrait 2,5 milliards d'euros.

Vous trouverez les éléments détaillés relatifs à ces procédures dans mon rapport, mais je souhaite appeler votre attention sur deux éléments.

Premièrement, sur les intérêts moratoires. Malgré la division par deux de leur taux, que nous avions votée il y a deux ans, leur coût devrait atteindre 2,3 milliards d'euros en 2020 et 1,3 milliard en 2021. La diminution ne vaut en effet que pour l'avenir, et les intérêts ont été acquis dans le cadre de procédures anciennes. Toutefois, en raison de l'insuffisance de son système d'information, l'administration fiscale ne parvient pas à évaluer correctement les conséquences budgétaires potentielles d'une évolution du taux des intérêts moratoires, ce taux étant égal à celui des intérêts de retard. Je vous proposerai un amendement sur ce sujet.

Deuxièmement, sur le contentieux portant sur la contribution au service public de l'électricité (CSPE). Dès 2018, le rapport d'information réalisé par nos collègues Véronique Louwagie et Romain Grau avait relevé l'existence de ce contentieux, qui concerne 14 000 procédures devant les juridictions et 55 000 demandes, et représente un enjeu financier de plus de 700 millions d'euros. Une ordonnance autorisant le président de la Commission de régulation de l'énergie (CRE) à transiger sur ces demandes a été prise en février 2020. Toutefois, nous attendons encore le décret d'application, que l'on nous promet pour le mois de novembre. En attendant, les intérêts moratoires courent…

Enfin, sur ma proposition, notre assemblée a adopté l'année dernière un amendement demandant au Gouvernement de publier les informations relatives aux « règlements d'ensemble ». Cette pratique un peu confidentielle consiste, pour l'administration fiscale, à négocier les droits et les pénalités dus par un contribuable faisant l'objet d'un contrôle fiscal. Elle n'est pas encadrée par les textes et, à l'inverse de la transaction, n'empêche pas l'action contentieuse ultérieure. L'administration y a recours lorsque le quantum des rectifications est difficile à établir ou en présence d'un fort aléa juridique.

Les données publiées par l'administration fiscale, que vous trouverez commentées dans mon rapport, sont éloquentes : 116 règlements d'ensemble ont été ainsi identifiés au titre de l'année 2019, et la liste n'est pas exhaustive. Ils portent sur 3,2 milliards d'euros de droits et pénalités ; 1,6 milliard d'euros de modérations ont été consenties, dont 1,1 milliard portant sur les droits, et près du tiers des modérations concerne une seule opération.

Je vous invite à voter les crédits de cette mission qui, je vous le rappelle, ne sont qu'évaluatifs, et non limitatifs.

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