Intervention de Sébastien Lecornu

Réunion du mercredi 22 novembre 2017 à 9h05
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre d'État, ministre chargé de la transition écologique et solidaire :

S'agissant de la libération des énergies renouvelables, je le redis : nous menons actuellement une série de travaux sur le modèle économique comme sur les aspects réglementaires. Nicolas Hulot et le Premier ministre m'ont demandé de présenter une feuille de route sur ce sujet début 2018.

Alors que ce n'était pas le cas par le passé, les énergies renouvelables sont devenues économiquement compétitives et permettent de produire de l'électricité à un prix comparable. Ainsi, pour la première fois, le parc éolien offshore déployé en mer du Nord ne bénéficie d'aucune subvention publique, le projet étant économiquement à l'équilibre. Reste à adapter nos normes et nos procédures, parfois encore un peu complexes.

Pour ce qui est du choix des territoires pilotes, monsieur Millienne, l'État a encore quelques outils d'aménagement du territoire, et c'est heureux. L'idée est de faire ce choix en coconstruction ; et mine de rien, les services de l'État, avec les TEPCV, ont bien vu comment cela fonctionnait dans les territoires… Qui plus est, pardon de le dire, il faut être deux. Nous ne sommes pas dans de l'appel à projet du genre : « Bonjour, venez faire un contrat »… C'est plutôt un appel à manifestation d'intérêt : nous examinerons les dossiers de tous ceux qui sont candidats. Mais je suis attaché à la diversité des panels, pour les quinze à vingt territoires démonstrateurs. Si on le fait seulement là où les choses fonctionnent bien et non là où c'est un peu plus compliqué, on nous dira que notre truc n'est pas généralisable. De même si on ne le teste pas outre-mer, on ne manquera pas de nous le reprocher. Il est fondamental d'avoir un bon échantillonnage : le succès même de l'opération en dépend. Cela passe aussi par des interlocuteurs motivés en face : élus locaux et monde économique. Il faudra donc faire des choix, et ils ne sont absolument pas arrêtés aujourd'hui. Ce qui compte pour moi, c'est la doctrine et les financements. Il faudra choisir ces territoires, sans trop se presser d'ailleurs, comme l'a dit M. Pancher, tout au long de l'année 2018.

S'agissant de l'évaluation, j'en ai parlé dans mon introduction. L'échec est facile à voir : quand on met beaucoup d'argent sur la table, on se rend vite compte si c'est « tout ça pour ça ». Tonnages de CO2, mètres carrés, je n'y reviens pas : il y a mille manières de mesurer.

Enfin, puisque le Président de la République et le Premier ministre ont choisi la stabilité en matière de régions et départements, nous n'allons pas commencer, à la faveur des contrats de transition écologique, à mettre en concurrence les compétences des uns et des autres. Chacun a des compétences en matière environnementale ; chacun est propriétaire de bâtiments publics : la performance énergétique du lycée pour le conseil régional, du collège pour le conseil départemental et du groupe scolaire du coin pour la commune, c'est le même enjeu… On ne peut pas non plus traiter de biodiversité en se passant des conseils départementaux : ils ont les espaces naturels sensibles dans leurs compétences, avec leur ingénierie, ils reçoivent à cet effet de la fiscalité affectée, et en bonne quantité… Il serait idiot de commencer à contrarier les élus départementaux là où ils peuvent apporter quelque chose. De même que les élus régionaux sur tout ce qui touche aux transports et à l'éco-mobilité.

Monsieur Pancher, vous souhaitez me voir très régulièrement pour faire état de l'avancée des contrats : je suis à la disposition du Parlement, c'est Mme la présidente Pompili qui décide quand je viens…

Je n'irai pas dire qu'on a gâché de l'argent public sur les TEPCV – M. Bouillon m'en voudrait vraiment –, mais seulement que le niveau d'exigence s'est relâché vers la fin. N'allons pas jouer le rôle de syndicalistes défenseurs des élus locaux : nous en connaissons tous, nous en sommes parfois, vous en avez tous dans vos circonscriptions… Mais un plan de remplacement d'ampoules dans une collectivité méritait-il vraiment d'être appelé « territoire à énergie positive pour la croissance verte », avec un bureau instructeur au ministère, des préfets, des secrétaires généraux aux affaires régionales (SGAR) pour gérer cela ? M. Pancher n'a pas tort : il s'est produit une certaine fuite en avant sur ces projets, au demeurant très inégaux. Je me fais d'ailleurs le porte-voix des élus locaux qui se sont lancés dans des projets très ambitieux, sont passés les premiers, ont essuyé les plâtres avec courage et constance, et qui ont été sidérés en découvrant à quel point le niveau d'exigence s'est relâché sur la fin. Je ne serai pas plus polémique ; j'ai été un peu brutal l'autre jour en séance de questions au Gouvernement et je vous en demande pardon, mais quand j'entends l'ancienne ministre faire la leçon à l'actuel Gouvernement sur le financement, j'avoue avoir du mal à garder mon calme…

Vous avez également mille fois raison, monsieur Pancher, de dire que les problèmes d'ingénierie des collectivités territoriales sont un véritable enjeu. C'est tout l'objet de l'Agence de la cohésion des territoires telle qu'elle est imaginée par le Gouvernement, et c'est tout le sens aussi de l'évolution de certains outils de l'État tels que le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA). Par ailleurs, le président de la Fédération des entreprises publiques locales, ici présent, ne me contredira pas quand j'ajoute que c'est aussi l'objet de la promotion des outils nouveaux que le législateur a imaginés ces dernières années, sociétés d'économie mixte (SEM) et sociétés publiques locales (SPL). Quand un projet très ambitieux est développé dans un territoire, il faut imaginer l'outil que l'on peut créer le temps de la promotion de ce projet : c'est là que l'État peut avoir un rôle à jouer pour l'accompagner. Or cela n'a pas été suffisamment fait, par exemple dans la résorption des friches militaires : lorsque l'armée s'est désengagée de toute une série de sites, on a souvent laissé la propriété foncière de la base aérienne du coin aux élus locaux sur le mode « débrouillez-vous », avec un peu d'argent issu des contrats de redynamisation de sites de défense (CRSD), mais pas suffisamment d'accompagnement d'ingénierie.

