Ce qui est certain, c'est que Bercy ne souhaite pas inscrire les CEE dans le budget pour conserver leur côté « marché » et une certaine fluidité. Le dispositif est assez hybride puisque le ministre fixe des volumes, qui ont directement des répercussions sur le porte-monnaie des Français. À la pompe, une grande partie des CEE est financée, par exemple, par le carburant. Entre la TVA votée par le Parlement ou une autre taxe ou accise qui obéissent à des règles budgétaires et le CEE, qui se traduit très concrètement par un prélèvement dans la poche des consommateurs, il n'y a aucune différence pour le citoyen. En effet, les obligés répercutent sur les consommateurs le coût des CEE.
Pour la quatrième période, Mme Royal avait augmenté souverainement le volume des CEE, ce qui s'était traduit, au début de cette période, par de graves difficultés, avec une hausse substantielle des prélèvements. Il ne faut pas forcément réinscrire ces dépenses dans le budget de l'État. En revanche, que le ministre puisse, par simple arrêté, décider d'une dépense de 200 millions d'euros me semble profondément contrevenir à la loi organique relative aux lois de finances. Évidemment, ce qui pouvait passer inaperçu au départ, sur de petits montants, ne peut plus l'être aujourd'hui, à moins que l'on ne considère que la politique de rénovation énergétique échappe de facto aux pouvoirs du Parlement.
Par exemple, un arrêté ministériel du 5 septembre 2019 a créé le programme CEE de service d'accompagnement pour la rénovation énergétique, sans que le Parlement ait son mot à dire. On pourrait imaginer que le Parlement soit associé aux programmes CEE dont le coût prévisionnel est supérieur ou égal à 50 millions d'euros ou encore que le Parlement vote le volume prévisionnel pluriannuel des CEE de manière à ce que cela ne puisse pas se traduire par une augmentation décidée sur un coin de table. Je ne souhaite pas réintégrer totalement le dispositif au budget de l'État, afin de ne pas altérer la flexibilité de ce dispositif, mais il incombe au Parlement de fixer des plafonds.
Les cas de détournement concernent plutôt le financement de travaux mal faits que la non-réalisation de travaux. Des aigrefins proposent effectivement des rénovations à 1 euro, très mal réalisées. Les propriétaires n'ont ensuite que leurs yeux pour pleurer. Le détournement total financier est donc moins une réalité, même si, dans les faits, compte tenu des moyens alloués au dispositif de CEE, il peut y avoir des opérations fictives. Le contrôle TRACFIN a malgré tout plus mis en avant l'autre hypothèse de détournement.