Chers collègues, quatre ordonnances sont ratifiées par ce projet de loi.
La première porte sur le fonds de solidarité et comprend deux mesures, dont l'une prolonge son existence jusqu'au 31 décembre 2020. Le fonds ayant été institué pour une durée de trois mois, une prolongation était nécessaire au mois de juin. Néanmoins, cette mesure est purement formelle, puisque la date retenue par l'ordonnance a déjà été modifiée par la loi de finances pour 2021, qui a maintenu le fonds de solidarité jusqu'au 16 février 2021. Le deuxième article de l'ordonnance organise l'échange d'informations entre administrations et élargit le nombre d'agents habilités à réclamer des documents aux bénéficiaires du fonds pour contrôler leur éligibilité. On pourrait craindre un alourdissement administratif, mais les 100 000 contrôles a posteriori ont permis d'identifier jusqu'ici 21 614 demandes frauduleuses. Des actions en recouvrement ont été engagées. Il faut saluer la vigilance de l'administration. Pour rappel, au 15 janvier 2021, le fonds de solidarité avait distribué plus de 6 millions d'aides à 1,9 million d'entreprises, pour un montant total de 12 milliards d'euros. Il s'est révélé un instrument indispensable pour soutenir notre économie.
La deuxième ordonnance comprend plusieurs articles qui dérogent de manière temporaire au code de la commande publique. Ces dérogations ont pour principal objectif de soutenir les entreprises fragilisées par les conséquences de l'épidémie. Ainsi, l'article 1er de l'ordonnance empêche que les entreprises en procédure de redressement judiciaire soient exclues des procédures de passation de marchés et de concessions, dès lors qu'elles bénéficient d'un plan de redressement. L'article 2 facilite l'accès des PME et des artisans à la commande publique en imposant, pour les marchés publics globaux, qu'au moins 10 % de l'exécution du marché soit confié à des PME. Ces deux articles s'appliquent jusqu'au 10 juillet 2021. Enfin, l'article 3 impose aux acheteurs publics de ne pas tenir compte de la baisse de chiffre d'affaires liée à l'épidémie lors de l'examen de la capacité économique d'une entreprise. Cet assouplissement s'applique jusqu'au 31 décembre 2023, la capacité économique d'une entreprise pouvant être appréciée par les acheteurs sur les trois derniers exercices disponibles. Cette ordonnance établit ainsi un équilibre entre respect des principes de la commande publique et adaptation de notre droit aux circonstances particulières.
La troisième ordonnance modifie l'organisation du groupe Bpifrance. Nous avions déjà adopté sa ratification au sein du projet de loi ASAP, avant que le Conseil constitutionnel censure la disposition correspondante comme cavalier. Aussi, le Gouvernement nous propose de nouveau de la ratifier. Je ne pense pas que nous courrons le même risque avec ce projet de loi, pour deux raisons. D'une part, les quatre ordonnances ont été adoptées sur la base de l'article 11 de la loi du 23 mars 2020, qui nous fixait un but commun : le soutien à l'économie dans un contexte de crise sanitaire. D'autre part, la réorganisation interne de Bpifrance lui permet de fournir un volume plus élevé de garanties de prêts bancaires, ce qui correspond effectivement à la finalité initiale de soutien à l'économie. Nous pouvons seulement regretter que nous ne procédions que demain à l'audition du directeur général de Bpifrance.
J'en viens au fond de cette ordonnance, qui apporte des modifications importantes à l'organisation du groupe Bpifrance : l'absorption de la société mère par sa filiale dédiée au financement de l'économie. Il y aura donc, à l'issue de la fusion, une société anonyme et deux filiales qu'elle contrôle à 100 %. Initialement, ce groupe était constitué d'une société anonyme détenue à moitié par l'État et à moitié par la Caisse des dépôts. Cette société anonyme contrôlait trois filiales, exerçant chacune une des missions dévolues à la Bpi : le financement des TPE-PME par le biais de garanties bancaires et de prêts, l'assurance-export et l'investissement. Les deux filiales dédiées à l'assurance-export et à l'investissement étaient détenues à 100 % par la société anonyme Bpifrance. La troisième filiale, Bpifrance Financement, qui accorde les garanties et des prêts, était dans une situation un peu différente, dans la mesure où des acteurs bancaires privés détenaient une participation minoritaire de 9 % de la filiale, la société Bpifrance contrôlant les 91 % restants.
L'intérêt de la fusion est de consolider la structure financière du groupe. Ainsi, cette fusion permet de doubler les ratios de solvabilité de Bpifrance et d'augmenter la capacité d'intervention en prêts et garanties du groupe. En particulier, elle a permis de dégager 400 millions d'euros pour abonder les fonds de garantie de Bpifrance au moment du premier confinement, sans dotation budgétaire supplémentaire de l'État, et de distribuer 2,8 milliards d'euros de prêts Atout, sans garantie. Cette fusion est également utile dans le cadre de la mise en œuvre de la partie du plan de relance confiée à la Bpi en 2021 et 2022.
L'actionnariat de cette nouvelle société anonyme change de façon marginale. Auparavant, je l'ai dit, le capital était détenu par deux acteurs publics : l'État, par le biais de l'établissement public et commercial Bpifrance, et la Caisse des dépôts et consignations. Dans le nouveau schéma, ces deux acteurs ne détiennent plus la totalité du capital, mais au minimum 95 % dont la moitié pour l'État. Les 5 % restants – c'est un maximum – peuvent être détenus par des acteurs bancaires privés bénéficiaires des garanties de Bpifrance. L'association de ces acteurs privés au capital du groupe n'est pas nouvelle : actuellement, ils détiennent 9 % du capital de la filiale Bpifrance Financement. Cette fusion n'entraîne pas, dans l'immédiat, de transfert de titres : l'État et la Caisse des dépôts détiennent 98,6 % des droits de vote au sein de la nouvelle entité, les actionnaires minoritaires détenant les 1,4 % restants. Ce n'est que dans un second temps que certains actionnaires minoritaires pourraient être amenés à céder des titres.
L'article 4 prévoit la ratification d'une quatrième ordonnance, qui apporte une dérogation au droit commun des avances d'actionnaires. Ainsi, les fonds communs de placement à risque (FCPR), les fonds communs de placement dans l'innovation (FCPI) et les fonds d'investissement de proximité (FIP) peuvent consentir des avances correspondant à 20 % et non plus à 15 % de leur actif. Pour les fonds professionnels de capital investissement et les sociétés de capital-risque, la limite est portée de 20 à 30 %.
Cette mesure est inspirée par le même souci que beaucoup des mesures adoptées dans l'urgence : permettre aux entreprises de faire face à leurs engagements en leur fournissant la trésorerie nécessaire. En l'espèce, il s'agit de permettre aux fonds communs d'investissement d'octroyer des avances plus importantes que d'habitude, lesquelles doivent avoir été consenties entre le 1er mars et le 31 décembre 2020 à des sociétés ayant subi une perte de chiffre d'affaires d'au moins 10 % entre le 1er mars et le 30 avril 2020. Le retour aux plafonds de droit commun doit intervenir d'ici au 30 juin 2022. J'ai demandé à l'administration des éléments permettant de chiffrer l'apport que ces avances ont pu constituer pour les entreprises bénéficiaires – ils apparaîtront dans mon rapport. Je présenterai deux amendements rédactionnels et vous propose d'adopter le projet de loi modifié.