Intervention de Véronique Louwagie

Réunion du mercredi 3 mars 2021 à 9h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaVéronique Louwagie, rapporteure spéciale :

La première de vos questions, monsieur le rapporteur général, était de savoir si j'avais pu mener une évaluation de l'ensemble des dépenses engagées contre cette maladie. Non. J'ai tenté de le faire, mais certaines dépenses de prévention et de surveillance vectorielle relèvent d'opérateurs et sont fondues dans celles afférentes à l'ensemble de leurs missions. À ce jour, je n'ai pas de données isolées et fiables. Concernant le coût de la maladie pour la société, une association a effectué un travail en ce sens et avancé le chiffre d'un milliard d'euros par an, mais je ne peux le valider à ce stade, parce que la méthodologie sous-jacente me paraît incertaine. Le deuxième plan doit à mon sens permettre de montrer que le coût de la maladie de Lyme est probablement très supérieur à l'effort de recherche de 5 millions d'euros supplémentaires par an que je recommande.

Deux programmes budgétaires sont concernés à titre principal : le programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins de la mission Santé, dont je suis rapporteure spéciale et qui est placé sous la responsabilité du directeur général de la santé (DGS), et le programme 172 Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires de la mission Recherche et enseignement supérieur, lequel finance l'Agence nationale de la recherche, l'INSERM et l'Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales. D'autres le sont probablement à raison du fonctionnement général de certains établissements, sans que ces charges soient individualisées : c'est par exemple le cas de l'Office national des forêts (ONF), financé par le programme 149 Compétitivité et durabilité de l'agriculture, de l'agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l'aquaculture de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales.

D'autres organismes pourraient-ils être concernés ? Tout dépendrait des orientations prises. Un aspect décevant du plan national de 2016 tient au fait qu'il a manqué un chef de file. Je vois trois possibilités : l'INSERM, une nouvelle agence ad hoc ou la nouvelle agence nationale de recherche sur les maladies infectieuses et émergentes. Personnellement, étant peu favorable à la création de structures, je privilégie plutôt cette dernière.

Chère collègue Dubié, effectivement, le débat sur le sujet existe, et il est clivant. Il y a aujourd'hui des incertitudes, et, surtout, de véritables controverses qui créent une véritable défiance entre une partie des scientifiques, les associations de patients et les institutions. Pour y mettre fin, il nous faut mieux connaître cette maladie ; c'est pour cela que je propose un effort en faveur de la recherche. Je le dis et je le répète car je trouve que cela exprime bien la situation : l'ignorance nourrit les controverses et alimente la défiance.

Au delà de la recherche, il faudra une amélioration de la gouvernance. Il n'est pas normal d'avoir attendu trois ans après le début du plan pour faire un état des lieux des projets de recherche effectués. Cet état des lieux a été demandé à l'INSERM, mais il a fallu attendre trois ans, ce qui est trop long.

Effectivement, chère collègue Nicole Trisse, c'est sur la santé animale plutôt qu'humaine que se sont concentrées les recherches ; il faut que cela évolue. Et nous avons effectivement très peu de recherche clinique sur les diagnostics.

La France ne participe pas aux projets européens. J'en fais état dans mon rapport, car des projets ont été lancés au niveau européen, notamment un programme-cadre Horizon. La France, si elle s'est inscrite dans ce programme, ne l'a pas fait pour la maladie de Lyme, ce qui confirme un problème de pilotage. Elle n'a par exemple pas participé au programme North-ticks, soutenu par l'Union européenne, qui, entre 2014 et 2020, a rassemblé onze bénéficiaires provenant de sept pays : l'Allemagne, la Belgique, le Danemark, la Norvège, la Suède, le Royaume-Uni et les Pays-Bas. Au delà de la mobilisation de moyens supplémentaires, il faut créer un véritable effet d'entraînement pour que la France soit active au niveau européen.

Cher collègue Lauzzana, vous témoignez d'un véritable désarroi face au diagnostic. Je le disais, nous avons très peu de recherche clinique sur les diagnostics. Vous évoquiez la situation de la recherche. Je rappellerai que les 46 projets de recherche que j'ai pu identifier sur la période sont financés par 31 opérateurs, ce qui est considérable. Seuls deux dossiers présentent des montants supérieurs à 500 000 euros, et un tiers des dossiers présentent des montants inférieurs à 50 000 euros. La recherche est donc éclatée et fragmentée, ce qui ne participe pas à un effet d'entraînement, une optimisation et une efficacité. C'est pour cette raison que je propose qu'il y ait un véritable chef de file. Un référent national permettra de faire en sorte que cette maladie de Lyme soit reconnue comme un enjeu de santé publique. En outre, il pourra jouer un rôle transversal d'animation utile, compte tenu du nombre de sujets à prendre en compte – difficultés relatives au diagnostic, sujets de prévention…

Quant aux associations, la défiance et le désarroi sont tels qu'il faut que la démocratie sanitaire s'applique et que les associations soient intégrées dans les comités de pilotage, tout comme l'éducation nationale et les collectivités territoriales. Pour renforcer la démocratie sanitaire, il faut permettre aux associations de patients de jouer leur rôle.

