Intervention de Loïc Gautier

Réunion du mercredi 28 octobre 2020 à 11h00
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Loïc Gautier, président de la troisième chambre de la Cour des comptes :

Les heures supplémentaires sont utiles dans la mesure où elles peuvent aider un service à faire face à un pic d'activité. Pour autant, elles peuvent occasionner des dérives. Il est donc assez difficile de distinguer les aspects positifs et négatifs de ce système.

Notre recommandation consistant à plafonner le nombre d'heures supplémentaires épargnées et à privilégier l'indemnisation est déjà en œuvre après la décision du ministre de l'intérieur de plafonner à 160 heures le stock que peut épargner un agent pour la suite de sa carrière. Il a également initié une résorption du stock pour éviter que ce dernier ne devienne une bombe à retardement. Quant à la majoration des heures supplémentaires, leur faible niveau d'indemnisation dans la police incite à attribuer plus libéralement des heures supplémentaires aux agents, tandis que ces derniers sont tentés d'épargner des heures jusqu'à la fin de leur carrière – ce qui revient indirectement à rémunérer les heures à la date de récupération.

Lorsque j'évoquais la révision des cycles de travail, je pensais par exemple à l'éducation nationale, où les enseignants sont censés travailler dix-sept heures par semaine mais se voient attribuer en moyenne un peu plus de deux heures supplémentaires par semaine. En intégrant ces deux heures dans les heures de service obligatoires et en revalorisant la rémunération en fonction, ces heures supplémentaires structurelles disparaîtraient. Les professeurs de classes préparatoires ont un très faible quota horaire, et comme ils effectuent beaucoup plus d'heures, ils perçoivent de nombreuses heures supplémentaires. Je pourrais également citer le service attaché à la protection des personnalités, les douaniers en service opérationnel, etc. Il conviendrait de remettre à jour, dans tous ces services, le cycle de travail et l'organisation du temps de travail, qui sont surannés. L'entreprise est quasiment impossible dans l'administration pénitentiaire, et pas seulement en raison des réductions d'effectifs car des postes sont ouverts mais non pourvus. De même, si vous n'arrivez pas à recruter un professeur de mathématiques, vous êtes bien obligé d'augmenter le quota de service d'un autre enseignant. Les réductions d'effectifs peuvent avoir favorisé les heures supplémentaires mais dans certains cas, il est impossible de faire face à la charge de travail sans recourir aux heures supplémentaires.

Peut-être la mesure de défiscalisation majorée à 7 500 euros aura-t-elle un effet, mais les sommes sont très largement inférieures à ce seuil. La contractualisation d'un forfait de 5 heures me semblerait aller dans le bon sens, en répondant à des besoins organisationnels et à des revendications du personnel.

Nous devons mettre en place des règles claires qui empêchent les agents d'accumuler indéfiniment des heures supplémentaires, à l'image des mesures appliquées dans la police nationale.

La problématique du contrôle est importante. Dans la police par exemple, les agents déclarent eux-mêmes leurs heures de service. Un certain contrôle est effectué par le supérieur hiérarchique ; au delà, personne ne contrôle réellement l'effectivité des heures déclarées, ou alors très difficilement. Une absence de contrôle implique un manque de suivi et donc un manque d'intérêt pour le pilotage des heures supplémentaires au niveau global.

Les montants en jeu peuvent paraître faibles à l'échelle de la fonction publique mais, dans certains secteurs, les heures supplémentaires représentent plus de 1,2 % de la masse salariale, parfois jusqu'à 10 ou 20 %.

Je n'ai peut-être pas été suffisamment clair dans mon exposé. Les sommes sont bien provisionnées dans le budget de l'État mais pas au niveau des établissements et des collectivités locales.

Pour en revenir à la question de Mme Dalloz, dans certains cas, les « heures supplémentaires annualisées » (HSA) sont annualisées et intégrées aux heures de service des enseignants, mais les chefs d'établissement ont également à leur disposition des « heures supplémentaires effectives » (HSE) – en moins grand nombre – pour leur permettre de compenser diverses sujétions. Nous n'avons pas réellement examiné si certains agents en bénéficiaient davantage par rapport à d'autres.

La différence entre l'enseignement primaire et l'enseignement secondaire peut s'expliquer par des modes d'organisation du travail différents. Les contraintes d'ajustement des emplois du temps des enseignants ne se posent pas dans le primaire, et ne génèrent donc pas des heures supplémentaires de la même manière – même si d'autres sujétions dans le primaire donnent lieu à des heures supplémentaires.

Nous ne plaidons pas pour une harmonisation des taux de majoration par le haut. Dans certains cas, les heures supplémentaires sont majorées et dans l'autre, elles sont minorées. Cela semble incohérent. Bien entendu, si cette réforme est engagée, elle impliquera un renforcement du contrôle et une modification des cycles de travail générateurs d'heures supplémentaires de par leur caractère inadapté. L'harmonisation des règles de majoration participe d'une meilleure acceptation de cette réforme.

Je laisse à Loïc Robert le soin de répondre à vos autres interrogations, sur la police nationale et sur la fonction publique hospitalière.

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