Intervention de Alexandre Holroyd

Réunion du mardi 19 janvier 2021 à 17h15
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlexandre Holroyd, rapporteur pour avis :

Notre commission s'est saisie pour avis du projet de loi autorisant l'approbation de la décision du Conseil relative aux ressources propres (DRP) de l'Union européenne pour la période 2021-2027. Cette nouvelle décision se substituera à celle du 26 mai 2014 et sera applicable rétroactivement à compter du 1er janvier 2021.

Nous avons débattu du prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne pour l'année 2021 dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances. Il nous incombe désormais d'étudier les modalités de financement du budget de l'Union pour les sept prochaines années, autrement dit le volet recettes du cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027. En effet, la DRP est négociée de façon concomitante au volet dépenses, à savoir le cadre financier pluriannuel adopté par le Conseil le 17 décembre dernier à la suite de l'approbation donnée la veille par le Parlement européen. Le CFP établit un budget à long terme de 1 074,3 milliards, auquel s'ajoutent 750 milliards au titre du plan de relance européen Next Generation EU.

La ratification rapide par l'ensemble des États membres de la décision « ressources propres » est particulièrement importante cette année car elle conditionne la possibilité pour la Commission européenne d'emprunter sur les marchés et donc de financer le plan de relance européen. Plus la ratification prendra du temps, plus les premiers versements du plan de relance européen à destination des États membres seront différés. En France, la ratification ne peut intervenir qu'après avoir été autorisée par le Parlement. Je vous propose donc une brève présentation de ce que prévoit cette décision et de ses conséquences budgétaires pour nos finances.

Si la présente décision proroge le système de ressources propres dans ses principaux aspects, elle illustre également une volonté de renouvellement des ressources de l'Union, de simplification des mécanismes de compensation et de mise en œuvre d'un cadre extraordinaire permettant de faire face à la crise.

Pour la période 2021-2027, la DRP ne modifie qu'à la marge les modalités de calcul de la contribution française. Le ressaut de celle-ci est essentiellement la conséquence de la fin de la contribution britannique et de l'augmentation du budget européen. L'évolution de la contribution française totale entre les périodes 2014-2020 et 2021-2027 est d'environ 35 %. Elle est ainsi comparable à celle observée dans d'autres États membres : 34 % en Belgique, 34 % en Espagne, 37 % aux Pays-Bas, 35 % en Autriche.

La contribution totale de la France au budget de l'Union européenne devrait s'élever à 207,5 milliards d'euros pour l'ensemble de la période 2021-2027, soit une moyenne de 29,6 milliards par an. La France supporterait donc une augmentation de 55,8 milliards par rapport à la programmation pluriannuelle 2014-2020, soit 8 milliards par an avant création de toute autre nouvelle ressource propre.

Depuis plusieurs années, la France soutient, dans les négociations avec ses partenaires européens, le principe d'une diversification des sources de financement de l'Union. Il faut donc se féliciter de la mise en place, dès cette année, d'une nouvelle ressource fondée sur la part des déchets d'emballages plastiques non recyclés – cela n'était pas arrivé depuis le Conseil européen de Bruxelles de 1988. L'effet de l'introduction de cette nouvelle ressource est toutefois limité : elle devrait coûter en moyenne 1,1 milliard d'euros par an à la France, ce qui représente 4 % de sa contribution totale.

La DRP proroge ensuite les trois ressources propres de la période précédente. Il s'agit, premièrement, des ressources propres traditionnelles, c'est-à-dire les droits de douane perçus sur les importations de produits en provenance de pays extérieurs à l'Union européenne – représentant 1,7 milliard d'euros en moyenne par an dans la contribution française sur la période 2021-2027 –, deuxièmement, de la ressource fondée sur la TVA due par chaque État membre après application d'un taux d'appel de 0,3 % à une assiette de TVA évaluée de manière harmonisée dans tous les États membres – 3,8 milliards d'euros par an pour la France – et, troisièmement, de la ressource fondée sur le revenu national brut, ressource d'ajustement permettant au budget européen d'être systématiquement à l'équilibre – 22,9 milliards d'euros par an pour la France.

