Ce texte, dont l'importance est inversement proportionnelle à sa longueur, est une bonne nouvelle pour la France et pour l'Europe.
Plusieurs nouvelles ressources propres sont envisagées : taxe sur les services numériques, taxe sur les transactions financières, émissions carbone. Sur ce dernier point, deux mesures de ressources propres différentes peuvent être proposées : l'une consiste à allouer une partie des ressources du système européen d'échange de quotas d'émissions existant à la Commission européenne ; l'autre est le mécanisme d'ajustement aux frontières, qui créerait une imposition sur les produits entrant dans l'Union européenne qui seraient moins-disants sur le plan environnemental. Cette distinction me paraît importante parce que la première n'est qu'une réallocation d'un mécanisme existant. Elle est donc politiquement la plus facile à obtenir puisqu'elle ne requiert pas la création d'un quelconque mécanisme : une décision du Conseil de réallouer certaines recettes à l'Union européenne suffit. Ces deux ressources propres seront proposées en premier, avec l'objectif de parvenir à un accord interinstitutionnel d'ici le 1er janvier 2024, ce qui est très rapide au regard des procédures de l'Union européenne.
Je souhaite mettre fin à une incompréhension sur la nature de la contribution sur les emballages plastiques non recyclés. Il ne s'agit pas véritablement d'une ressource propre, mais plutôt d'une variable servant à ajuster la contribution RNB. C'est un système de malus-bonus, et non la création d'un nouvel instrument de financement de l'Union européenne. La réduction forfaitaire dont bénéficient certains États membres se justifie par leur niveau de développement économique et par leur retard dans la politique de recyclage : ils auraient été lourdement pénalisés par l'application de cette contribution.
Cela dit, il s'agit d'un ajustement brut non variable, ce qui veut dire qu'il réduit le pouvoir incitatif de la contribution plastique – cela peut sembler contre-intuitif. Les ajustements dont nous parlons avec la réduction forfaitaire sont relativement anecdotiques par rapport aux rabais – ils représentent quelques dizaines de millions d'euros par État membre. La contribution française est augmentée en conséquence de 125 millions d'euros, c'est-à-dire 27 % environ du coût total de la réduction forfaitaire, tandis que l'Allemagne contribue à hauteur de 40 %.
Par ailleurs, si la France s'améliore en matière de recyclage, notamment grâce aux mesures prises par le Gouvernement, la variable afférente diminuera. Ainsi, la contribution de chaque État membre diminue en fonction des progrès qu'il accomplit dans ce domaine. Il me semble clair que la création de rabais sur les nouvelles ressources propres, dans le cadre du prochain CFP, doit être exclue. C'est pourquoi je suis satisfait que cette ressource propre prenne la forme d'une contribution forfaitaire et ne soit pas indexée sur la contribution initiale de chaque État membre.
J'en viens justement aux rabais, que tous les orateurs ont évoqués. En préambule, je tiens à dire que ce débat me pose problème, car il tend à entériner l'idée selon laquelle les bénéfices de l'appartenance à l'Union européenne se confondent avec le retour net que l'on perçoit sur ce que l'on verse à Bruxelles. Cette idée a servi d'argument de campagne parfaitement fallacieux dans le cadre du Brexit. Une entreprise bénéficiant du marché unique ne peut pas être considérée comme un revenu net issu des subventions de Bruxelles, mais comme un bénéfice créé par l'Union européenne. Il en résulte une amélioration considérable de la situation économique, notamment grâce à la création de nombreux emplois, qui excède la théorie du juste retour, selon laquelle verser 100 euros et en recevoir 98 équivaut à en perdre 2, sans considération pour la valeur et les emplois créés.
Toutefois, nous sommes à la commission des finances, ce qui nous impose de comparer un tant soit peu les contributions de chaque État membre. Dans ce cadre, la question des rabais se pose.
Premièrement, la philosophie dont ils procèdent a changé de façon significative ; ils ont été simplifiés. Jusqu'à présent, plusieurs modalités de calcul contribuaient à leur élaboration préalable. Dans le cadre du prochain CFP, une somme forfaitaire brute, intégralement renégociable à chaque échéance, sera fixée. Auparavant, la pluralité des assiettes et des taux d'appel leur conférait une légitimité institutionnelle accrue. Ce changement de philosophie me semble très important : il augure d'une réduction considérable des rabais lors de la négociation du prochain CFP.
