Votre proposition de loi vise à instaurer une taxe sur les profiteurs de crise. Qu'entendez-vous par ce terme-là, qui est fort ? Reprenez-moi si je me trompe mais je comprends, à la lecture de l'article unique du texte, qu'il s'agirait d'une entreprise dont le résultat net en 2020 serait strictement supérieur à celui de 2019. Autrement dit, vous êtes contre la création de richesse et la réalisation de profits par une entreprise privée, particulièrement en temps de crise. Allons ainsi droit au but, nous comprendrons mieux la finalité de votre proposition.
C'est dommage car vous auriez pu profiter de l'occasion pour aborder les problèmes réellement complexes que peut faire naître une crise. Je pense en particulier à la création des bulles d'actifs. Lorsque, pour surmonter une crise économique, les banques centrales jouent le rôle de pompiers en injectant massivement de la monnaie pour soutenir le tissu économique, les salariés et l'ensemble des citoyens, les conséquences économiques et sociales peuvent être sérieuses. La bulle immobilière que connaissent les États-Unis et qui pourrait concerner notre continent est une conséquence problématique de la création monétaire exceptionnelle en temps de crise. On pourrait aussi citer le cas des survalorisations d'entreprises susceptibles de créer des effets de rente. Si vous aviez appelé notre attention sur ces situations de rente, problématiques et indues, nées de la réponse monétaire à la crise, en proposant de redistribuer la richesse à l'échelle européenne voire mondiale par l'intermédiaire de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), j'aurais compris. Au contraire, vous voulez exiger d'une entreprise, qui s'en serait sortie pendant la crise, de rendre des comptes, en payant une taxe, au motif que ses dirigeants seraient des profiteurs ! Rendons-nous compte de la violence et de l'indécence du propos !
Nous devrions plutôt encourager ceux qui ont réussi à surmonter la crise et dégager des bénéfices, car ils ont pu sauver des emplois et investir pour en créer de nouveaux demain. C'est cet objectif que nous avons poursuivi en accordant des aides d'urgence et en établissant un plan de relance.
Revenons-en à votre taxe. Laissons de côté les risques élevés de neutralisation du dispositif par les conventions fiscales, dont vous avez sans doute conscience. Vous avez rappelé, à juste titre, que les États-Unis et la Grande-Bretagne prévoyaient d'augmenter l'impôt sur les sociétés. Rappelons cependant que la France est le pays dans lequel les prélèvements obligatoires sur les entreprises sont parmi les plus élevés au monde. Si vous voulez faire converger la fiscalité au niveau mondial, comme je le souhaite également, vous ne devez pas prendre en compte le seul impôt sur les sociétés mais l'ensemble des prélèvements obligatoires, qu'il s'agisse des impôts de production, encore élevés même si nous les avons réduits, ou de toutes les cotisations. Le fait que les États-Unis relèvent le taux de leur impôt sur les sociétés, après l'avoir extrêmement réduit sous la présidence de Donald Trump, ne doit pas nous inciter à augmenter le nôtre également. Plutôt que le parallélisme des formes, nous devons au contraire rechercher la convergence fiscale pour que la compétitivité des entreprises européennes, en particulier des nôtres en France, ne soit pas mise en difficulté.
Nous aurions pu, également, réfléchir aux moyens d'améliorer encore notre niveau de redistribution qui est le plus élevé au monde, mais je ne partage en aucun cas votre idée que des personnes morales et, par conséquent, tous leurs salariés, deviendraient des profiteurs parce qu'ils ont résisté à la crise. Cette proposition de loi est une insulte à leur endroit. Vous vouliez, au travers de votre tribune politique, attaquer le patronat mais vous vous êtes trompée de cible car, en l'espèce, les salariés sont les premiers « profiteurs » des entreprises qui survivent à la crise.