Pour chacune des années couvertes par le CFP, le total des crédits ouverts en dépenses ne peut conduire à un taux d'appel de ressources propres supérieur à un plafond, soit 1,4 % du revenu national brut des États membres pour les crédits de paiement et 1,46 % pour les crédits d'engagement. Ce relèvement des plafonds par rapport à la période précédente s'explique par une baisse du RNB européen de 0,09 point en raison de la sortie du Royaume-Uni et de 0,11 point du fait de la crise économique résultant de la crise sanitaire.

Les compensations financières accordées à certains États membres font souvent l'objet d'âpres discussions. Le prochain CFP marque la fin des rabais traditionnels ; seul subsiste un rabais forfaitaire pour les cinq États membres que sont l'Autriche, le Danemark, l'Allemagne, les Pays-Bas et la Suède, alors qu'il existait également auparavant un taux d'appel réduit de TVA et un rabais sur le rabais britannique. Ces réductions devront être renégociées à chaque CFP. En montant, il est à noter que le financement par la France des corrections est en baisse par rapport au cadre financier pluriannuel 2014-2020 : conséquence logique du Brexit, la compensation en faveur du Royaume-Uni est supprimée, ce qui représente un gain annuel de 1,1 milliard d'euros pour la contribution française. Enfin, afin de faciliter l'introduction de cette nouvelle ressource propre et d'éviter des effets régressifs, la présidence du Conseil a décidé d'accorder aux États membres en convergence, c'est-à-dire dont le RNB est inférieur à la moyenne de l'Union, une réduction forfaitaire annuelle correspondant à 3,8 kilogrammes d'emballages plastiques non recyclés par habitant. Toutes ces corrections sont financées par la ressource RNB et, par conséquent, par l'ensemble des États membres au prorata de leur part relative dans le revenu national brut européen.

La nouvelle DRP diffère de l'ancienne en ce qu'elle comporte une autorisation d'emprunt. En effet, la Commission pourra recourir aux marchés pour financer le plan de relance européen. Cette dette commune devra être remboursée par le budget de l'Union à partir de 2028. La Commission travaille actuellement à l'élaboration de la stratégie des émissions de la dette liée au financement du plan de relance. Les émissions obligataires seront pilotées par la Commission européenne, où la direction générale du budget jouera un rôle opérationnel. La Commission espère pouvoir commencer à emprunter sur les marchés dès le mois de juin 2021. Le remboursement du principal de l'emprunt devra commencer en 2028 sur une période maximale de trente ans ; sur la période 2021-2027, seuls les intérêts des emprunts correspondant aux subventions du plan de relance seront remboursés. Le coût provisionné dans le CFP est de 15 milliards d'euros sur la période, ce qui représente une hausse de 0,4 milliard d'euros sur le prélèvement sur recettes au profit de l'Union européenne (PSR-UE).

Par ailleurs, à l'occasion de son discours sur l'état de l'Union, la présidente de la Commission a annoncé qu'un tiers des émissions serait réalisé sous la forme d'obligations vertes, ou green bonds, qui ont pour objet de financer des projets ayant un impact positif sur l'environnement. Le document cadre dans lequel s'inscriront les obligations vertes de l'Union européenne n'a cependant pas encore fait l'objet d'une communication précise. Il est probable néanmoins que ces titres verts obéissent au Green Bonds Principles de l'ICMA – International Capital Market Association –, standard de marché très largement partagé.

Pour conclure, je souhaite saluer l'accord interinstitutionnel du 10 novembre 2020 entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission, qui précise le calendrier d'introduction des nouvelles ressources. Selon cet ambitieux calendrier, une ressource fondée sur le système d'échange de quotas d'émissions carbone, un mécanisme d'ajustement carbone aux frontières et une redevance numérique pourraient être effectifs à partir de 2023 ; une taxe sur les transactions financières et une contribution financière liée au secteur des entreprises ou une nouvelle assiette commune sur l'impôt des sociétés pourraient l'être à partir de 2026. Les estimations budgétaires de ces potentielles ressources ne sont pas encore connues car elles dépendront des dispositifs retenus par la Commission.

Je propose donc à la commission des finances de donner un avis favorable à l'adoption de ce projet de loi.

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