Deuxièmement, la contribution assise sur les droits de douane de certains États membres bénéficiant d'un rabais a augmenté de façon considérable. Ainsi, celle des Pays-Bas augmente de 37 %, soit davantage que notre contribution au prélèvement sur recettes au profit de l'Union pour les sept prochaines années. Les rabais ne constituent donc en rien une exonération ou une diminution de l'augmentation des contributions des États membres.
La contribution de la France au financement du rabais britannique, sur laquelle Mme Dalloz m'a interrogé, s'élève à 1,3 milliard d'euros pour la période 2010-2020. Sa suppression nous permet d'en récupérer la plus grande part, à hauteur de 1,1 milliard d'euros. La contribution des grands pays européens au budget de l'UE augmente dans des proportions comparables, allant de 32 % à 37 %.
Plus généralement, la France a une opposition de principe aux rabais. Nous nous sommes battus corps et âme pour les faire disparaître. Toutefois, à l'issue d'une négociation, il faut se satisfaire du résultat obtenu. Nous ne nous accommoderons jamais de l'existence de rabais sur les contributions des États membres, mais il faut bien admettre que le changement de philosophie opéré dans leur calcul est un pas en avant considérable. De surcroît, leur maintien était une condition sine qua non de tout accord sur le plan de relance européen, qui faisait l'objet de critiques de la part de certains États membres.
Madame Rubin, vous plaidez pour le renforcement des ressources propres de l'Union européenne par l'introduction d'une taxe sur les GAFA et d'une taxe sur les transactions financières (TTF) à l'échelle européenne. Il me semble que le présent projet de loi devrait vous satisfaire : il comporte un calendrier très précis, qui prévoit notamment l'introduction de propositions avant le 1er janvier 2023 – demain, à l'échelle de l'UE –, en vue d'un accord, en 2024, sur le système communautaire d'échange de quotas d'émission (ETS) et sur le mécanisme d'ajustement carbone aux frontières. Ces deux dispositions créeront des ressources propres mieux-disantes financièrement et dotées d'une vertu incitative en faveur de la transition écologique. Il me semble que nous pouvons nous en féliciter.
Par ailleurs, l'harmonisation de l'impôt sur les sociétés (IS) est prévue pour 2026. Il s'agit d'un sujet difficile, source de contentieux. Il faut dire à nos concitoyens les choses telles qu'elles sont : exiger des efforts de convergence fiscale de 27 États n'est pas aisé et prend du temps. Élaborer une TTF ou une assiette commune consolidée de l'impôt sur les sociétés (ACCIS) requiert beaucoup de travail et de conviction politique. Un calendrier clair et précis a été arrêté ; la Commission est tenue de le respecter. Une fois ses propositions publiées, nous pourrons les critiquer, ou nous en féliciter, sur tel ou tel aspect. Pour la première fois, un calendrier, proposé par la Commission, a été adopté par le Conseil et par le Parlement européen à ce sujet. Il est inclus dans le texte que nous examinons aujourd'hui. Rejeter l'un, c'est rejeter l'autre.
Enfin, la cohérence de vos choix m'échappe. Vous affirmez que le versement de subventions européennes dépend de l'adoption de mesures d'austérité. La seule conditionnalité prévue par le texte ressortit à l'État de droit ainsi qu'au respect des principes démocratiques les plus élémentaires, que défend l'Union européenne, et nullement à des réformes structurelles, auxquelles pas une ligne du texte n'est consacrée – qu'on soit pour ou contre est un autre débat. La seule condition posée est le respect des valeurs essentielles qui définissent nos sociétés et font notre fierté collective. Au demeurant, le texte permet de mettre en œuvre le plan de relance européen, grâce à l'emprunt de 750 milliards d'euros, dont 360 milliards de prêts intra-européens, ce qui est sans précédent. Pour la première fois, la solidarité s'exprime de façon claire, crédible et large au sein de l'Union européenne ! Il me semble que nous devrions nous en féliciter. C'est le fruit d'un travail considérable mené par le Président de la République et par Clément Beaune, secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des affaires étrangères, ainsi que par les gouvernements français qui se sont succédé depuis plusieurs années. Nous pouvons nous féliciter de parvenir à avancer dans cette direction. Le présent texte est emblématique de cette progression.