Intervention de François Villeroy de Galhau

Réunion du mercredi 13 janvier 2021 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France :

Je répondrai d'abord à votre question sur le bilan des banques centrales. Le propre d'une banque centrale est qu'il n'existe aucune limite, juridique ou théorique, à la taille de son bilan. La seule limite est le respect de son mandat. À la fin 2020, l'ensemble de l'euro-système (c'est-à-dire la BCE et les banques centrales nationales) détenait 3 660 milliards d'euros de titres, ce qui est nettement plus qu'à la fin de l'année 2019, où il détenait 2 600 milliards d'euros de titres – cela est dû à l'effet de nos programmes pendant la crise. L'euro-système détient 600 milliards d'euros de titres souverains français à la fin de l'année 2020.

S'agit-il d'une monétisation ? Non, car la monétisation, telle qu'elle est interdite par les traités, reviendrait à un financement direct et durable des déficits. Comme vous le savez, nous ne pouvons intervenir sur les titres souverains que sur le marché secondaire, c'est-à-dire auprès d'investisseurs privés. Il faut donc d'abord que les États aient placé leur dette auprès d'investisseurs privés sur le marché primaire.

J'avais eu l'occasion d'évoquer le cantonnement comme une référence historique. Le cantonnement ne peut être qu'une solution très partielle et jamais suffisante. Mettre à part la dette liée au COVID et lui accorder un délai plus long fait partie du facteur temps que j'ai évoqué. Si nous devions retenir partiellement ce cantonnement, il constituerait une raison de plus de résorber activement la dette ordinaire quand la croissance économique serait revenue et de maîtriser nos dépenses publiques.

Le verdissement est un élément très important de la revue stratégique de la BCE que monsieur le rapporteur général a cité. Cette revue stratégique est menée de la façon la plus transparente possible. Je souhaiterais d'ailleurs proposer à la commission des finances d'échanger, lorsque les conditions le permettront, afin que les parlementaires puissent éclairer cette revue stratégique. Nous lançons d'ailleurs des exercices de consultation « La Banque de France à votre écoute » au plan national et régional. La prise en compte du changement climatique par la politique monétaire est un élément important de cette revue stratégique. Il me semble nécessaire, au nom même du mandat et de la stabilité des prix, que nous prenions mieux en compte la lutte contre le changement climatique. Cela peut se faire au travers de plusieurs outils, par exemple par la prise en compte du changement climatique dans nos prévisions et nos modèles, ou encore dans nos achats d'actifs et notre politique de collatéral (c'est-à-dire de titres pris en garantie). La Banque de France a été la première banque de l'euro-système à prendre des engagements en faveur d'investissements responsables dans ses investissements propres, c'est-à-dire ses fonds propres et ceux de sa caisse de retraite. Nous publions chaque année un rapport qui fait référence en termes méthodologiques. Nous exclurons cette année toute entreprise dont les investissements carbone représentent plus de 2 % de l'activité, puis exclurons totalement en 2024 toute entreprise disposant d'un quelconque investissement carbone. Nous sommes en la matière, je crois, exemplaires.

Je répondrai ensuite à la question sur les conséquences concrètes d'une annulation de la dette. En pratique, cette solution n'est envisageable qu'en sortant de l'euro. Il s'agit là de la parole de la France, qui s'est engagée vis-à-vis de ses 18 partenaires et des 340 millions de citoyens de l'euro à asseoir la confiance dans la monnaie et à refuser le financement monétaire des déficits. Supposons néanmoins que dans un cadre totalement bouleversé, nous puissions annuler cette dette. Que se passerait-il concrètement dans le bilan de la Banque de France ? 600 milliards d'euros de titres de dette publique française sont détenus pour l'essentiel par la Banque de France. Si nous les annulons, les Français se sont un instant enrichis de 600 milliards d'euros. Mais dans la seconde suivante, nous devons constater une perte de 600 milliards d'euros au bilan de la Banque de France. Cela crée donc pour la banque une situation nette négative d'un montant extrêmement significatif. Les Français, qui en sont les actionnaires, ont alors perdu à hauteur équivalente. Nous n'avons donc rien gagné, mais nous avons attaqué la confiance en la monnaie. La situation d'une banque centrale avec des fonds propres négatifs et finançant les États se traduit, toujours et partout, par une forte inflation et une monnaie fondante. Ce jeu, incompatible avec nos engagements, serait extrêmement dangereux s'agissant de la confiance dans la monnaie.

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