Je salue l'engagement de Mme Dalloz dans la lutte contre la maladie de Lyme. Nous ne pouvons que nous réjouir que le sujet soit aujourd'hui amplement évoqué. Vous évoquiez, chère collègue, le désarroi des patients et des médecins face au diagnostic, avec la coexistence de plusieurs écoles. Pour avancer, comme dans d'autres domaines, il faut, j'y reviens, améliorer nos connaissances, ce qui ne peut passer que par la recherche. Et, au delà de la mobilisation de fonds pour la recherche, il faut une animation de la recherche par un pilote pour créer un véritable effet d'entraînement, un mécanisme de cohorte, et permettre à la France de se saisir de projets européens de recherche et d'y participer.

Je fais état dans mes recommandations de la mise en place d'une déclaration obligatoire à titre expérimental. Aujourd'hui, le dispositif Sentinelles est dénué d'intérêt dans un certain nombre de départements. En effet, un référent seulement dans un département pour déclarer les cas de maladie de Lyme constatés, c'est insuffisant. Sur 96 départements métropolitains, 29 n'ont qu'un ou deux médecins pour faire remonter les données, lesquelles sont par ailleurs l'objet de controverses. Chaque année, il y a 50 000 nouveaux cas, contre 30 000 il y a quelques années, mais ces chiffres méritent d'être confortés. C'est pourquoi, à titre expérimental, la déclaration obligatoire pourrait être mise en place dans quelques territoires.

La question du coût pour la sécurité sociale n'entrait pas dans le périmètre de ma mission. La mission d'information de la commission des affaires sociales pourra en revanche y répondre.

Cher collègue Hammouche, s'agissant d'abord du coût de la prévention, le coût des campagnes d'information depuis 2016, communiqué par Santé Publique France, s'élève à 365 000 euros. Quant à l'actuelle crise sanitaire, elle ne doit pas détourner l'attention de ce véritable enjeu de santé publique qu'est la maladie de Lyme ; je plaide donc pour la mise en œuvre d'un second plan sans attendre la fin de la crise sanitaire. En ce qui concerne la nouvelle agence de recherche sur les maladies infectieuses et émergentes, je crois avoir déjà répondu. Enfin, je n'ai pu faire une évaluation en termes de financement que sur la question de la recherche.

Je partage le constat de notre collègue Jean-Louis Bricout : il est urgent d'intervenir compte tenu de l'augmentation du nombre de cas. J'ai déjà répondu sur l'agence pouvant être le pilote. Dans le cadre de mes auditions, j'ai eu l'occasion de poser la question sur la répartition des 5 millions d'euros supplémentaires. Aujourd'hui, la communauté des chercheurs qui étudient cette maladie est réduite, et le plan de 2016 n'a pas su créer d'effet d'entraînement. Plusieurs établissements m'ont cependant indiqué que le potentiel existait, que les chercheurs étaient intéressés. La création d'un programme pluriannuel permettrait de mobiliser ce potentiel. Pour cela, il faut un pilote et une déclinaison pluriannuelle pour donner de la visibilité à cette communauté et l'inciter à s'engager.

En matière de surveillance vectorielle, il faut que l'éducation nationale sensibilise de manière plus précoce nos enfants, qui sont également touchés, comme le fait par exemple le Canada.

Chère collègue Magnier, au delà d'un effort financier en faveur de la recherche, il faut un pilote, comme je l'ai déjà dit. Les chercheurs sont prêts, mais il faut un programme pluriannuel pour déclencher des projets d'envergure. Les chiffres que j'ai déjà mentionnés témoignent de l'éclatement de la recherche, ce qui ne va pas dans le sens de l'efficacité des deniers publics, dont nous sommes les garants.

Le plan de 2016 a permis d'accompagner le développement du projet CITIQUE, qui a pour vocation de surveiller de manière participative l'exposition de la population aux tiques. Une application mobile Signalement Tiques a été créée et recueille un certain nombre de signalements de piqûres de tiques faits par des agriculteurs, des vétérinaires, des médecins, des randonneurs… Depuis son lancement au mois de juillet 2017, elle a été téléchargée plus de 50 000 fois. Les résultats de ce projet sont probants : 50 000 signalements de piqûres, 35 000 tiques ont été transmises aux porteurs de projet et archivées dans une « tiquothèque », et près de 2 000 tiques ont été analysées. Cela participe à la recherche.

Chère collègue Rubin, l'analyse de l'impact de la propagation de la maladie sur l'écosystème aurait dépassé le périmètre de ma mission, je n'ai donc pas d'éléments à vous apporter.

M. Dufrègne soulignait la nécessité de se mobiliser. J'espère que, dans la lignée de ce que nous avons fait sur les cancers pédiatriques, nous pourrons effectivement nous mobiliser au-delà des différentes sensibilités politiques sur ce sujet.

M. Castellani évoquait l'articulation de la recherche. Il n'y avait pas de collectif, et il a déjà fallu attendre trois ans pour faire le recensement de ces projets par l'INSERM. Pendant trois ans, chacun a travaillé de son côté. C'est pour cela qu'il nous faut une gouvernance bien établie. Il faut également que ce deuxième plan soit l'objet d'un rapport public annuel.

Il est important de souligner que la plupart des plans de santé publique comportent aujourd'hui des indications financières, ce qui n'était pas le cas du plan engagé en 2016. Les plans sans moyens dédiés sont relativement rares. Ainsi, le troisième plan national des maladies rares a été engagé en 2018 avec 777 millions d'euros. De même, la stratégie nationale pour l'autisme de 2018 présentait un engagement de 344 millions d'euros. En 2016, nous avions un plan sans moyens financiers, sans évaluation et sans rapport public annuel…

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