Intervention de Pierre Moscovici

Réunion du mercredi 4 novembre 2020 à 11h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Pierre Moscovici :

L'avis que je vous ai présenté ce matin porte sur des scénarios macroéconomiques et de finances publiques élaborés dans un contexte où les incertitudes liées à la situation sanitaire sont de nouveau très importantes et dans un climat d'urgence manifeste.

Plusieurs d'entre vous m'ont demandé pourquoi nous n'avions pas eu de prévisions de croissance plus détaillées. Telle est la raison pour laquelle nous avons parlé de cohérence compte tenu des éléments dont nous disposions. Le facteur temps a beaucoup joué entre l'annonce par le Président de la République mercredi soir dernier de décisions qui n'étaient pas envisagées mardi soir, en tout cas pas publiquement, et la préparation du PLFR. Le travail a donc été fait de manière globale et il ne nous paraît pas pour autant incohérent.

Le scénario du PLFR 4 traduit l'impact du confinement décidé pour le mois de novembre. Il est acquis qu'un confinement de quatre semaines, tel qu'il est paramétré aujourd'hui, conduirait à une perte de PIB au quatrième trimestre par rapport au troisième. Ses modalités apparaissent de moindre ampleur que celles mises en place au cours du printemps dernier, si bien que la prise en compte de cette hypothèse de confinement pour le mois de novembre ne suffit pas, à elle seule, à justifier la révision du recul du PIB de – 10 % à – 11 % en moyenne annuelle entre le PLF de septembre et ce PLFR.

L'hypothèse d'un confinement en novembre représente à peu près la moitié de cette révision. Pour cette raison, et pour répondre à madame Rabault, nous considérons que le PLFR intègre la possibilité de financer des mesures jusqu'au 31 décembre 2020, soit à peu près 10 milliards d'euros sur novembre et à peu près autant sur décembre.

Pour boucler le scénario, il faut considérer que des mesures peuvent être durcies et d'autres assouplies. On peut par exemple envisager la fermeture de lycées ou au contraire la réouverture de commerces d'ici à la fin décembre. Nous pouvons donc avoir de bonnes ou de mauvaises surprises, y compris sur le plan financier. Notre avis en tient évidemment compte.

Avec l'hypothèse d'un maintien des restrictions sanitaires jusqu'en décembre, le chiffre de 11 % constitue l'ordre de grandeur de recul du PIB qui devrait être enregistré en 2020.

Dans ce contexte, nous n'avons pas voulu qualifier le scénario présent. Plusieurs adjectifs étaient à disposition : prudent, plausible, vraisemblable, etc. Les membres du Haut Conseil se sont attachés, dans le très court temps qui leur était imparti, à vérifier que la méthode pour construire les scénarios macroéconomiques des finances publiques était cohérente avec les principales informations disponibles. Nous avons considéré qu'elle l'était.

Pour en venir à la question du président de la commission sur les dépenses, crédits d'impôt compris, la chose est tout à fait possible. Nous considérons que le montant serait affecté principalement par le CICE, lequel disparaît. Nous avons donc des raisons de penser que la hausse hors crédits d'impôt serait extrêmement proche de celle crédits d'impôt compris.

De même, plusieurs d'entre vous ont évoqué l'hypothèse de travailler sur des scénarios. Je ne sais s'il est possible de bâtir un projet de loi de finances à partir de scénarios. Le rôle du Haut Conseil n'est pas, à ce stade, de bâtir des prévisions. En revanche, avoir des scénarios peut être quelque chose de tout à fait pertinent dans le débat public, et le Haut Conseil est tout à fait prêt à y contribuer. Comme je le disais lors de ma précédente audition devant vous, les questions macroéconomiques, celles de finances publiques et les questions sanitaires constituent maintenant plusieurs faces d'une même pièce. Il faut donc pouvoir réfléchir sur la façon dont tout cela s'articule.

En 2020, les finances publiques absorbent les deux tiers de la baisse des revenus. Sur le niveau d'amortissement du déficit, le retour sur les prélèvements obligatoires se traduit par une élasticité plus faible, à 0,7, et donc un impact de la récession sur les prélèvements obligatoires moins fort que lors de la crise de 2008-2009. Cela dit, cela fait aussi partie des éléments sur lesquels nous pouvons travailler davantage.

Il nous semble que les crédits budgétaires sont suffisants pour compenser une grande partie de ce nouveau choc sur l'activité. Au terme de nos débats avec les administrations et avec le Gouvernement, ils intègrent un prolongement possible des restrictions sanitaires au-delà de novembre et même sur la totalité de l'année.

Plusieurs d'entre vous m'ont interrogé sur des éléments de comparaison avec d'autres pays. Nous ne nous sommes pas exactement livrés à cet exercice sur le solde structurel, mais la Commission européenne considère toutes les dépenses de soutien comme structurelles. Telle n'est pas l'hypothèse retenue en France : certaines dépenses sont considérées comme temporaires. Le débat sur le déficit structurel et sur les soldes structurels devra donc être reposé. Il paraît pertinent de demander, comme plusieurs d'entre vous l'ont fait, des éléments nouveaux lors de la révision des hypothèses pour le PLF pour 2021, si nous souhaitons rester dans des ordres de grandeur ayant quelque pertinence.

Pour ce qui est de la croissance potentielle, il apparaît d'ores et déjà que le PIB potentiel a été réduit d'un peu plus de 2 points sur 2020-2021. Il est encore trop tôt pour envisager une réduction durable de la croissance potentielle au-delà de 2021. Pour donner des ordres de grandeur plus précis, l'hypothèse en 2020 était de – 0,3 % – elle peut être encore affinée. Cette baisse est significative, puisque l'hypothèse était de + 1,25 % avant la crise. Cette détérioration entraîne des conséquences en cascade sur nos travaux.

Pour ce qui est du quatrième trimestre, des questions m'ont été posées sur le recul d'activité de 15 points par rapport à 2020. Nous avons nous aussi tenu ce débat avec le Gouvernement et avec les administrations. Nous nous sommes interrogés à ce sujet. En l'état, il s'agit d'un calcul un peu mécanique, de coin de table, pour atteindre - 11 % compte tenu des trois trimestres qui se sont déjà écoulés et de ce que nous pouvons anticiper sur le quatrième trimestre. Pour ces raisons, nous pensons qu'une estimation de 15 points est cohérente. Le chiffre pourra être légèrement plus élevé ou plus faible.

Un débat a porté sur le fait de savoir s'il fallait considérer les mesures comme durcies ou maintenues. Disons qu'elles sont prolongées, ce qu'explicite notre avis.

La Cour des comptes a établi des scénarios dans son dernier rapport de juin sur la dette publique et sur la perspective des finances publiques. Elle y reviendra. Je souhaite qu'elle assure un suivi quasi simultané sur la question que vous évoquez, monsieur le président, notamment celle de l'évaluation des impacts économiques.

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