J'ajoute que l'adaptation des normes fait également partie de la réponse au monde rural : c'est souvent là qu'il est le plus compliqué de monter des dossiers et de se confronter à la gestion du contentieux. Quand un permis de construire est attaqué, c'est la commune qui paye les frais de justice. L'adaptation et la prévisibilité réglementaires permettent d'améliorer les choses.

Monsieur Bouillon, je vous ai rassuré sur le respect de la signature de l'État pour les TEPCV. Autant je peux être critique, autant je reconnais que cet outil a permis de créer un bon appel d'air. Il a permis aussi une forme de mutation culturelle dans l'esprit des élus locaux, qui ont découvert que le Président de la République et le Président des États-Unis d'Amérique ne sont pas les seuls à avoir la réponse en matière climatique : le maire d'une commune de 500 habitants a lui aussi un rôle à jouer. Les TEPCV ont accompagné le changement des mentalités et cela mérite d'être rappelé. Quand le maire d'une commune rurale a réalisé des travaux de rénovation de son école pour améliorer sa performance énergétique et que la facture en est réduite de 30 ou 40 %, le premier bénéficiaire est le budget communal et cela se voit tout de suite. C'est un bon moyen d'intéresser le monde rural.

Cela vaut aussi pour les énergies renouvelables. J'ai eu le plaisir, il y a deux mois en Vienne, d'annoncer au nom du Gouvernement que le tarif d'utilisation des réseaux publics d'électricité (TURPE) prenait en charge, par exemple, 40 % du raccordement d'un méthaniseur sur le réseau par un agriculteur. Cela permet soit d'aller chercher le réseau plus loin soit d'augmenter la rentabilité du modèle économique du méthaniseur. Une commune rurale qui installe des panneaux photovoltaïques sur le toit de son école bénéficie aussi de cette mesure. Les énergies renouvelables sont pour le coup un bon moyen de créer des recettes pour les communes. Nous faisons beaucoup de choses pour la ruralité mais elles passent parfois inaperçues à cause des difficultés de l'ingénierie.

Madame Panot, vous vous demandiez si les contrats allaient déroger à la pénurie financière – vous vouliez sûrement dire : au bon équilibre budgétaire. Les quinze à vingt contrats prévus l'an prochain, entre la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR), la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL), les crédits des agences de l'eau, de l'Agence française pour la biodiversité (AFB), de la Caisse des dépôts, ne poseront aucun problème de financement. De toute façon, un élu local ne partira pas dans tous les sens car jamais un projet n'est financé à 100 % : la loi prévoit toujours un reste à charge pour le maître d'ouvrage. Tout s'équilibrera donc avec beaucoup de rationalité. Quand nous passerons à la généralisation, il faudra bien sûr faire des choix budgétaires et reventiler les dispositifs, entre ceux que nous arrêterons et ceux que nous aurons généralisés ; à ceci près que nous aurons entre-temps énormément simplifié les choses. Aujourd'hui, les crédits et budgets en matière écologique sont partout, et c'est ce qui est infernal pour un maire : quand il reçoit l'autorisation de l'agence de l'eau pour réaliser des travaux, il n'a pas encore celle de la Caisse des dépôts ou celle du préfet. En outre, l'enjeu, pour les élus locaux, n'est pas tant les montants que la pluriannualité : un projet important est généralement à cheval sur plusieurs années budgétaires or l'autorisation du préfet pour la DSIL, par exemple, arrive souvent tardivement alors que le maire est obligé d'aller très vite dans l'annualité budgétaire pour lancer les travaux. Les contrats présentent en plus l'intérêt de donner de la lisibilité sur au moins trois ans ; pour un élu, un chef d'entreprise, un responsable d'association, cela change tout.

L'adaptation des normes n'est envisageable que si elle fait l'objet d'un consensus, y compris avec les associations environnementales. Je le redis, et les associations environnementales elles-mêmes nous le disent : ce sont parfois les normes destinées à protéger l'environnement qui freinent de bons projets pour l'environnement. On le voit bien sur les énergies renouvelables, et tout récemment encore avec ce report d'un parc éolien.

Monsieur Wulfranc, j'ai déjà défloré le sujet du diesel : Bruno Le Maire va bientôt installer un groupe de travail sur le sujet, en lien avec Nicolas Hulot, car le monde automobile connaît en effet des mutations profondes.

Le calendrier de mise en oeuvre des contrats de transition énergétique va-t-il assez vite ? Cela ne va jamais assez vite, je suis le premier à le penser, mais il faut néanmoins, pour que ce soit un succès, que nous prenions notre temps. Les contrats sont quelque chose de nouveau qui va, pour l'instant, se juxtaposer avec l'existant, avant peut-être une généralisation qui remplacera l'existant, mais nous n'en sommes pas encore là.

J'ai également répondu sur le rôle des régions. On en a besoin mais il faut faire attention à ne pas vouloir tout et son contraire. La situation dans la métropole rouennaise est un peu particulière mais, sur le terrain, les régions paraissent souvent bien lointaines pour les élus ruraux. Ce sera le rôle de l'État, monsieur Bouillon, de s'assurer que tous les acteurs s'assoient autour de la même table.

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